R&I de dégrade la notation de la Tunisie de ‘‘B+’’ à ‘‘B’’ avec perspectives négatives

Les portes du financement extérieur se ferment les unes après les autres devant la Tunisie, qui traverse l’une de ses plus difficiles crises financières. Après Moody’s et Fitch, c’est au tour de l’agence japonaise R&I de dégrader la notation souveraine de notre pays de ‘‘B+’’ à ‘‘B’’ avec perspectives négatives. Nous traduisons ci-dessous l’analyse publiée le 10 août 2022 par l’agence pour justifier cette notation.

La Tunisie traverse une situation économique difficile face à la détérioration de l’environnement extérieur et la hausse de l’inflation provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. À la lumière de l’augmentation pressions financières qui en a découlé, il faudra probablement du temps au gouvernement pour assurer une réduction constante du ratio de la dette publique, qui avait bondi à son niveau actuel sous la pandémie de Covid-19.

Compte tenu de ces facteurs, ainsi que de l’augmentation du déficit du compte courant et de la vulnérabilité croissante aux facteurs externes, R&I a abaissé la note d’émetteur en devise étrangère pour la Tunisie à B.

Approfondissement de l’incertitude politique et sociale

R&I estime que pour renouer avec la stabilité en matière d’évaluation de sa notation souveraine, la Tunisie a besoin de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) au terme des pourparlers sur l’aide financière demandée par le gouvernement tunisien. Ces pourparlers étant encore en cours, il est difficile, à ce stade, d’affirmer que le gouvernement peut assurer un accès continu à l’aide financière du FMI, quand bien même les deux parties parviendront à un accord, compte tenu de l’approfondissement de l’incertitude politique et sociale. C’est pourquoi la perspective de la notation est négative.

Le produit intérieur brut (PIB) réel a connu une croissance de 3,1% en 2021, marquant un rebond par rapport à la contraction considérable en 2020 en raison de l’impact négatif de la pandémie de Covid-19. Cependant, le PIB reste à un niveau bien inférieur à celui de la période pré-pandémique.

En 2022, la situation économique du pays est marquée par une croissance entravée par la pression exercée par des facteurs restrictifs tels que l’accélération de l’inflation alimentée par la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que par le ralentissement économique en Europe, qui est un grand importateur de biens et produits tunisiens.

L’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie jette une ombre sur l’avenir du tourisme, source importante de devises pour le pays.

L’économie sera probablement ralentie par rapport à l’année précédente et le gouvernement a annoncé une révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB réel pour cette année, qui est maintenant projetée à 2,6%, contre une prévision du FMI de 2,2%.

A partir de 2023, le pays devrait connaître une croissance du PIB à un rythme modéré de 2 à 3%, qui pourrait changer en fonction de l’évolution de la demande extérieure et de la situation politique intérieure.

 La hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation élèvera probablement le déficit du compte courant à près de 10% du PIB en 2022, alors que ce déficit était tombé à 6% en 2021, reflétant la diminution du déficit commercial résultant de la faiblesse de la demande intérieure à cause de la pandémie de Covid-19, entre autres facteurs.

Le déficit pourrait se maintenir à un niveau élevé en fonction de l’évolution des prix des matières premières. La dette extérieure est énorme, se situant à court terme à un niveau qui pèse très lourdement sur la réserve de change.

 Le déficit budgétaire est tombé à 7,7% du PIB en 2021, après avoir explosé à 9,7% en 2020 sous l’effet de la stagnation économique et en raison des dépenses budgétaires imposées par la pandémie de Covid-19.

Pour 2022, le gouvernement a projeté un déficit budgétaire de 6,7%. La hausse des prix de l’énergie entraîne une hausse des taxes et les recettes non fiscales, qui s’accompagnent d’une augmentation des dépenses de subventions.

Bien que le gouvernement essaie de freiner les dépenses, le déficit budgétaire augmentera probablement à un niveau bien supérieur à sa projection initiale. Il devrait se maintenir à un niveau élevé à partir de 2023, à moins que des mesures audacieuses ne soient prises pour limiter les dépenses en subventions et en salaires des fonctionnaires, afin d’atténuer les pressions sur le solde budgétaire.

La dette publique a bondi à 79,4% du PIB fin 2021, résultant de la détérioration du solde budgétaire au cours des dernières années. Il devrait dépasser 80% d’ici la fin de 2022.

Des problèmes structurels empêchent une croissance durable

R&I estime qu’il faudra un certain temps avant que le ratio d’endettement public commencer à baisser à un rythme régulier, en partie parce que l’économie est moins susceptible d’assurer une croissance durable élevée en raison des problèmes structurels.

 Le gouvernement tunisien sollicite un soutien financier du FMI. Pour un pays qui gère simultanément des déficits fiscal et du compte courant, il est essentiel d’assurer un soutien financier du FMI afin de maintenir un environnement de financement stable.

Le gouvernement envisage de mettre en place des politiques visant à réduire les dépenses de subventions, à réduire la masse salariale des fonctionnaires et à réformer les entreprises publiques, entre autres mesures. S’il est mis en œuvre à grande échelle, le programme pourrait produire des résultats positifs en allégeant la charge budgétaire et en renforçant le potentiel de croissance de l’économie.

Cependant, il est difficile de prévoir à ce stade si le gouvernement dirigé par le président, qui  bénéficie d’une plus grande autorité à la faveur de la nouvelle constitution, est en mesure de faire avancer les mesures prévues tout en préservant la stabilité sociale.

Les yeux sont donc tournés vers l’évolution des pourparlers avec le FMI sur l’aide financière, ainsi que la situation politique et socio-économique du pays.

Le rapport R&I en anglais.

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