Alors que l’Egypte, qui fait face aux mêmes difficultés financières que la Tunisie, tente, sous la conduite d’un militaire pragmatique, Abdelfattah Al-Sissi, de trouver des solutions radicales pour relancer sa machine économique, quitte à lever quelques vieux tabous, la Tunisie, sous la conduite d’un utopiste archaïque, Kaïs Saïed, continue de faire des ronds dans l’eau, en s’enfonçant chaque jour davantage dans la crise.
Par Ridha Kefi
Ce qui nous a inspiré cette réflexion, c’est la décision prise par Le Caire d’accélérer son programme de privatisation des entreprises publiques pour faire face à ses difficultés économiques aggravées par la pandémie de Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne.
En effet, le gouvernement égyptien a identifié dix entreprises publiques, dont deux détenues par l’armée, qui vont être introduites en Bourse d’ici à la fin de l’année. Cette annonce a été faite, dimanche 22 mai 2022, par le Premier ministre Moustafa Madbouli.
Des mastodontes lourds et coûteux
Deux entités rassemblant pour l’une les sept plus gros ports du pays, pour l’autre plusieurs grands hôtels appartenant à l’Etat, seront également créées et une partie de leur capital ouvert aux investisseurs sur les marchés de capitaux égyptiens.
Le chef du gouvernement n’a certes pas précisé les noms des entreprises et les avoirs étatiques concernés, mais on sait qu’il s’agit de véritables mastodontes, lourds et coûteux, devenus de véritables boulets de fer aux pieds de l’Etat, et qui, une fois privatisés, pourraient redevenir de véritables fleurons qui réduiraient les dépenses de l’Etat et alimenteraient ses recettes fiscales.
Ces mastodontes, on en a beaucoup, nous aussi, en Tunisie, tout aussi lourds et tout aussi coûteux pour les pauvres contribuables, mais dans notre pays, le mot «privatisation» est presque imprononçable. D’ailleurs, il effraie davantage les hommes politiques, dont la lâcheté et l’irresponsabilité sont légendaires, pouvoir et opposition réunis, que les dirigeants de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui font de ce sujet ce qu’ils appellent une «ligne rouge». Et pour cause : ils recrutent l’essentiel de leurs effectifs dans l’administration et les entreprises publiques, et c’est moins pour l’avenir des employés de ces entités qu’ils craignent que pour leur propre avenir.
Quand on sait que l’Etat paye à la centrale syndicale, chaque année, des dizaines de millions de dinars, l’équivalent des frais d’adhésion des employés syndiqués que les services de l’Etat collectent au profit de sa majesté Noureddine Taboubi, on comprend le rejet catégorique de toute cession des avoirs de l’Etat, même dans les entreprises en quasi-faillite, dont les dirigeants syndicaux font un dogme intransgressible.
A quoi on reconnaît un vrai chef d’Etat
Sur un autre plan, et au moment où le président égyptien se donne pour objectif d’augmenter la participation du secteur privé dans l’économie de 10 milliards de dollars par an pendant quatre ans, notre cher président n’a pas de temps à consacrer à ces vétilles. C’est à peine s’il ne considère pas tous les opérateurs privés comme des criminels à col blanc.
D’ailleurs, l’économie, dans sa vision messianique d’un autre âge, se résume à ce qu’il appelle la lutte contre la corruption, une «guéguerre» qu’il mène depuis son élection en 2019 et qui n’a abouti jusque-là à aucune poursuite judiciaire ni sanction dignes de ce nom. Car même Nabil Karoui, son adversaire au second tour de la présidentielle, l’emblème même de la corruption, il continue de se la couler douce, quelque part à l’étranger, et profite de tout l’argent qu’il a volé. Cherchez l’erreur !
En réalité, les accusations que M. Saïed lance à tour de bras ne servent qu’à alimenter son popularité auprès des plus crédules de ses concitoyens, car le bilan judiciaire de ces accusations reste trop maigre : les rares personnes poursuivies pour corruption ont toutes été relâchées pour manque de preuves.
Pour ne rien arranger, la cécité politique du président Saïed fait qu’au lieu d’examiner les moyens de relancer une machine économique en panne depuis 2011, ce dernier passe son temps à manœuvrer pour imposer «son» projet politique, «sa» constitution, «sa» Nouvelle République, bref «son» autocratie, comme si l’urgence actuelle dans le pays était d’ordre constitutionnelle et non économique et financière.
C’est à ce genre de détails qui font la différence qu’on reconnaît les vrais chefs d’Etat… et les aventuriers qui finissent toujours par détruire l’Etat dont ils ont la charge.
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