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Gouvernance publique en Tunisie : Dépasser le stade du diagnostic à celui de la réforme

Kamel Ayadi remettant au président Caïd Essebsi le rapport de la HCCAF (10 avril 2018).

L’enjeu de la réforme du contrôle administratif et financier est de passer du stade classique de la vérification de la conformité des actes de gestion aux lois et aux procédures, à celui du contrôle de la performance et du rendement.

Par Khémaies Krimi

La récente présentation à la presse des résultats du 24e rapport annuel au titre des exercices 2016-2017 du Haut comité de contrôle administratif et financier (HCCAF), mercredi 11 avril 2018, a relancé le débat sur l’enjeu du contrôle dans la dissuasion de la mauvaise gouvernance dans le secteur public et sur la lutte contre l’impunité des gestionnaires corrompus, portée par une forte demande sociale.

Ce rapport révèle les dépassements de gestion les plus récurrents et propose des pistes pour y remédier. Ces abus et leurs incidences sur l’économie du pays feront l’objet d’un débat public qui se tiendra le 26 avril, à Tunis.

Anticipant sur ce débat, Kamel Ayadi, président du HCCAF, qui a présenté ce rapport, a qualifié d’«énorme» l’impact de ces dépassements sur l’économie nationale.

Une dizaine d’abus recensés

Le document recense une dizaine de dépassements touchant trois volets : la gestion des ressources humaines, la passation des marchés publics et la gestion des véhicules administratifs.

Les irrégularités inhérentes aux ressources humaines ont trait aux congés de maladie, aux heures supplémentaires et aux congés de mise en disponibilité.

Concernant les niches de corruption, le rapport cite la passation des marchés publics (non-maîtrise de l’identification des besoins en la matière), la faiblesse du suivi et du contrôle dans l’exécution des marchés publics et le non respect de la concurrence loyale. «Certains de ces abus relèvent de fautes de gestion pénales», estime M. Ayadi.

Au niveau de la logistique, le rapport évoque la non-tenue de dossiers actualisés du parc des voitures et véhicules, le non-respect des règlements de privatisation des voitures et véhicules et l’absence de registres et de fiches de suivi de la maintenance des voitures et véhicules.

Responsabiliser les institutions publiques

Traitant d’autres aspects qualitatifs de la mauvaise gestion dans le secteur public, le rapport relève des défaillances et des dysfonctionnements au niveau organisationnel. Il pointe du doigt les dérapages en matière de recrutement et de promotion sans mérite des fonctionnaires, ce qui explique la démotivation généralisée et le sous-encadrement de l’administration tunisienne. Il énumère également les effets néfastes de la non-digitilisation de l’administration et les abus qui découlent de la manipulation des documents.

Le document met particulièrement l’accent sur la lenteur et l’incompétence des structures publiques à recouvrer leurs impayés dans les délais, et ce, en dépit des difficultés que connaissent les finances publiques.

Les entreprises publiques les plus citées ici sont la Société tunisienne d’électricité et de gaz (Steg), la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau (Sonede) tandis que les ministères qui comptent le plus de dépassements sont ceux de l’Agriculture et de la Santé.

L’idéal serait une réforme

Au cours de cette conférence, M. Ayadi a tenu à émettre trois messages. Le premier consiste à éviter de tenir un discours populiste improductif de la lutte contre la corruption et à la combattre par des méthodes scientifiques.

Pour lui, l’investigation dans les affaires de corruption favorise certes leur identification et mais non leur éradication. Par contre, et c’est là son deuxième message, il perçoit dans le contrôle bien encadré par des lois efficaces une démarche plus globale, plus efficace et plus dissuasive sur le long terme. «L’approche pénale et dissuasive ne peut réussir, dit-il, que lorsqu’elle est devancée par une approche préventive des fautes de gestion».

Dans son troisième message, M. Ayadi propose une réforme globale du sytème de contrôle et la promulgation, à cette fin, de lois dissuasives de la mauvaise gestion et, son corollaire, la corruption.
Par-delà les révélations de ce rapport et l’appel de Kamel Ayadi à une réforme globale du système de contrôle, il faut reconnaître que d’importants progrès ont été accomplis, même s’ils demeurent encore insuffisants.

Est-il besoin de rappeler qu’au temps de Bourguiba et de Ben Ali (plus de cinq décennies), le contrôle en Tunisie était marginalisé à l’extrême. On en parlait très peu, parfois à dessein. Les rapports des structures de contrôle sont souvent classés comme confidentiels ou accessibles à un nombre limité de responsables.

Le moment est désormais venu pour renforcer les capacités professionnelles des structures de contrôle et d’inspection du pays et de les faire évoluer au niveau des standards internationaux en la matière.

L’enjeu de cette réforme est de passer du stade classique du contrôle, en l’occurrence, la vérification de la conformité des actes de gestion aux lois et aux procédures, à celui du contrôle de la performance et du rendement.

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