Tunisie-Libye: en attendant la zone franche de Ben Guerdane !

Le chef du gouvernement libyen Abdel Hamid Dbeibah est en visite officielle de deux jours à Tunis à partir d’aujourd’hui, mercredi 30 novembre 2022. Il est accompagné de plusieurs ministres, ainsi que du gouverneur de la Banque centrale de Libye. Des accords commerciaux sont en perspective, et bien de défis à relever…

Par Moktar Lamari *

Rappelons que le 16 novembre, une délégation tunisienne représentant plusieurs départements gouvernementaux s’était rendue dans la capitale libyenne, Tripoli, pour signer des accords bilatéraux de coopération économique.

En principe, la Tunisie est un partenaire commercial essentiel pour la Libye, en raison du voisinage, de l’histoire commune et des affinités ethniques et culturelles. Les deux pays ont au moins 3 points de transit terrestre, favorable au commerce formel, et quelques centaines de kilomètres de no man land, propice au commerce informel, bar ouvert! Tout passe: cigarettes, alcools, armes et bien plus!

Les ministres tunisiens sont à la recherche de contrats commerciaux, des aides et des dons de la riche Libye voisine. On ne fait pas référence aux entraves de part et d’autres, et on oublie le projet de création d’une zone franche à Ben Guerdane.

Libye : un taux de croissance à deux chiffres

L’économie libyenne, dominée par le pétrole, dépend fortement des biens de consommation et d’équipement importés. Son taux de croissance pourrait frôler les 15% en 2023.

La Tunisie est déjà la huitième source d’importation de la Libye : le commerce a fortement augmenté en 2021-2022, mais il reste en-dessous des niveaux d’avant les révolutions tunisienne et libyenne de 2011.

La Libye et la Tunisie cherchent à faciliter les procédures d’entrée de marchandises et de fournitures d’origine étrangère sur le territoire libyen par les ports tunisiens et de lever toutes les restrictions à ce mode de circulation.

Afin de faciliter ces transactions transfrontalières, le ministre libyen de l’Economie et du Commerce du gouvernement intérimaire d’unité nationale (GNU), Mohamed Hweij, a signé un accord avec le ministre tunisien du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rebhi, pour établir une zone économique libre commune au poste frontalier de Ras Jedir, à la frontière des deux pays. Afin de stimuler ce processus, les deux parties ont formé un groupe de travail conjoint pour assurer son développement.

Les précédents épisodes de violence dans le conflit civil de longue date de la Libye ont conduit à la fermeture temporaire du passage frontalier, et de telles menaces, bien que diminuées, restent une préoccupation pour les investisseurs potentiels.

Les problèmes sécuritaires en Libye et les réseaux de contrebande souvent incontrôlés augmentent considérablement les risques à court terme.

Selon la direction de la douane tunisienne, entre le 1er janvier et le 8 août de cette année, le passage frontalier de Ras Jedir comptait en moyenne environ 8 000 voyageurs par jour, et un total d’environ 40 000 camions ont traversé le passage à niveau au cours de cette période, ce qui souligne l’importance de ce corridor pour le commerce et les voyages entre les deux pays.

Cependant, la valeur totale du commerce bilatéral totalisait quelque 1,1 milliard de dollars américains en 2021, de sorte que faire du passage un centre majeur est susceptible d’être un projet à long terme.

Les deux parties ont également convenu de lancer une compagnie maritime pour transporter des passagers et des marchandises entre leurs ports respectifs et de former une équipe technique bilatérale pour se préparer à une telle entreprise.

Le GNU suit des politiques similaires à celles des administrations précédentes du pays à Tripoli, qui consiste à poursuivre et à mettre en œuvre des projets visant à élargir les liens commerciaux du pays en s’associant à la Tunisie, permettant ainsi un meilleur accès aux marchés de l’Afrique subsaharienne via notre pays.

Jamais trop tard pour bien faire

Pas le choix, la Libye et la Tunisie doivent promouvoir les activités commerciales et logistiques, renforcer les relations commerciales et créer des opportunités d’emploi dans l’économie formelle de la Libye. Mais, l’activité commerciale est actuellement en-dessous des niveaux d’avant 2011.

Le commerce informel entre la Tunisie et la Libye doit retrouver les chemins de la légalité.

Le commerce est mutuellement bénéfique pour ces deux nations voisines et dont les frontières ont été dessinées arbitrairement par la règle plate de la colonisation. Des tribus ont été partagées en deux, le retour du commerce formel pourrait recréer des ponts, des liens d’affaires et surtout du bien-être collectif.

Mais, le commerce veut la vérité des prix, et n’aime pas les rentes de situation, ainsi que les produits problématiques, parce que subventionnés ou encore soumis à de complexes autorisations bureaucratiques, génératrices de corruption, de commissions sous la table…

Le travail de collaboration entre les deux pays doit ouvrir les frontières commerciales, mais aussi libérer les prix et bannir les lobbyistes et autres contrebandiers omniprésents dans les rouages des deux gouvernements et directions douanières à l’œuvre des deux côtés des frontières.

L’ouverture totale des frontières aux personnes et aux produits peut générer à la Tunisie rapidement plus de 50 000 emplois directs et indirects.

On attend toujours, la zone franche de Ben Guerdane, projet annoncé et financé depuis plus d’une décennie. Mais qui ne semble pas plaire aux lobbyistes et partis politiques ayant gouverné la Tunisie depuis 2011. Kaïs Saïed devra bousculer les choses, le peuple veut de cette zone franche. Vivement demain…

* Economiste universitaire au Canada.

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