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Le poème du dimanche : «Le Pain» de Francis Ponge

L’actualité mondiale, marquée par la hausse des prix du blé et la menace de famine, impose impose la relecture de ce court texte dédié au pain, emblématique de la poétique à nulle autre pareille de Francis Ponge.

Ecrivain et poète français, Francis Ponge a toujours clamé son indépendance à l’égard de tout mouvement littéraire et sa liberté vis-à-vis des codes de la poésie lui valent d’être incompris en son temps, mais il est aujourd’hui reconnu comme l’un des poètes majeurs du siècle dernier. S’il a fréquenté le groupe surréaliste, il n’a pas vraiment adhéré pleinement à ce mouvement.

Francis Ponge naît à Montpellier le 27 mars 1899 dans une famille protestante aisée et grandit à Avignon, puis à Caen. Après son baccalauréat, il prépare des études de lettres et de philosophie, mais échoue au concours d’entrée de l’École normale supérieure en 1919. Il rencontre par la suite Jean Paulhan, animateur de la « Nouvelle Revue française », à qui il dédie ses Douze petits écrits, publiés en 1926.

Francis Ponge est embauché chez Hachette en 1931, devient délégué syndical et adhère au parti communiste. Après sa participation à des mouvements de grève importants, il est licencié en 1937. L’auteur quitte alors Paris et s’engage activement dans la résistance dès 1941, sans cesser d’écrire.

Son ouvrage majeur, Le Parti pris des choses, dont est tiré ce poème, est publié chez Gallimard en 1942. Ce sont des définitions d’objets du quotidien, sous forme de courts textes poétiques teintés d’irrationnel et jouant avec les mots, que le poète considère comme une matière à travailler.

La surface du pain est merveilleuse d’abord à cause de cette impression quasi panoramique qu’elle donne : comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.

Ainsi donc une masse amorphe en train d’éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s’est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.

Ce lâche et froid sous-sol que l’on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable…

Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Le parti pris des choses (1942).

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