Alors que des voix s’élèvent depuis des lustres pour déplorer la lenteur de la justice tunisienne, son manque de réactivité et d’efficience et surtout l’impunité dont bénéficient de nombreuses personnalités publiques, principalement parmi les politiciens influents, les magistrats multiplient leurs appels, auprès du parlement et du gouvernement, pour l’amélioration leurs conditions de travail au sein des tribunaux.
Par Cherif Ben Younès
C’est dans ce contexte que l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a organisé, ce mardi 17 novembre 2020, une conférence de presse, pour revenir sur la grève entamé hier et devant se poursuivre pour encore 4 jours, dans tous les tribunaux de la république, sous le slogan «L’État ne survit pas avec une justice moribonde».
La mort de la juge Sonia Laâridhi est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase
Prenant la parole, le président de l’AMT, Anas Hmaïdi a assuré que la mort de la juge Sonia Laâridhi, décédée après avoir contracté le coronavirus probablement dans un tribunal, était «la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», regrettant le fait que des discussions avaient pourtant été entreprises «avec tous les gouvernements et les présidents de gouvernement concernant la situation déplorable des magistrats et des tribunaux».
Hmaïdi a dans ce contexte assuré que pas moins de 250 juges sont actuellement infectés par le virus, dont le premier président de la Cour d’appel de Gabès, qui réside actuellement dans le service de réanimation, estimant que depuis la propagation de l’épidémie en Tunisie, les juges ne jouissent pas de la sécurité sanitaire adéquate.
Il a ajouté que les juges avaient plusieurs demandes liées à la situation sanitaire que traverse le pays, à savoir l’obtention urgente d’une couverture sanitaire complète à eux et à leurs familles, insistant sur leur droit de recevoir un traitement à l’hôpital militaire.
Ils réclament également l’amélioration de leurs conditions de travail dans les tribunaux, et ce, en allouant 2% du budget du ministère de la Justice à la justice judiciaire et au Fonds pour la qualité de la justice.
Ouvrir les dossiers de réforme pour une justice indépendante et impartiale
Le président de l’AMT a, sur un autre plan, appelé à la nécessité d’ouvrir les dossiers de réformes majeures du système judiciaire et de promulguer les lois de l’autorité judiciaire, en particulier la Loi fondamentale pour les magistrats.
Il a également souligné l’importance de fixer une échelle salariale pour retirer les juges du système de la fonction publique, appelant, dans ce cadre, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, à prendre des mesures rapides et pratiques.
Hmaïdi a, dans le même contexte, poussé un coup de gueule envers ce dernier et surtout envers son ministre de la Justice, Mohamed Bousseta.
«Le ministre de la Justice est en train de dormir dans son bureau et a oublié que son devoir consiste à résoudre les problèmes de la justice et des magistrats […] Et le chef du gouvernement technocrate n’écoute pas les juges», a-t-il déploré.
L’amélioration des conditions de travail dans les tribunaux devraient garantir une justice plus forte, plus indépendante et pouvant, par conséquent, être impartiale. Il est donc important de mettre en place les mesures et les lois nécessaires à cet effet, sans accorder non plus aux juges des privilèges qui les rendraient supérieurs au reste des citoyens.
Les juges doivent, de leur côté, respecter davantage les droits de l’homme
Cependant, les conditions actuelles ne justifient pas certains problèmes liés à la magistrature tunisienne, et dont les juges eux-mêmes sont en grande partie responsables. En particulier, certaines sentences abusives, violant les libertés individuelles, les droits de l’homme et les fondements de la constitution sont fréquemment prononcées en se basant sur des interprétations rétrogrades de textes vagues et moyenâgeux.
La dernière en date est celle qui concerne l’activiste Wajdi Mahouechi, condamné, scandaleusement, à deux ans de prison pour avoir prétendument «offensé la magistrature» via une vidéo Facebook.
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