La mésentente entre les deux têtes de l’exécutif est telle qu’elle devrait pousser le chef du gouvernement Hichem Mechichi à démissionner. Un gouvernement de sauvetage national est aujourd’hui l’unique solution permettant d’engager une action rapide pour rétablir les équilibres fondamentaux sur les plans financier, économique et social.
Par Moncef Kamoun *
Le tiraillement actuel entre la présidence de la république et celle du gouvernement est irresponsable car il est en train de miner les bases de l’Etat, sur un fond de crise généralisée. Mais d’abord, qui dirige le pays ? Est-ce le président de la république ou le chef de gouvernement ? La pratique du pouvoir en Tunisie n’a pas encore réellement répondu à cette question, le problème étant à la fois constitutionnel et politique.
Cette rivalité entre les deux têtes de l’exécutif se renforce jour après jour et l’intérêt personnel des acteurs, pour ne pas dire leur ego, qui l’emporte souvent sur l’intérêt général. Il y a, on l’a compris, un vrai problème de culture démocratique au sein de la nouvelle classe politique. Quant aux partis, ils sont devenus des groupes d’intérêt sans aucun programme et qui pensent uniquement à leur survie. Et les citoyens vivent dans le désarroi et n’ont plus confiance ni dans l’Etat ni dans la classe politique, toutes tendances confondues, qui ne semblent pas capable de trouver des solutions aux crises secouant le pays.
Un système de gouvernance qui empêche de gouverner
Dans les faits, la Tunisie a aujourd’hui un chef de gouvernement sans grand pouvoir et qui dépend trop du bon vouloir de quelques partis et un président de la république qui dit non à tout, refusant de présider la cérémonie de prestation de serment de nouveaux ministres, provoquant ainsi une profonde crise, puisque la communication entre les hauts responsables de l’Etat est devenue quasiment impossible. Où va-t-on ainsi ?
Le problème réside, dit-on, dans les textes de la Constitution, qui a imposé un système de gouvernance éclaté et qui empêche de gouverner. Tout n’est donc pas encore perdu et il est encore possible de mettre le pays en ordre de marche, encore faut-il commencer par réviser la Constitution qui a montré ses carences et ses limites.
En attendant, la solution est d’abord politique. Le président de la république doit apprendre à mettre en adéquation ses paroles et ses actes, car il ne pourra continuer indéfiniment ce jeu stérile des petites phrases provocatrices, au risque de perdre toute crédibilité et de s’abîmer.
Le chef du gouvernement, pour sa part, doit repenser sa façon de faire la politique, en prenant les décisions qu’impose la situation dans le pays, sans trop tergiverser ou chercher à plaire aux uns et aux autres. Pour l’instant, il donne l’impression de vouloir le confort du poste et la liberté de parole d’un frondeur, dont les pics sont exclusivement dirigés contre le président de la république. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un chef de gouvernement, qui plus est, dans un pays en crise.
Un bilan on ne peut plus maigre
Avec un bilan on ne peut plus maigre, des grèves partout, une pandémie de Covid-19 mal gérée, une campagne de vaccination qui fait du surplace, des secteurs entiers sinistrés, une économie à genoux, etc., M. Mechichi aurait du démissionner, mais il refuse de le faire au risque d’aggraver la situation dans le pays. Dans une entreprise privée, il y a bien longtemps qu’il aurait été mis à la porte pour incompétence ou rébellion.
Tous ceux qui connaissent Hichem Mechichi savent qu’il n’a jamais été politicien et qu’il refusera jusqu’au bout de quitter un poste qu’il n’a jamais rêvé l’occuper. Or, c’est la seule solution aujourd’hui pour débloquer une situation qui ne saurait durer sans hypothéquer l’avenir de la nation.
* M.K Architecte.
Articles du même auteur dans Kapitalis :
Tunisie : le pouvoir contre le peuple
Cité de la Culture de Tunis : Pour rendre hommage à nos maîtres
Réconciliation : Tout le monde peut enfin apporter sa contribution
Donnez votre avis