En s’acharnant de manière démesurée sur le chef du gouvernement Youssef Chahed, les responsables de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) sont devenus, à l’insu de leur plein gré, prisonniers d’un bras-de-fer insensé, improductif et nuisible pour le pays.
Par Salah El-Gharbi *
Depuis plus d’un an, la direction de l’UGTT mène une guerre sans merci contre la personne du chef de gouvernement. Soutenue implicitement par le président de la république, Béji Caïd Essebsi, et encouragée activement par la bande du «directeur exécutif» de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, la centrale syndicale ne cesse de déployer les subterfuges afin de rendre la vie dure à Youssef Chahed.
La destitution du chef du gouvernement est ainsi devenue l’obsession du secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, qui ne rate aucune occasion pour dénigrer, invectiver, menacer celui qu’il considère désormais comme son ennemi juré… Et comme les discours hystériques ne semblaient pas atteindre leur cible, on est passé, depuis quelques temps, aux manœuvres les plus agressives et les plus ridicules aussi. Dans son élan d’hostilité à M. Chahed, le très «progressiste» M. Taboubi n’a pas hésité à quémander le soutien de Rached Ghannouchi et du mouvement Ennahdha dans sa guéguerre contre le locataire du Palais de la Kasbah.
Qu’est-ce qui fait courir les dirigeants syndicaux ?
Après des mois d’agitation fébrile, les apparatchiks de l’UGTT, déboutés, viennent de sortir l’arme absolue, la grève générale, cherchant ainsi à déstabiliser leur flegmatique adversaire, devenu l’homme à abattre…
Ainsi, lundi dernier, 10 septembre 2018, la commission administrative nationale de la centrale syndicale s’est réunie pour adopter la proposition de cette grève dans la fonction publique. Drôle de coïncidence, le même jour, M. Taboubi s’est rendu à Carthage, cherchant, semble-t-il, la bénédiction du président ou l’informant d’une décision déjà prise.
Au fil des jours, ces agissements stériles et ces manœuvres outrancières semblent affecter la réputation de la centrale.
Ainsi, en multipliant les outrances verbales et les déclarations décalées, ses dirigeants finissent par s’attirer les critiques et exacerber la méfiance du grand public, lassé et inquiet de la perspective de voir le pays sombrer dans le désordre.
En réaction au retournement d’une partie de l’opinion publique contre leur organisation, les responsables syndicaux ripostent tous azimuts, notamment en rejetant le projet du gouvernement de céder certaines entreprises publiques, en parlant de «ligne rouge» et d’«acquis de la nation»…
Acculés, et pour mieux détourner l’attention des Tunisiens, ils n’ont d’autres moyens pour redorer leur image que de publier une liste fantaisiste d’entreprises du secteur public que le gouvernement compterait privatiser, une liste que toute la presse s’est empressé de diffuser, suscitant un démenti formel du gouvernement.
Si la manœuvre a réussi effectivement à provoquer la surprise de certains, elle reste grossière et traduit l’état de désarroi dans lequel se trouvent ces irresponsables syndicaux qui, faute de pouvoir convaincre, ont recours à l’intox afin de semer la zizanie, croyant pouvoir, ainsi, achever leur adversaire.
Si cette liste a pu susciter l’indignation de certains, elle reste peu crédible, voire extravagante. Car, à titre d’exemple, qui pourrait croire que l’Etat puisse se séparer de la l’Etablissement de télévision tunisienne ou de la compagnie Tunisair, même si ces établissements restent un boulet de fer pour les finances publiques et un fardeau pour les contribuables ?
Il est de notoriété publique que certaines sociétés du secteur public sont en crise et souffrent de problèmes endémiques qui épuisent la trésorerie de l’Etat. De même, tous les experts sont unanimes pour souligner la nécessité de réformer ce secteur malade de l’économie tunisienne. Mais, depuis longtemps, faute de courage politique, aucun responsable politique n’a osé s’attaquer à un dossier aussi brûlant et aussi complexe à gérer.
Le projet de réformer ce secteur, en restructurant certaines entreprises et en cédant d’autres aux privés, est, certes, aujourd’hui, à l’étude. Mais, un homme politique aussi avisé que Youssef Chahed n’oserait jamais s’y aventurer et ce, en fin de mandat. Pour mener une entreprise aussi délicate, il faut attendre la nouvelle législature en espérant avoir un gouvernement suffisamment fort et soutenu par une majorité stable qui puisse s’atteler à mettre en place ces réformes indispensables pour la vitalité de notre économie.
Un bras-de-fer insensé, improductif et nuisible
En fait, au-delà de leurs discours mystificateurs, si les apparatchiks de l’UGTT redoutent ces réformes, et ce n’est nullement par patriotisme qu’ils y sont opposés. S’ils sont si agressifs dès qu’il est question de réforme du secteur public, c’est que ce secteur est leur bastion et le terreau où ils puisent leurs troupes. Pour eux, comme pour toutes les organisations syndicales de par le monde, le nerf de la guerre reste le secteur public où, contrairement au privé, la sécurité de l’emploi facilite la mobilisation et favorise les mouvements de protestation de masse, casse-tête pour tous les gouvernements.
La liste des entreprises à privatiser publiée par l’UGTT n’est qu’une manœuvre de plus et de trop visant à déstabiliser le gouvernement et à porter atteinte à la stabilité retrouvé dans le pays.
En s’acharnant de manière aussi démesurée sur Youssef Chahed, les responsables de la centrale syndicale sont devenus, à l’insu de leur plein gré, prisonniers d’un bras de fer insensé, improductif et nuisible pour le pays. Plus ils persévèrent dans cette surenchère d’hostilité, plus ils s’exposent au risque de perdre ce qui reste de leur crédibilité auprès des Tunisiens.
Car, même si ces derniers restent attachés à leur syndicat historique, face à de pareils agissements irresponsables, leur indulgence risque de tarir et leur confiance de s’étioler.
Il temps que la sagesse l’emporte sur les rancœurs et que le pays reprenne son souffle durant les quelques mois qui nous séparent des prochaines électorales, prévues à la fin 2019.
* Universitaire et écrivain.
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