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‘‘La rumeur de l’eau’’ de Taïeb Louhichi : Un dernier film pour la route

‘‘La rumeur de l’eau’’, dernier film et œuvre testament de feu Taïeb Louhichi, a été projeté en avant-première, dans la soirée du vendredi 2 mars 2018, à la salle Le Colisée, à Tunis.

Par Fawz Ben Ali

Décédé le 21 février 2018, Taïeb Louhichi a manqué la sortie nationale de son film qu’il avait tourné en 2016 et qui avait été projeté en séance spéciale lors des dernières Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017).

Une grande émotion a marqué cette soirée d’avant-première qui était aussi l’occasion de rendre un vibrant hommage à l’âme de celui qui avait fortement marqué le cinéma tunisien.

Taïeb Louhichi avait sillonné les plus grands festivals du monde où il a souvent été récompensé pour ses films qui portaient une signature cinématographique unique.

Jamel Madani, Ombretta Macchi, Hassen Doss et Hichem Rostom.

Les adieux au maître

Lotfi Layouni (producteur du film), Samia Louhichi (sœur du défunt), les acteurs Hichem Rostom, Jamel Madani, Ombretta Macchi, Taoufik Bahri… ainsi que l’ensemble de l’équipe technique étaient là, à la veille de la sortie nationale du film, pour présenter cette œuvre qui vient clôturer une immense filmographie.

«L’équipe technique et artistique a fait de son mieux pour mener à bien ce projet», a-souligné le producteur Lotfi Layouni qui a aussi rappelé le courage et l’endurance dont a fait preuve le regretté cinéaste, notamment après avoir survécu au terrible accident de voiture dont il a été victime en 2006, aux Emirats arabes unis.

«On s’était connu il y a près de 50 ans en France, et on ne s’est plus quitté depuis (…) Une part de moi-même m’a été offerte par Taïeb», confie Hichem Rostom.

Avant la projection, la soprano italienne Ombretta Macchi et le ténor tunisien Hassen Doss, qui sont aussi en tête d’affiche du film, ont tenu à donner un avant-goût au public en interprétant un extrait de l’opéra qui fait l’objet du film.

En effet, la musique a toujours occupé une place importante dans le cinéma de Louhichi (musique tunisienne populaire, jazz, musique classique…), étant une composante tout aussi essentielle que le scénario et la mise en scène.

Pour son dernier film, le cinéaste a puisé son inspiration dans le répertoire opératique avec ‘‘Didon et Enée’’, illustre opéra baroque du 17e siècle signé Henry Purcell, merveilleusement joué et chanté dans le film.

Ombretta Macchi et Hassen Doss interprètent un extrait de l’opéra ‘‘Didon et Enée’’.

Le retour de l’exilé

‘‘La rumeur de l’eau’’ retrace l’histoire d’Anas, joué par Hichem Rostom, qui retrouve son pays, et plus précisément le village de Sidi Bou Saïd (où tout le film est tourné) après une absence de 25 ans. Anas, artiste et ancien militant politique, retourne en Tunisie pour se réconcilier avec son passé amoureux et afin de reprendre la mise en scène qu’il avait abandonnée.

Ayant perdu son amour de jeunesse Elyssa qui était aussi sa muse et la cantatrice de son opéra, Anas a beaucoup de mal à faire avancer son projet, et c’est là que Taïeb Louhichi nous met face aux coulisses sombres de tout projet artistique avec tous les conflits et les tensions auxquels tout metteur en scène ou réalisateur peut faire face durant sa carrière, notamment lui, à l’image de son protagoniste.

Le film reflète l’intérêt qu’a toujours porté Taïeb Louhichi pour tous les arts et notamment pour l’opéra, car le rendu est d’un grand lyrisme et d’une grande poésie où le format cinématographique abrite et met en valeur la musique, la danse et le théâtre.

Le film met aussi l’accent sur l’enracinement et le déracinement qui accompagnent tout exilé comme Anas. Ainsi l’espoir qui avait motivé son retour laisse vite place à une amère désillusion.

Le personnage se confronte à une vague d’hostilité et de rejet de ses proches et se voit accusé de conspiration pour avoir purgé une peine plus courte que ses anciens camarades opposants. «On ne veut ni de toi, ni de ton opéra !», lui-lance-t-on.

Les brefs flashbacks qui accompagnent l’intrigue permettent de mieux déchiffrer le mal-être du personnage qui demeure tout au long du film tourmenté par les souvenirs de son vieil amour et de son passé politique.

L’histoire se déroule au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, et le parcours d’Anas marqué d’espoir puis de désillusion est une subtile métaphore de la Tunisie postrévolutionnaire où l’euphorie était de courte durée, laissant place à un état d’abattement général.

  • ‘‘La rumeur de l’eau’’ est en ce moment dans les salles : Le Colisée, Le Palace, Le Mondial (centre-ville de Tunis), Ciné-Jamil (Menzah 6) et Alhambra (Marsa).

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