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Le poème du dimanche : Trois poèmes de Fouad Gabriel Naffah

Fouad Gabriel Naffah, né à Beyrouth le 14 juillet 1925 et mort à Dora le 19 mai 1983, est un poète libanais d’expression française. Il n’est pas un auteur abondant.

Son œuvre se compose essentiellement de deux titres : ‘‘La description de l’homme, du cadre et de la lyre’’ (1957) et ‘‘L’Esprit-Dieu ou les biens de l’azote’’ (1966). Ces deux livres l’ont pourtant imposé à l’attention des fervents de poésie.

Poète rare, mais c’est l’un des plus singuliers du 20e siècle. Préoccupé le plus souvent des thèmes simples, voire élémentaires, le poète impose du monde une image à la fois ouverte et close. Il s’agit d’une vision de nature cristalline dont on ne sait par quelle magie elle vire au noir.

Marginalisé tant sur le plan social que littéraire, le poète meurt à l’hôpital de Dora en 1983.

Ba’lbeck!

Quels
Dieux éteints gardent-ils ta parole?
Quels mythes, dans tes murs, jouent-ils des farandoles
Quels songes, en secret, dans l’enceinte où tu dors,
Ont-ils pouvoir de vivre et de braver la mort?
Qui sait-il épeler le nom de tes fantômes?
À quel nombre estimer tes sylphes et tes gnomes?
Combien sont les héros, couchés dans tes débris,
Morts et dont, cependant, on peut ouïr les cris?
Parle!
Combien de temps durera ton mystère?
Diras-tu le secret de tes feus locataires?
Qui, d’entre eux, t’a connu et t’a proclamé roi?
Qui t’a couronné temple et promis à la foi?
Qui t’a produit pour dieu et compris dans la roche?
Qui t’a crée si beau au fur que l’on t’approche?
Contre l’âge et le temps, qui t’a fait aussi grand?
S’il ne faut pas mentir et s’il faut être franc,
Moi, en comparaison, je risque un titre blanc!

Mon printemps

Les chapiteaux du ciel sont garnis de prières
La rosée a fini d’habiller la jeunesse
Et sans tendre un seul doigt la main est embaumée
La lumière du jour parle aux rideaux des yeux
Chaque feuille est un mot brodé sur la lumière
Et qui tremble d’amour aux approches du son
Il a fallu mon sang pour colorer les roses
Pour emperler l’aurore il a fallu mes pleurs
Allez je vous bénis mes chères créatures
Promenez au printemps vos pieds nombreux sur terre
Pour défier l’azur vos yeux sont de turquoise
Et pour user le temps vos os sont de silex
Mais tous les grains d’encens dont j’ai fait mon armure
N’empêchent point mon âme et mon corps de vieillir
Et tandis que l’oiseau fait la cour à la rose
La flûte de roseau soupire dans la plaine
Ma chanson dédiée à la fonte des neiges

Les deux amants

Les deux amants d’hier dorment en bonne terre
Leurs quatre pieds plantés dans un jardin de pommes
Pour nourrir en été les oiseaux du village
Et fournir de l’ombrage aux vagabonds du ciel
Leurs bras laissés dans l’air au jeu des tourterelles
Et leur voix et leur souffle ajoutés à la mer
Tous les moyens d’amour de luxe et de tendresse
Leur manquent dans la tombe ou le nouveau berceau
Leur jeunesse est partie aux œuvres du printemps
L’appareil lacrymal aux yeux bleus de l’automne
Et l’éclat de la neige aux doigts noirs de l’hiver
Et libre de la soif la fleur à deux pétales
Reste dans la fontaine à jamais effeuillée
Tous les moyens d’amour de luxe et de tendresse
Leur manquent dans la tombe ou le nouveau berceau
Excepté leurs beaux yeux qui rallumés dans l’ombre
Sont quatre chandeliers tout ravagés de pleurs

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