La justice tunisienne s’est encore illustrée par ses sentences sélectives et abusives, en condamnant, ce jeudi 12 novembre 2020, l’activiste Wajdi Mahouechi à deux ans d’emprisonnement, pour avoir «offensé la magistrature» via une vidéo Facebook.
Ainsi, quelques mois seulement après Emna Charki, qui a été contrainte de fuir le pays après avoir été condamnée à 6 mois de prison pour avoir partagé une parodie d’une sourate coranique sur Facebook, c’est au tour de Wajdi Mahouechi de payer les frais de l’injustice de l’État.
Mais ce n’est pas tout. Les circonstances qui ont accompagné cette affaire font que le jugement prononcé contre le jeune homme soit encore plus scandaleux.
L’histoire a commencé il y a à peu près un mois, lorsque Mahouechi a diffusé une vidéo de lui-même, en lien avec la décapitation de l’enseignant français Samuel Paty par un jeune Tchétchène pour avoir montré des caricatures de Mohamed, prophète de l’islam, en classe.
Dans sa vidéo, Mahouechi a véhémentement critiqué l’imam Mokhtar Dellali, qui avait littéralement justifié l’acte terroriste à l’encontre de l’enseignant, sous prétexte que son assassin n’a fait qu’appliquer le jugement islamique adéquat.
Comme n’importe quel citoyen rêvant d’un pays moderne et juste, le jeune activiste s’est demandé comment cela se fait-il que le même État qui a dédié 7 procureurs de la république à l’interrogatoire d’Emna Charki (sans même qu’il ne reçoive une plainte à son encontre, et en succombant simplement aux pressions de quelques esprits bornés) ne bouge pas le petit doigt face aux dangereuses déclarations de l’imam Dellali.
En s’emportant, il a insulté la magistrature tunisienne, ce qui n’est, certes, pas légitime… mais de là à lui infliger une punition aussi sévère !
Totalement démesurée, la sentence montre qu’il s’agit probablement d’un règlement de compte, Mehouechi ayant très souvent critiqué la justice tunisienne, ainsi que les policiers, qui l’auraient agressé, il y a quelques années, lors d’une arrestation.
La position “anticonformiste” (aux yeux de la société tunisienne) de Mehouachi concernant l’affaire des caricatures pourrait, elle aussi, être le motif dissimulé qui a poussé le juge chargé de l’affaire à se fendre d’une sentence aussi dure… puisque désormais nous en avons l’habitude : certains de nos chers magistrats sont prêts à violer, sans scrupules, les droits de l’homme rien pour pour défendre les signes et les personnages «sacrés» du peuple. Emna Charki, mais aussi Ghazi Béji et Jabeur Mejri avant elle pourraient en témoigner.
Quoi qu’il en soit, ce que nous retiendrons de cette affaire pathétique, c’est que dans un pays comme la Tunisie, où les gens – notamment parmi ceux qui font partie la présumée élite – s’insultent comme ils respirent, seuls ceux dont les opinions dérangent se font punir. Et ils se voient, en plus, infliger des punitions totalement démesurées.
Pour illustrer ce deux poids deux mesures écœurant de l’État, rappelons, à titre d’exemple, que Seifeddine Makhlouf, dirigeant et chef du bloc parlementaire de la Coalition Al-Karama, a professé, l’année dernière, des menaces explicites contre le procureur de la république qui avait pris la décision de fermer le centre coranique de Regueb. «Si tu es un homme ose venir à Tunis», lui a-t-il dit via une vidéo partagée sur Facebook… Aujourd’hui, Makhlouf jouit évidemment de l’impunité !
Cherif Ben Younès
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