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Le poème du dimanche: ‘‘Le baiser’’ d’Anna de Noailles

Anna de Noailles, née Ana-Elisaveta Bibescu Basarab Brâncoveanu, est une poétesse et romancière française d’origine roumaine, née à Paris le 15 novembre 1876 et décédée dans la même ville le 30 avril 1933. Son présent poème est tiré de son recueil ‘‘Cœur innombrable’’ paru en 1901.

Anna de Noailles est issue d’une famille de boyards roumains. Les boyards sont la noblesse des pays orthodoxes non grecs: Russie, Moldavie, Valachie, Transylvanie. Elle est la fille du prince Grégoire Bibesco Bassaraba de Brancovan exilé à Paris et de la princesse Zoé née Raluca Moussouros, pianiste grecque née à Constantinople.

Née à Paris, Anna reçut une éducation axée sur les langues; elle apprit le français, l’anglais et l’allemand. À 19 ans, elle épouse Mathieu de Noailles, issu d’une prestigieuse famille de la noblesse française. Au début du XXe siècle, son salon de l’avenue Hoche attire l’élite intellectuelle, littéraire et artistique de l’époque parmi lesquels Edmond Rostand, Francis Jammes, Paul Claudel, Colette, André Gide, Maurice Barrès, René Benjamin, Frédéric Mistral, Robert de Montesquiou, Paul Valéry, Jean Cocteau, Léon Daudet, Pierre Loti, ou encore Max Jacob et François Mauriac. C’est également une amie de Georges Clemenceau. André Gide dira d’elle: «Il faudrait beaucoup se raidir pour ne pas tomber sous le charme de cette extraordinaire poétesse au cerveau bouillant et au sang froid.»

Anna de Noailles fut la première femme commandeur de la Légion d’honneur. Son œuvre est composée de quatorze recueils poétiques, elle écrira aussi des romans. Le romantisme, les états d’âme, l’amour et la nature sont les thèmes autour desquels s’est articulée sa poésie.

Couples fervents et doux, ô troupe printanière !
Aimez au gré des jours.
— Tout, l’ombre, la chanson, le parfum, la lumière
Noue et dénoue l’amour.

Épuisez, cependant que vous êtes fidèles,
La chaude déraison,
Vous ne garderez pas vos amours éternelles
Jusqu’à l’autre saison.

Le vent qui vient mêler ou disjoindre les branches
A de moins brusques bonds
Que le désir qui fait que les êtres se penchent
L’un vers l’autre et s’en vont.

Les frôlements légers des eaux et de la terre,
Les blés qui vont mûrir,
La douleur et la mort sont moins involontaires
Que le choix du désir.

Joyeux; dans les jardins où l’été vert s’étale
Vous passez en riant,
Mais les doigts enlacés, ainsi que des pétales,
Iront se défeuillant.

Les yeux dont les regards dansent comme une abeille
Et tissent des rayons,
Ne se transmettront plus, d’une ferveur pareille,
Le miel et l’aiguillon
.

Les cœurs ne prendront plus, comme deux tourterelles,
L’harmonieux essor,
Vos âmes, âprement, vont s’apaiser entre elles,
C’est l’amour et la mort…

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