Le baromètre politique d’Emrhod Consulting pour le mois de janvier 2021 confirme la nette avance du Parti destourien libre (PDL) et le recul du mouvement islamiste Ennahdha dans les intentions de vote des Tunisiens. Ainsi que le maintien du chef de l’Etat Kaïs Saïed en pole position, malgré la perte de plusieurs points.
Par Imed Bahri
Le sondage d’opinion réalisé entre le 25 et le 27 janvier 2021 auprès de 980 personnes en âge de voter et constituant un échantillonnage représentatif de la population tunisienne confirme la baisse de popularité des trois personnalités clés de l’Etat, conséquence sans soute des querelles, divisions et tergiversations caractérisant la marche de l’Etat.
Saïed recule mais reste en tête
Ainsi, le président de la république Kaïs Saïed est crédité de 35% d’intentions de vote, contre 49% en octobre dernier, soit une perte de 14 points en 3 mois. Ses démêlées avec ses principaux collaborateurs ne plaident pas en sa faveur et donnent de lui l’image d’un homme rigide, peu coopératif avec ses velléités d’autoritarisme contrarié.
Le chef de gouvernement Hichem Mechichi recueille, pour sa part, 22% d’intentions de vote contre 26% le mois dernier (-4%), conséquence de ses turpitudes politiques et de ses alliances pour le moins douteuses.
Quand à Rached Ghannouchi, qui continue de se comporter davantage comme Guide Suprême des Frères musulmans tunisiens que comme président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), il continue de moisir dans les bas-fonds du classement avec 10% d’intentions de vote contre 12% le mois dernier et 11% en octobre dernier. Autant dire qu’il stagne et reste l’une des personnalités politiques les moins appréciées (pour ne pas dire les plus détestées) en Tunisie.
Moussi se maintient en seconde place derrière Saïed
Concernant les intentions de vote pour la présidence de la république si celles-ci devaient avoir lieu aujourd’hui, le classement reste stable avec un Kaïs Saïed en haut du tableau avec 39% de votes potentiels contre 41% le mois dernier (-2%), mais il s’éloigne inéluctablement de son score du second tour de la présidentielle d’il y a un an (73%). Le pouvoir, on le sait, use, surtout si on ne fait rien de concret pour prouver qu’on mérite les votes dont on a été crédité.
Le président de la république est suivi de Abir Moussi, présidente du PDL, avec 16% d’intentions de vote, contre 17% le mois dernier (-1%). L’avocate capitalise sur la poursuite de l’avancée de son parti, aujourd’hui le plus populaire en Tunisie.
Derrière ce duo de tête, on retrouve, loin derrière, le député Safi Saïd avec 10% contre 9% le mois dernier (+1%), Nabil Karoui, président de Qalb Tounes, l’homme d’affaires incarcéré et poursuivi en justice pour des affaires de corruption et de blanchiment d’argent, avec 6% d’intentions de vote, le même score qu’il y a un mois. Puis l’ancien ministre de la Santé Abdellatif Mekki avec 5% contre 2% le mois dernier (+3 points); l’ancien président de la république Moncef Marzouki avec 4%, contre 3% le mois dernier (+1%); le député Seifeddine Makhlouf, président de la coalition parlementaire Al-Karama, avec 3% contre 4% le mois dernier (-1 point); l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed avec 2% contre 3% le mois dernier (-1 point); Dr Lotfi Mraihi, président du l’Union populaire républicaine (UPR) avec 2%; l’ancien vice-président de l’ARP, Abdelfattah Mourou avec 1% contre 3% il y a un mois (-2%), Mohamed Abbou, l’ancien ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, avec 1%, contre 2% le mois dernier (-1%), et Mohsen Marzouk, président du parti Mashrou Tounes avec également 1%. Ce dernier est, de l’avis de beaucoup d’observateurs, l’un des hommes politiques les plus talentueux de sa génération mais qui a du mal à décoller et à faire décoller son parti.
Il convient, cependant, de préciser que ces résultats doivent être relativisés puisque 54% des personnes sondées n’ont pas exprimé leurs intentions de vote.
Les Destouriens poursuivent leurs avancée en tête
S’agissant du classement des partis, le Parti destourien libre (PDL) reste en tête avec 41% des intentions de vote contre 38% le mois dernier (+3 points), devançant de très loin le parti islamiste Ennahdha, avec 19% contre 20% le mois dernier (-1%), payant ainsi les frais des turpitudes de son président Rached Ghannouchi et de ses divisions internes devenues criardes.
Le Courant démocratique (Attayar), passé entre-temps dans une posture d’opposition vigoureuse, est crédité, pour sa part, de 8% d’intentions de vote contre 5% le mois dernier, gagnant 3 points en un mois.
Vient en 4e position la coalition islamiste radicale Al-Karama avec 7%, contre 5% il y a un mois (+2%), les excès de violence de ses députés semblent plaire à un certain lectorat, mais jusqu’à quand ?
En 5e position, on trouve un bien improbable «parti de Safi Saïd», le tonitruant journaliste et écrivain au passé trouble, avec 5% d’intentions de vote, contre 3% il y a un mois (+2%), suivi d’une tout aussi improbable «liste indépendante» avec 5%, puis de Qalb Tounes avec 4%, contre 7% le mois dernier, perdant 3 points en un mois, le mouvement Echaab avec 3 points, contre 2 le mois dernier (+1%), Tahya Tounes avec 2%, qui a du mal à décoller, à l’instar de son président, l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed, «trop consensuel et trop mou», selon l’expression d’un analyste politique, constatant que seules les positions tranchées et fermes interpellent l’électorat tunisien.
Le parti Afek Tounes, qui vient de se doter d’un nouveau président, Fadhel Abdelkefi, l’homme d’affaires et ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, ferme ce top 10 avec un peu glorieux 1% d’intentions de vote. La proximité de M. Abdelkefi avec les islamistes d’Ennahdha ne l’a sans doute pas aidé à se faire apprécier des Tunisiens, malgré l’unanimité entourant ses qualités présumées de gestionnaire ayant fait ses preuves en dirigeant le groupe familial.
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