L’Angleterre, d’Alfred le Grand à Charles III «l’Attardé»

Le Roi d’origine allemande Charles III qui à 70 ans succède à sa mère la Reine Elisabeth II après avoir attendu quarante ans pour accéder à la fonction à laquelle il avait été préparé toute son enfance et sa jeunesse. Il se trouve désormais à la tête d’un peuple qui n’a plus de la royauté et de l’autorité une idée bien définie, et qui après le Brexit, se cherche.

Par Dr Mounir Hanablia *

On pensera ce que l’on voudra de la mort de la Reine Elizabeth II; d’aucuns, nos sempiternels nationalistes, parangons de la grandeur de notre race et de notre religion, se défendront même comme à leur habitude, de penser. Mais honni soit qui mal y pense !

Elizabeth II a régné sans gouverner, hormis sa famille, et toutes les péripéties et les drames dont le palais de Buckingham a été le théâtre durant son règne ne sont pas sans rappeler les sanglants affrontements pour la conquête du pouvoir qui ont émaillé l’’Histoire de l’Angleterre, celui entre Etienne de Blois et la Reine Mathilde qualifié d’Anarchie, ou bien cet autre entre la Maison d’York et celle de Lancaster connu sous le nom de Guerre des deux Roses qui a duré trente ans et qui s’est finalement conclu avec la bataille de Bosworth en 1485 et l’avènement de Henry Tudor.

Pragmatisme et recherche du compromis

Cependant, l’Anarchie avait pris fin avec l’accord conclu par lequel Etienne de Blois nommait comme héritier Henry Plantagenêt, le fils de sa rivale. Et Elizabeth Ière Tudor avait fait exécuter sa cousine, la catholique Marie Stuart d’Ecosse, mais étant sans enfants, à sa mort c’est le fils de son ennemie, Jacques Stuart d’Ecosse, élevé dans la foi protestante, qui est finalement devenu également Roi d’Angleterre. Et lorsque les Stuart ont voulu rétablir la foi catholique en tant que religion d’Etat, le parlement anglais, cette nouvelle force, a d’abord fait exécuter Charles Ier Stuart, puis chassé Jacques II et choisi pour Roi le Stathouder de Hollande Guillaume d’Orange, avant d’installer à la tête du Royaume la maison allemande de Hanovre.

C’est parce que le parlement anglais voulait gouverner qu’il a choisi des rois étrangers qui ne comprenaient pas l’anglais et qui passaient la plupart de leur temps hors d’Angleterre. Et c’est ainsi que le roi d’Angleterre a pris l’habitude de gouverner sans régner. Et ce qui confère à l’Histoire de l’Angleterre ce caractère universel indéniable, c’est le pragmatisme et la recherche du compromis qui y ont souvent prévalu, y compris durant ses périodes les plus sanglantes, et qui ont abouti finalement à ce que l’on nomme aujourd’hui la démocratie, c’est à dire l’alternance pacifique au pouvoir grâce à des mécanismes institutionnalisés.

Il faut dire que l’Angleterre avait été durant quatre siècles une colonie romaine et que à partir de 450 elle a fait face à une succession d’invasions et de colonisations, d’abord par les Anglo-saxons, puis 4 siècles plus tard par les Vikings danois et norvégiens, avant d’être conquise en 1066 par les Normands venus de France.

Dans un espace restreint il a fallu intégrer ces populations guerrières d’origines diverses et instaurer un modus vivendi entre ses différentes composantes. Il faut dire que la querelle des investitures entre les papes et les empereurs avait donné le ton, mais après l’assassinat de l’archevêque de Canterbury par les sbires du roi angevin Henry II, son fils le roi Jean dit Sans Terre avait dû concéder en 1214 aux seigneurs mécontents en majorité saxons des garanties concernant la protection de leurs biens et de leurs personnes. On a appelé cela Magna Carta, la Grande Charte, mais les historiens anglais ne lui en ont pas été reconnaissants, sans doute à cause de la défaite de Bouvines, et la perte en France par le roi d’Angleterre de la Mayenne, du Poitou, de l’Anjou, de la Normandie, et d’une partie de la Guyenne.

Emergence de la conscience nationale anglaise

Les graines de la Guerre de Cent Ans avaient ainsi été semées, un conflit dont la conclusion finale, le désengagement de la totalité du Royaume de France, marquerait avec l’avènement des Tudor, l’émergence de la conscience nationale anglaise.

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Cependant, les historiens anglais d’une manière générale n’ont pas été tendres avec les rois qui ont régné sur leur pays. Contre les Vikings, les Normands, et les Angevins, ce sont bien  les Saxons, pourtant des envahisseurs, qui avaient trouvé grâce à leurs yeux, et parmi ces derniers, seul le Roi du Wessex Alfred avait été qualifié de Grand parce que les impérialistes anglais lui ont attribué le mérite de la fondation et de l’unification du royaume.

Le Roi d’origine allemande Charles III qui à 70 ans succède aujourd’hui à sa mère la reine Elisabeth II après avoir attendu quarante ans pour accéder à la fonction à laquelle il avait été préparé toute son enfance et sa jeunesse. Il se trouve désormais à la tête d’un peuple qui n’a plus de la royauté et de l’autorité une idée bien définie, et qui après le Brexit, se cherche. Sa première allocution a certes été à la hauteur de l’évènement. Néanmoins il pourrait à l’avenir subir les foudres des professionnels de la mémoire s’il s’avérait qu’il n’évoluât pas hors des normes que son éducation issue d’un monde disparu, celui par exemple d’Henry VIII, lui a inculquées. Auquel cas il serait sans doute qualifié d’attardé. 

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