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Coupures d’eau en Tunisie : Le mal est dans la maintenance du réseau de la Sonede

Des citoyens coupent les routes pour protester contre les coupures d’eau potable.

Dans plusieurs régions du pays, des routes sont régulièrement bloquées par des barricades érigées par des manifestants qui protestent contre les coupures d’eau potable. Quelles sont les causes de ces coupures alors que, paradoxalement, cette année le pays a enregistré une excellente pluviométrie ?

Par Khémaies Krimi

Dans les régions de Sfax, Sousse, Kairouan, Jendouba, Medenine, Ben Arous, Zaghouan, Manouba, Ariana…, le spectacle est le même. Des jeunes, femmes, enfants et vieillards sont sortis aux fins d’exprimer, haut et fort, leur calvaire, couper à leur tour les routes et réclamer, à celui qui veut les entendre, le rétablissement de l’eau potable.

Empressons-nous de signaler ici que, comme par hasard, ce sont les agglomérations rurales et les quartiers populaires qui ont été les plus touchés par les coupures d’eau.

Les barricades les plus spectaculaires et les plus médiatisées sont celles qui ont eu lieu, hier, lundi 12 août 2019, au quartier populaire Ennahli, à proximité de l’hypermarché Géant (gouvernorat de l’Ariana), sur l’autoroute Tunis-Bizerte.

Point d’orgue de ces coupures nationales, elles ont touché des villages ruraux comme ceux de Ben Métir (gouvernorat de Jendouba) et d’Oued Zarga (gouvernorat de Béja), qui sont édifiés sur les versants de deux barrages : Ben Métir et Sidi Salem, le plus important du pays. Selon des statistiques officielles, ce dernier a été rempli au taux de 95% en 2019.

Le paradoxe hydrique en Tunisie

Un citoyen de Menzel Temime, interrogé, hier soir, par un reporter de la chaîne publique Watania 1, a résumé l’«absurde hydrique» en Tunisie en ces termes : «En hiver, nos habitations sont inondées par les crues d’oueds et les lâchers des barrages (par allusion aux inondations de 2018 dans la région du Cap Bon, Ndlr) et en été, on est privé d’eau pour célébrer, comme d’habitude, une fête d’une journée, la fête la plus attendue en Tunisie, celle de l’Aid Al-Adha».

Abstraction faite de ce témoignage, on ne peut s’interdire de s’interroger sur la nature de ces coupures alors que paradoxalement, cette année le pays a été bien arrosé.

Pour en saisir l’ampleur, les précipitations qui se sont abattues, en 2019, sur le pays ont permis de remplir les 37 barrages opérationnels que compte le pays et de collecter 1,686 milliard de mètres cubes sur un total mobilisable de 2,2 milliards de m3, et ce, selon des statistiques officielles du ministère de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la Pêche.

Pour justifier ces coupures, le Pdg de la Sonede, Mosbah Helali, invité hier, lundi 12 août, par le Journal de 20 heures de la chaîne publique Watania 1, a indiqué que ces coupures ont été générées par deux pointes de consommation : la canicule exceptionnelle qu’a connue le pays, depuis le mois de juin, et la célébration de la fête du sacrifice. D’après lui, «les Tunisiens ont consommé 80% des réserves disponibles en eau du pays, durant l’heure qui a suivi la prière de l’Aïd».

La responsabilité de la Sonede est totale

Interrogé, à plusieurs reprises, par la présentatrice du journal sur les raisons objectives qui ont empêché la Sonede d’anticiper, de prévenir et de se préparer à ces pics, Mosbah Helali, apparemment gêné, a tout fait pour esquiver cette question.

Il s’est contenté de rappeler que cette canicule exceptionnelle sévit partout, même en Europe, que le rétablissement de l’eau va se faire progressivement et que les lourds investissements programmés par la Sonede pour la réalisation de nouveaux barrages vont résoudre, dans quelques années, ces problèmes de pénurie.

En conséquence, il a demandé aux Tunisiens de patienter et de faire preuve de compréhension.

La Sonede et l’entretien des stations de pompage

Interpellé par l’agence Tap sur les raisons de ces coupures, Hichem Yahiaoui, chef du district de la Sonede dans la région de la Manouba, où le plus grande nombre de coupures a eu lieu, a pointé du doigt la vétusté du réseau et l’absence de maintenance des stations de pompage gérées par les groupements de gestion des réseaux d’adduction d’eau potable, particulièrement dans le monde rural.

Cette thèse de déficience de la maintenance du réseau d’adduction d’eau potable a été constamment développement par l’ingénieure militante Raoudha Gafrej. Pour elle, le problème de l’alimentation en eau potable réside dans la mauvaise gouvernance du secteur de l’eau en Tunisie et dans le gaspillage de cette ressource par l’effet de la vétusté du réseau de la Sonede. D’après elle, quelque 40.000 conduites seraient hors usage.

Les récentes coupures, au moment où les barrages sont pleins à la faveur d’une excellente pluviométrie en 2019, viennent lui donner raison et rappeler que la Sonede et le ministère de l’Agriculture ne se mobilisent que lorsqu’il y a un problème. C’est en quelque sorte l’apprentissage par le choc. En dépit des alertes internes et externes sur les effets désastreux d’un imminent stress hydriques, ces deux structures continuent à faire la sourde oreille et à naviguer à vue.

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