Tunisie-politique : Ghannouchi bientôt président de la république (avec la bénédiction de l’oncle Sam Sam) ?

Si ceux qui nous ont gouverné la Tunisie durant dix longues années ont choisi de nous faire vivre pauvres et dans une fausse liberté, Kaïs Saïed lui, après avoir suscité une fausse réforme constitutionnelle concédant aux islamistes qu’il prétend supplanter toutes leurs exigences, et qui ne fait que renforcer ses propres pouvoirs, ne semble toujours pas savoir où il veut mener son pays. 

Par Dr Mounir Hanablia *

On imagine mal Kaïs Saïed envahir les Etats-Unis et libérer la Palestine avec l’appui des hordes de l’UGTT commandées par Noureddine Taboubi, et de la poignée des militants du parti Echaab, du Parti des Ouvriers, et des Nationalistes démocrates du Watad, tous adeptes des thèses nationalistes arabes remontant aux années 60 du président Nasser et du Baath. C’est en tous cas le moins que l’on puisse en penser avec la tension diplomatique née des déclarations tonitruantes du nouvel ambassadeur américain tendant à imposer à la Tunisie sans coup férir une normalisation diplomatique pleine et entière avec l’Etat juif.

Le président tunisien a cru bon de rappeler le représentant américain à ses devoirs de réserve vis-à-vis des affaires internes du pays hôte, mais avec la situation dramatique de l’économie tunisienne et son besoin en crédits financiers que seule la puissance américaine a jusqu’à présent  garantis, il est douteux que le Département d’Etat  obtempère.

En fait le président tunisien se trouve pris en tenailles entre son discours maximaliste sur le conflit israélo-palestinien tendant à considérer toute normalisation avec Israël comme une trahison, et les intérêts de la Tunisie mis à mal par dix années de gestion calamiteuse dont le parti Ennahdha porte l’entière responsabilité aux yeux de la plus grande partie de l’opinion publique nationale.

La position fragile de Kaïs Saïed

Cela n’a pas empêché le président de ce parti, l’increvable Rached Ghannouchi au cours d’une interview sur la chaîne américaine CNN, de nier que la décennie de son parti à la tête du pays eût été si noire que cela, en attribuant cette vision des choses à une propagande tendant à justifier ce qu’il continue de qualifier de «coup d’Etat». Ghannouchi a défendu son parti en ne lui concédant qu’une part de la responsabilité dans le naufrage du pays, et en en attribuant le reste au défunt président, Béji Caïd Essebsi.

La position de Kais Saied apparaît ainsi plutôt fragile. Le secrétaire d’Etat Américain Antony Blinken a considéré que le taux de participation au référendum était bien trop faible pour légitimer l’adoption de la nouvelle Constitution, apportant ainsi son appui au prétendu Front du salut national (FSN).

Face au Fond monétaire international (FMI), aux exigences américaines, et surtout aux coups de boutoir des partis majoritaires du parlement dissous et de ses alliés qui ne jouissent pourtant d’aucun soutien intérieur digne de ce nom, le président tunisien apparaît ainsi affaibli, et incapable d’obtenir pour le pays des contreparties plus avantageuses.

Tout se passe comme si ce qu’on lui proposerait ne serait pas plus la reconnaissance de sa légitimité constitutionnelle contre le fait sioniste, l’alternative étant de rétablir le parti Ennahdha et ses alliés, autrement plus conciliants, à la tête du pays, avec les mêmes enjeux.

Dans ces conditions on voit d’autant moins ce que Kaïs Saïed pourrait faire, hormis se soumettre, l’alternative étant d’instaurer un régime révolutionnaire de type Kadhafi allié à la Russie, à la Chine, et à l’Iran, en butte à un embargo économique occidental, sinon à des agressions militaires de l’Ota.

Il serait douteux en effet que les Occidentaux tolèrent un tel régime à 150 kilomètres des côtes siciliennes avec une base aéronavale hostile installée à Bizerte capable d’entraver la circulation maritime dans le détroit de Sicile.

L’hypothèse du retour d’Ennahdha au pouvoir est-elle saugrenue ?

Cependant et comme d’habitude, il ne semble y avoir aucune continuité dans les décisions présidentielles. Un tel régime radical requerrait l’élimination de toute opposition politique ou sociale et la mobilisation populaire de masse. Or Ghannouchi et compagnie continuent de faire des déclarations séditieuses en toute impunité et de jouir d’une liberté illimitée, malgré quelques passages sans conséquences devant le parquet qui semblent avoir été plus destinés à donner le change, mais qui inévitablement finissent par renforcer le mythe de l’invulnérabilité des dirigeants d’Ennahdha, et avec les déclarations américaines, à faire apparaître leur retour au pouvoir comme une hypothèse non dénuée de fondements.

Il reste à savoir ce que signifie être nationaliste en Tunisie par les temps qui courent. Si c’est refuser l’immixtion des puissances étrangères dans nos affaires internes, il faudrait d’abord déterminer qui parmi les forces politiques l’a rendue possible et l’a renforcée.

Il faudrait également savoir si un discours panarabiste militant réduisant la spécificité tunisienne à la portion congrue puisse encore être de quelque utilité que ce soit pour le peuple et le pays à un moment où plusieurs pays arabes obéissent à leurs intérêts les plus étriqués, et où tous les régimes arabes dits radicaux ont été éliminés. Sékou Touré avait un jour rétorqué à De Gaulles qu’il préférait mourir pauvre et libre que vivre riche dans l’esclavage.

Apparemment  si ceux qui nous ont gouvernés durant dix longues années ont choisi de nous faire vivre pauvres et dans une fausse liberté, Kaïs Saïed lui, après avoir suscité une fausse réforme constitutionnelle concédant toutes leurs exigences aux islamistes qu’il prétend supplanter, et qui ne fait que renforcer ses propres pouvoirs, ne semble toujours pas savoir où il veut mener son pays. 

* Médecin de libre pratique.  

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