Tunisie : l’entreprise, l’Etat et la crise  

Le président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), Taïeb Bayahi, a appelé, à l’ouverture de la 36e édition des Journées de l’Entreprise sur «L’entreprise et la sécurité: liberté et souveraineté», organisée par l’IACE à Sousse, le vendredi 9 décembre, en présence de près de 700 participants, à reconsidérer le rôle de l’Etat dans l’économie, qui plus est, dans un contexte de crise.

Le thème de cette édition des Journées de l’entreprise reflète les crises économiques survenues ces dernières années et leur impact notamment en matière de hausse des prix et de baisse des matières premières, a déclaré M. Bayahi, en soulignant la nécessité de discuter de l’intervention de l’Etat au niveau du rendement des marchés, estimant que l’entreprise ne doit pas être seule à faire face aux difficultés économiques, à la hausse des coûts et au manque de matières premières.

Présidant la cérémonie d’ouverture de cette édition, en remplacement de la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Neila Nouira Gongi, a affirmé que ces journées se tiennent, cette année, dans un contexte spécial marqué par une crise énergétique et un dysfonctionnement des chaînes d’approvisionnement alimentaire à l’échelle mondiale, à cause de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.

Pour cette raison, l’IACE a choisi de concentrer les débats de ces journées (8, 9 et 10 décembre 2022), sur les questions de la sécurité énergétique, alimentaire et hydrique et aussi la sécurité cybernétique.

Prennent part à cette édition des représentants des organisations patronales d’Egypte, de Corée du sud et d’Ukraine, des hommes d’affaires, des hommes politiques, des économistes et un représentant du Fonds monétaires international (FMI).

L’entreprise face à la crise

Les panels organisés portent sur les thèmes de la «Souveraineté économique : priorités et exigences» et «Nouvelles contraintes, nouvelles stratégies de l’entreprise». Se tiendront également deux sessions spéciales sur «Troubles sociaux et pérennité de l’entreprise» et «Cybersecurity».

Neila Nouira Gongi.

Le programme de cette année prévoit des activités de réflexion sous forme de «fishbowl» destinées à proposer des solutions innovantes aux entreprises confrontées à plusieurs problématiques dont principalement :1. Quelles opportunités d’investissement en période de crise ?; 2. Quels modes de financement adopter face à la hausse des taux et au resserrement monétaire ?; 3. Quel plan social évoquer en période de stagflation ?

Une session spéciale s’était tenue avant-hier, jeudi, sur «L’organisation et la régulation des marchés : liberté et sécurité», à laquelle n’a pas assisté, comme prévu, la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rabhi Ben Hamza.

Selon Mme Nouira Gongi, l’organisation de cette 36e édition des Journées de l’Entreprise intervient dans un contexte national, régional et international très délicat, en raison des répercussions de la pandémie du coronavirus et du conflit russo-ukrainien, lesquelles ont poussé le monde vers une nouvelle crise économique.

Ouvrant ces journées, la ministre a ajouté que le gouvernement a réagi favorablement aux besoins urgents des entreprises, en adoptant plusieurs mesures visant à stimuler l’investissement, assurer la pérennité du tissu économique et facilité l’accès aux financements nécessaires.

Dans ce cadre, elle a rappelé la promulgation, récemment, du décret- loi n°2022-68 relatif à l’amélioration de l’efficacité de l’exécution des projets publics et privés.

Elle a fait part, aussi, de la volonté du gouvernement d’adopter une approche intégrée pour l’élaboration des réformes et des programmes nécessaires facilitant la sortie de la crise et la relance économique.

«Le gouvernement a élaboré un programme national de réformes réalistes, pouvant être mises en œuvre, dans le cadre d’une approche participative, tout en prenant en considération l’importance du volet social», a-t-elle assuré.

Réforme globale de la fiscalité

D’après elle, ce programme repose sur plusieurs axes, dont l’amélioration de l’accès au marché, le développement de l’infrastructure et de la technologie, ce qui permettra de fournir de meilleurs services logistiques, et d’activer le rôle des technopôles, notamment dans les domaines de l’innovation, de la recherche et du développement. La finalité est de soutenir l’effort de restructuration du tissu économique et d’impulser sa compétitivité.

Ce programme vise, aussi, à soutenir l’investissement privé, à travers le renforcement des mécanismes de financement nécessaires, surtout au profit des petites et moyennes entreprises et des start-up, outre l’amélioration de l’intégration financière, le développement de services de paiement électronique et la sécurisation de la résilience financière du secteur bancaire.

 «Les réformes sont fondées sur la réforme globale de la fiscalité, en vue de consacrer la justice fiscale, la transparence des transactions, la modernisation de l’administration fiscale, la rationalisation des avantages fiscaux et l’intégration du secteur parallèle. La loi de finances pour l’exercice 2023 comprendra des mesures dans ce sens», a assuré la ministre, en faisant remarquer que dans le cadre de la réforme de la fonction publique, l’accent sera mis sur la digitalisation de l’administration, la rationalisation de la gestion des ressources humaines et le développement du système de rémunération.

Mme Gongi a souligné, à cet égard, l’engagement du gouvernement à poursuivre le dialogue avec l’UGTT et l’Utica et à œuvrer à préserver le pouvoir d’achat du citoyen, à travers l’allègement de l’impact de l’inflation importée.

Audit des entreprises publiques

La ministre a affirmé que le gouvernement a décidé d’engager un audit des entreprises publiques et à œuvrer à instaurer un nouveau système de gouvernance de ces établissements, lequel sera fondé sur davantage de souplesse et de transparence et la reddition des comptes. Il s’agit, également, d’élaborer une liste des entreprises publiques actives dans les secteurs stratégiques, afin d’améliorer la qualité des services publics et leur compétitivité, sans pour autant céder ces entreprises aux privés. Elle a mis en exergue le souci du gouvernement de revoir le système de compensation des produits de base, en vue le rationaliser et de protéger le pouvoir d’achat des catégories moyennes et à faible revenu.

«Le gouvernement est convaincu que le programme de réformes va permettre de maîtriser progressivement, les équilibres des finances publiques et aura un impact positif sur l’emploi à moyen et long termes», a dit Mme Gongi, ajoutant que la sécurité alimentaire et énergétique continue d’être le défi majeur auquel fait face la Tunisie aujourd’hui. Elle, à cet effet, fait état de la détermination du gouvernement à réaliser l’autosuffisance en blé dur, limiter l’importation de certains produits et promouvoir les ressources fourragères locales pour soutenir la filière laitière.

En ce qui concerne la sécurité hydrique, elle a indiqué que le gouvernement a œuvré pour accélérer le raccordement des barrages du nord au centre et entamé la réalisation de nouveaux barrages en plus du parachèvement des stations de dessalement des eaux à Zarat, Sousse et Sfax.

La ministre a également rappelé la détermination du gouvernement à renforcer la sécurité énergétique à travers l’accélération des stratégies nationales de transition énergétique. «Le gouvernement a adopté une série de projets d’investissement dans les énergies renouvelables,  l’objectif étant de maitriser le déficit énergétique et de créer des opportunités d’emplois verts», a-t-elle assuré.

Evoquant les négociations avec le FMI, elle a indiqué que l’aboutissement à un accord au niveau des experts, le 15 octobre 2022, est un «témoignage de la crédibilité et de la viabilité du programme de réformes et aussi, un signe de confiance en la capacité de  résilience de l’économie nationale». Et d’évoquer les retombées positives de cet accord dont notamment le relèvement de la note de défaut émetteur à long terme en devises de la Tunisie de «CCC» à «CCC+» par l’agence de notation Fitch Ratings, le 1er décembre courant, après une série de baisses successives de la notation.

La ministre a fait savoir qu’il y a un regain de confiance de la part des partenaires stratégiques de la Tunisie, confirmé par la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad8), tenue courant août à Tunis, et le Sommet de la Francophonie en novembre à Djerba).

I. B. (avec Tap.)

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