Cinq ans après la chute de la dictature, les médias audiovisuels en Tunisie tardent à se conformer aux exigences d’une gouvernance démocratique.
Par Hamdi Hmaidi
Le changement intervenu en Tunisie en 2011 a eu un impact réel sur le paysage audiovisuel national. La parution de nouveaux textes règlementaires a permis d’assurer une existence effective à la liberté d’expression et a ainsi ouvert la voie à l’émergence de nouvelles chaînes de télévision et de nouvelles stations radio. C’est ce qui a nécessité la création d’une instance de régulation ayant pour tâche essentielle de faire éviter les dérapages de toutes sortes quelle qu’en soit l’origine dans une démocratie naissante.
Un premier pas insuffisant
Cette expérience de cinq ans a fait l’objet d’une étude que vient de publier l’Association tunisienne de gouvernance (ATG). L’évaluation proposée concerne aussi bien la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) que les médias audiovisuels publics et privés.
Le rapport en question considère que le fait de confier la gestion du secteur des médias audiovisuels à une instance régulatrice est en soi «un premier pas vers l’instauration d’une règle de bonne gouvernance». Toutefois, il estime que l’intervention de l’exécutif et du législatif à travers les nominations faites par la présidence de la république et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) fausse un peu le jeu, malgré l’association du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et du Syndicat tunisien des directeurs des médias (STDM) à ce processus.
Ce même rapport déplore le fait que la Haica ne bénéficie pas d’une véritable indépendance financière et administrative, chose qui réduit sa marge de manœuvre et l’empêche de bénéficier de l’apport des meilleures compétences nationales dans son appareil exécutif.
De plus, cette instance a, selon l’ATG, fait usage dans sa pratique «de l’outil répressif au détriment d’une approche participative» quand il s’agit de relever des dérives. Des dysfonctionnements ont été également soulignés. Il s’agit notamment du «manque de transparence quant à la procédure d’octroi de licences, puisque les critères de sélection dans les cahiers de charges restent vagues donnant au régulateur un pouvoir discrétionnaire important».
Médias publics et contrôle de l’Etat
Ce qui est reproché aux médias audiovisuels publics, c’est leur réticence à suivre les changements intervenus. Ils sont, nous dit cette étude, «toujours au service des gouvernements successifs» parce qu’ils sont «encore sous le contrôle administratif et financier de l’Etat et n’arrivent pas à avoir leur indépendance et autonomie». Cela se répercute nécessairement sur la programmation : «absence de l’identité éditoriale de chaque chaîne, télé ou radio, du fait de l’absence d’un projet stratégique».
Côté médias audiovisuels privés, les problèmes de gouvernance sont légion. La quête de l’audience, bien que légitime en soi, s’est faite «parfois au détriment de la qualité, des normes professionnelles et de l’éthique du métier», les règles de la déontologie n’ont pas été respectées, le but lucratif a relégué au second plan la question de l’identité particulière que doit avoir chaque média.
Compte tenu de ces insuffisances qui empêchent aujourd’hui le paysage médiatique audiovisuel d’être au diapason de la transition qui est en train de s’opérer, l’ATG recommande de «prévoir les mécanismes adéquats pour la mise en place d’une stratégie globale de bonne gouvernance».
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