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Ennahdha et le «modèle» turc de contre-putsch islamiste

Ghannouchi-et-Erdogan

Erdogan est un modèle pour Ghannouchi et les islamistes tunisiens.

Les dirigeants du mouvement Ennahdha doivent prouver qu’ils sont démocrates et qu’ils ne seront pas tentés par un contre-putsch islamiste à la manière d’Erdogan en Turquie.

Par Farhat Othman

Après le putsch raté en Turquie, il est désormais un syndrome turc à prendre en considération en Tunisie. Aussi, la question à laquelle il faut répondre impérativement est de savoir si nos islamistes sont désormais démocrates ou s’ils ne le sont pas. Comment s’en assurer sinon par la loi, seule en mesure d’agir utilement sur l’inconscient collectif?

Une tentation antidémocratique

Ce qui vient de se passer en Turquie, où l’islam politique est le grand modèle à suivre par nos religieux, appelle à la vigilance extrême. La dramatique expérience vécue par le pays du Bosphore aura assurément une influence sur l’imaginaire politique tunisien, et partant sur la destinée du pays si l’on n’y élève d’ores et déjà une parade efficace.

Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : nos islamistes seront tentés par le scénario turc tant qu’ils n’auront pas fait la preuve de leur conversion à l’Etat de droit par le biais de l’outil législatif. Et cela impose de commencer par abolir les lois scélérates de la dictature, attentatoires à la vie privée et dont certaines sont coloniales.

Cela va même au-delà des rangs islamistes qui, comme une tique, se nourrissent des turpitudes de certains supposés modernistes, véritables salafistes profanes, au vrai. Alors, le syndrome turc sera tout bénéfice pour la Tunisie, la préservant des velléités antidémocratiques de tous nos politiciens, islamistes ou non.

C’est maintenant ou jamais que les vrais patriotes doivent prouver leur sens démocratique avec des lois sur les questions sensibles qu’on évacue généralement au nom du prétexte religieux et moral ou de la non-urgence, alors qu’ils sont le frein inconscient dans l’imaginaire populaire au moindre changement.

La crise comme jugement

Si la Tunisie est en crise, c’est qu’on ne sait pas encore user de ce qu’elle implique pour en sortir. En effet, si le mot crisis veut dire étape décisive en latin, en grec krisis est le jugement. Et qui dit jugement dit loi et droit positif.

La seule façon de sortir de l’étape décisive de crise actuelle, c’est utiliser le levier législatif. Car tout est dans le jugement que nous portons sur les choses du fait de nos lois. Pour changer notre réel, faut-il donc changer son cadre normatif déterminant notre jugement sur ce qu’on croit être une réalité et qui n’est que de l’artefact produit par les lois à abolir.

Toutefois, rien ne se fait quand la volonté politique manque; et les bonnes intentions ne suffisent point, devant être assises sur de nouvelles lois justes en harmonie avec la norme hiérarchiquement supérieure qui est la Constitution et tenant compte des mœurs sociales qui ont évolué.

Alors, comme hier l’Égypte, le syndrome turc aidera la Tunisie à sortir de sa crise actuelle qui est d’abord une confusion des valeurs venant, pour l’essentiel, du jugement porté sur la situation du pays, alimenté par le conditionnement psychologique dû au milieu des contraintes légales et morales. Et une législation scélérate ne peut que donner un comportement malsain.

La preuve par le droit

En Tunisie se voulant État de droit, quel meilleur jugement apporter de la vocation démocratique des uns et des autres qu’une législation démocratique ? Or, nos lois scélérates d’ancien régime sont encore en vigueur bien que devenues illégales et illégitimes, violant la lettre et l’esprit de la Constitution outre les visées de la religion à laquelle réfère la Loi suprême.

Aussi, si nos islamistes sont sincères, et pour prouver qu’ils ne seront pas tentés un jour de suivre l’exemple de leurs grands frères turcs, ils doivent inscrire dans le marbre de la loi leur bonne volonté.

Cela doit se faire en consacrant d’urgence les droits et les libertés que la Constitution impose et dont la société a besoin pour réaliser le saut qualitatif nécessaire vers le vivre-ensemble démocratique.

Qu’ils fassent donc aboutir au plus vite les projets actuellement soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) d’égalité successorale et de dépénalisation totale de la consommation du cannabis qui est moins nocif que la cigarette ! Et qu’ils abrogent au plus vite les restrictions en matière de consommation et de commerce d’alcool ainsi que l’interdiction des rapports sexuels entre adultes consentants, y compris de mêmes sexes.

Toutes ces lois et d’autres sont de fait nulles et non avenues; qu’on l’officialise ! Voilà l’impératif catégorique s’imposant à nos islamistes ainsi qu’à leurs soutiens salafistes profanes pour barrer la route à la moindre tentation antidémocratique.

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