Tunisie : «J’ai essayé le Mobile-Id et ça n’a pas marché»  

L’auteur de ce témoignage raconte le calvaire qu’il a vécu pour l’obtention d’une identité numérique qu’il n’a finalement pas obtenue pour des raisons à la fois bureaucratiques et techniques : un petit aperçu de l’e-administration transformée en e-bureaucratie, e-perte de temps et e-perte d’argent à la Tunisienne.

Par Atef Gadhoumi *

C’est avec beaucoup d’enthousiasme, que j’ai reçu l’annonce concernant la mise en route du Mobile-Id, une identité électronique permettant à tout.e citoyen.ne tunisien.ne d’accéder via un portail dédié à tant de services en ligne (documents administratifs, documents officiels…). Le tout en ligne, soulignons-le. Waouh! Plus de longue file d’attente, plus de «Pas de réseau», plus de «Reviens demain»…. Gonflé à bloc, je cours tenter l’expérience numérique la plus agréable.

Mais, je viens de vivre, hélas, un calvaire à la fois bureaucratique et technique. Une douche froide en somme. Voici les faits.

Une tentative avortée

Tout d’abord, rappelons, telles que détaillées sur le site mobile-id.tn, les étapes à suivre pour l’obtention d’une identité numérique. Elles sont au nombre de cinq. Tout juste un formulaire en ligne à remplir et des informations à fournir pour les deux premières étapes. Passées comme une lettre à la poste, j’entame la troisième étape qui nécessite, quant à elle, mon déplacement chez l’opérateur télécom pour confirmer mon identité tout court. C’est tout à fait raisonnable car la sécurité et la protection des données personnelles sont en jeu et priment avant tout autre chose.

Mais c’est là que le bât blesse, du moins en ce qui me concerne. Arrivé chez mon opérateur par une journée caniculaire, j’ai attendu sagement, enfin trop ennuyé par la suite, mon tour qui tarde à venir. Quand on affiche le numéro 333, tous mes démons disparaissent et je cours vers le guichet numéro 4. Je me présente, mes papiers à l’appui. L’employé, peu bavard, se lamentait sans cesse, par de petits mots, de la «lourdeur du système» (informatique). Enfin l’interface sollicitée apparaît et la saisie de mes données personnelles commençait. J’attends.

Au bout d’un long moment et beaucoup de patience face à ce tintamarre de cliques de souris et de touches du clavier, l’opérateur me regarda fixement et prononçait sa sentence: «Monsieur, la date d’émission  de votre carte d’identité nationale ne correspond pas au numéro de la carte».

Surpris, je répondis : «Et…???». «Il va falloir «faire une réclamation à ce qui de droit», ajouta-t-il, tout en appelant le suivant.

Un parcours de combattant

Bien déterminé à en découdre avec cette bêtise car je crois savoir l’origine de cette «erreur», j’ai entamé  un parcours de combattant digne d’un citoyen respectueux des procédures administratives. J’ai commencé, via un formulaire disponible sur le site mobile-id.tn par contacter le responsable désigné et solliciter une solution à ma situation… Vainement. Par trois fois, mon identité, mon adresse email et ma doléance dévoilées remplissant les champs du formulaire, je ne reçois que ce message d’erreur : «Merci de réessayer une autre fois». Je ne lâche pas prise et je déniche un numéro de téléphone public le 70 244 688 que je compose, à mes frais, et au bout du fil, un homme compréhensif, me rassure que ce sera résolu dans les heures qui viennent. «On vous contactera monsieur.» J’attends…

Le lendemain, j’appelle le même numéro, un homme, un autre, plus rassurant encore me promet qu’il veillera personnellement à ce que cette affaire soit résolue instantanément. J’ai attendu.

L’après-midi, un autre coup de fil, et une nouvelle promesse mais cette fois-ci, je demande une adresse email d’un contact potentiellement apte à régler ce problème. On m’envoie, gentiment, cette adresse que je dévoile publiquement : brc.mtcen@tunisia.gov.tn.

J’écris un mail exposant la situation et une réponse rapide, automatique apparemment, me parvient: «Bien reçu et transféré au service concerné pour étude et réponse».

J’ai attendu. Silence radio.

Un grain de sable enraie toute la machine

Voici, à mon avis, où réside le problème. J’ai renouvelé ma carte d’identité en 2018 et j’ai acheté une puce téléphonique bien avant cette date et comme, apparemment, le service technique qui a élaboré la solution mobile-id vérifie l’identité de l’utilisateur en accédant à la base de données de l’opérateur télécom et non du ministère de l’Intérieur, la date d’émission de la carte d’identité renouvelée, qui a forcément changé, ne coïncide pas donc avec celle de l’ancienne carte fournie à l’opérateur. Voilà c’est tout : un champ, un simple champ, celui de la date d’émission sape une telle entreprise, un grain de sable qui enraie toute la machine.

Et, je me demande: «Ne suffit-il pas du numéro de la CIN et de la présence humaine chez l’opérateur pour vérifier l’identité de la personne? Quelle valeur ajoutée fournit la date d’émission qui change pour mille et un motifs? Et puis, pourquoi ne pas mettre à jour les bases de données utilisées? Pourquoi ne pas accéder simultanément aux différentes bases de données utilisées? Pourquoi ne pas créer une autre base de données concoctant diverses données ??? Les solutions techniques existent. Il suffit d’avoir la bonne volonté, de l’énergie positive et de la créativité.

A bon entendeur, salut ! Mais je ne vais pas lâcher prise.

* Citoyen et e-citoyen.

Le site de la Mobile.id.

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