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Hamma Hammami : Rendez-moi mon garde du corps !

Parce qu’il se considère à la fois craint et menacé en permanence, Hamma Hammami estime que l’Etat lui doit une garde rapprochée, ou rien !

Par Yassine Essid

Que le chef d’un parti politique, qui s’estime exposé aux balles d’implacables ennemis, s’indigne et proteste contre la levée du dispositif de sécurité dont il bénéficiait jusque-là, n’a rien de surprenant. Excepté lorsqu’il s’agit de Hamma Hammami. Celui-là même qui se prend pour un illustre politicien engagé, doté d’un pouvoir charismatique et intraitable adversaire des bourgeois réactionnaires et de l’islamisme assassin.

Le porte-parole du Front populaire (gauche radicale) se considère par conséquent à la fois craint et menacé en permanence.

Victime par le passé de l’acharnement persécutant du régime tyrannique de Ben Ali, le revoilà reconduit, bien qu’en démocratie, aux tourments toujours renouvelés de la victime innocente.

Encore une affaire qui tombe à pic pour enrichir l’itinéraire de cet esprit révolutionnaire irremplaçable.

Une victime des mauvaises lectures…

Il faut reconnaître que Hamma Hammami se prête mal à une analyse biographique, tant sa culture et l’origine de son combat politique nous paraissent dérisoires, tant son univers intellectuel a été si peu important dans son engagement public. Aussi, ne fera-t-il jamais partie des personnages que la postérité retiendra.

Les articles de presse le concernant, ses prises de parole, ses déclarations intempestives, mettent d’ailleurs en avant ses traits de caractère : un exalté toujours surexcité et qui raisonne mal, se lance dans des discours sans substance, et se croit porteur des qualités de tribun du peuple qui le mettraient hors de l’atteinte des lois. Il est réduit, à la faveur d’une liberté d’expression désormais admise, à bégayer un vieux langage de liberté et de justice sociale.

Il n’est finalement qu’une victime des mauvaises lectures qui lui ont surchargé la cervelle l’empêchant de se donner la peine de réfléchir et de penser par lui-même. En somme, tout le contraire du militant remarquablement doué, comme le fut Chokri Belaid.

Avec ou sans protection rapprochée, Hamma Hammami s’agite sans arrêt, et dans tous les sens. C’est dans sa nature.

D’ailleurs, il n’a jamais rien fait d’autre dans sa vie que critiquer les programmes du gouvernement, vilipender les partis d’opposition sans avancer la moindre proposition durable. Il harangue la foule, ne se prive pas, à l’occasion, de protester contre telle ou telle décision, inquiète injustement l’opinion de vaines conjectures par à peu près sans y appliquer l’expérience ni la démonstration logique. La haine est son guide et il cherche, à quelque prix que ce fût, à rendre l’Etat responsable de toutes les déconvenues en animant contre le pouvoir en place un peuple de plus en plus désemparé et crédule.

La société civile supplie le chef de l’Etat d’intervenir pour rendre à Hamma Hammami ses gardes du corps.

… Et d’un délire de persécution

Lorsqu’il lui arrive de raisonner, c’est souvent au hasard. Il se livre alors tour-à-tour à des promesses de victoires assurées sur la pauvreté, l’inégalité, l’injustice, l’insécurité et tous les vieux poncifs d’une idéologie paresseuse, par laquelle les défenseurs de la cause de la veuve et de l’orphelin cherchent à éviter le défi qui leur est posé: reconstruire une véritable offre politique qui irait de pair avec la nécessité de s’adapter au formidable bouleversement induit par le changement du monde.

Entraîné par les événements, il a fini par se persuader qu’il représentait un danger pour de nombreux groupes ennemis, prétendait être la cible facile d’une redoutable et diabolique machination d’agents intérieurs qui, le moment venu, l’abattraient froidement et sans jugement.

Confrontées à de multiples pressions, échaudées par deux dramatiques attentats qui suscitent encore la peur de la bavure, les autorités, qui doivent une protection impartiale à chacun et à tous, avaient fini par céder, lui concédant l’insigne privilège d’une protection rapprochée.

Il n’y a rien de tel qu’une garde personnelle, choisie parmi le corps de farouches et vaillants agents établis pour la protection immédiate de la personne du leader populaire et le défendre contre quiconque formerait le dessein d’attenter à sa sûreté et, accessoirement, rassurer celui qui s’est construit un délire de persécution, se voyant atteint dans son existence même par des forces imaginaires.

Or le peuple, dont il n’arrête pas de défendre la cause, et qui adhère à ses idées, aurait pu lui servir, plus efficacement que toutes les polices du monde, de bouclier inexpugnable contre tout geste hostile susceptible d’attenter à l’intégrité physique de son idole.

Avec le temps, le danger qui le vise n’était plus caractérisé, ou estimé constitutif d’une protection policière. Dès lors, pour les autorités, rien ne justifiait de protéger davantage Hamma Hammami que son voisin. La menace sur sa personne ayant été levée, la présence à ses côtés de gardes du corps appartenant à la sécurité présidentielle est devenue superflu. Le ministère de l’Intérieur a cependant pris soin de mettre en place un dispositif d’agents de sécurité pour assurer sa sécurité lors de ses déplacements.

Il va sans dire qu’à sa place nous serions tous flattés de partager cette puissante tradition de protection avec les grandes personnalités, titulaires de charges dans la hiérarchie de l’Etat ou des gens assez fortunés pour soutenir leur état de gardes du corps qui font partie d’anciens groupes d’élites, viennent du personnel ordinaire ou des militants et sympathisants du parti.

Il va sans dire aussi, qu’à sa place, nous serions tous peinés d’être subitement privés d’une satisfactionà laquelle on croyait légitimement prétendre.

Fin du premier acte.

Son épouse, et sa partenaire dans l’engagement humanitaire, Radhia Nasraoui, qui a dû succomber à son tour à une certaine fascination exercée par une protection officielle qui a contribué à la réputation prestigieuse de la famille Hammami, fut profondément offusquée par une décision qui, d’après elle, revient en fait à livrer sciemment Hamma aux bourreaux chargés d’exécuter la sentence de ses ennemis.

Ne pouvant revendiquer en justice l’annulation d’un tel privilège, elle a choisi le recours à un autre mode d’action, à une nouvelle pratique protestataire et à un autre moyen de pression qui ne manque jamais de susciter une certaine sensibilité humanitaire.

Un chagrin de ménage transformé en affaire d’Etat

Quoi de mieux que le chantage à la grève de la faim. La société civile, représentée par l’association tunisienne des femmes démocrates, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) ainsi que le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), émus de si grande pitié, iront jusqu’à supplier le chef de l’Etat d’intervenir en sa faveur.

Cette affaire, est un cas d’école en matière de caprice sentimental, celui d’un chagrin de ménage transformé en affaire d’Etat !

L’expression «grève de la faim» ne s’impose qu’au XIXe siècle, mais l’histoire d’une privation de nourriture remonte aux pratiques du jeûne à caractère religieux.

Quant au jeûne privé, il peut revêtir plusieurs formes. Il en fut ainsi au moyen-âge des jeûnes de protestation des femmes mariées de force qui se laissaient mourir de faim, celui de créanciers qui, quand ils n’arrivent pas à récupérer leur dû, font honte publiquement à leurs débiteurs en jeûnant devant leur porte jusqu’à obtention du remboursement.

Au cours du XIXe siècle, la grève de la faim va devenir un moyen de protestation des opposants politiques qui se privent de nourriture en prison.

Il y a enfin le jeûne des partisans de la non-violence comme celui de Gandhi qui en s’abstenant de se nourrir de plus de 5 jours, a arrêté le glissement de l’Hindoustan et du Pakistan vers une guerre qui aurait plongé dans le chaos quatre million d’hommes. Le succès des revendications de Gandhi va favoriser une très grande diffusion du recours à la grève de la faim, au-delà des milieux non violents.

Le moins que l’on puisse dire est que la grève de la faim de Mme Nasraoui, est un phénomène nouveau de protestation à la fois individuel, original et totalement irrationnel voire pathologique renvoyé à la personnalité même du gréviste et à des catégories psychologiques comme celle de l’hystérie.

Dans un régime démocratique, et malgré l’existence de tout un arsenal d’instruments de protestation, la grève de la faim peut s’avérer être un mode d’action très efficace, de la part d’individus dont on peut penser qu’ils sont plus ou moins disposés à avoir recours à un tel mode d’action.

Mme Nasraoui, n’est pas une captive victime d’une injustice révoltante, ni une adepte de la violence contre son corps, mais plutôt une excentrique. En attendant d’obtenir gain de cause, elle peut toujours trouver des affinités consolantes entre son abstinence et certaines traditions comme le jeûne du mois de ramadan ou celui pratiqué par les bouddhistes, qui démarre en juillet exactement.

Désormais, à ce douloureux héritage historique de la légitimité des revendications et des logiques de situation de recours à la grève de la faim, on peut y ajouter désormais celui, bien insolite, de rendre le pouvoir responsable de quelqu’un qui craint de prendre sa vie en main.

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