Tunisie : des législatives pour rien!

Nous avons déjà prévenu au premier tour que des élections législatives sans programme économique et sans débat politique ne serviront à rien et ne feront qu’ajouter des problèmes aux problèmes. Mais, l’entêtement des uns fait le malheur des autres… Encore des législatives pour rien… Rien de rien!

Par Moktar Lamari *

Il faut le faire, onze pour cent comme taux de participation, c’est un échec patent, c’est un camouflet, puisque insuffisant pour instaurer un parlement crédible, fiable et utile! Pas le parlement que la Tunisie attendait et encore moins celui promis par son excellence, le président Kaïs Saïed.

C’est de la perte d’argent, alors que le pays est techniquement en faillite. Des millions de dinars empruntés à des taux d’intérêts de 8-12% sont dilapidés dans une opération d’élections boudée par les citoyens, par les payeurs de taxes qui n’en veulent plus de ces élections factices, des ces instituions fantoches et de ces politiciens apprentis sorciers.

Tout ça pour ça! Le tout pour une assemblée qualifiée par la presse internationale de parlement factice, parlement bidon ou encore parlement fantoche.

Sur le fond, ce n’est pas ainsi qu’on peut constituer un parlement, où cohabitent pouvoir et contre-pouvoir! Un parlement fonctionnel qui joue son rôle de contrôleur des dépenses, de régulateur des pressions et comme pourvoir législatif qui se tient debout face aux pouvoirs exécutif et judiciaire. Le citoyen lambda devrait y trouver son compte, ses défenseurs et ses relayeurs.

L’échec d’un autre test démocratique

Rien de tout cela, un coup de pied dans l’eau! Et, c’est un autre revers à la démocratie tunisienne. Et qu’est ce que vous voulez, son excellence l’honorable Kaïs Saïed veut réinventer la roue! Refaire les institutions tunisiennes a son goût, et à sa façon populiste de voir le monde.

C’est ainsi qu’il a transformé, et par décret, le pouvoir judiciaire en fonction avec fonctionnaires soumis au pouvoir exécutif.

C’est ainsi qu’il a transformé le pouvoir législatif en coquille vide, en béni oui-oui, sans parti, sans idéologie partisane et sans repères de cohérence et d’imputabilité. Le parlement ainsi constitué ressemblerait à une basse-cour, où on s’agite, sans pouvoir et sans dents.

Le dessein est dangereux, le président Kaïs Saïed veut avoir une chambre de résonnance, avec des élus sans programme économique, sans vision idéologique cohérente et défendable dans la durée et dans les résultats. Et sans envergure, rien que des béni-oui-oui!

Et ceci explique cela, son excellence Kaïs Saïed s’est accaparé tous les pouvoirs, et a fait le vide autour de lui. Avec les résultats qu’on connaît.

Adversité et non-sens

Le pays plonge dans une incroyable galère, sans équivalent: crise économique, crise politique et bientôt une crise sécuritaire.

La théorie économique nous apprend que les élections ajoutent de la valeur ajoutée pour les sociétés modernes, quand elles sont fondées sur des débats fructueux, sur des arbitrages entre des enjeux urgents et challengeants.

Antony Down (1930-2021), auteur du célèbre livre ‘‘Economic theory of democracy’’, a écrit en 1957 que des élections efficaces et efficiences doivent être basées sur un taux de participation dépassant les deux tiers des votants et il a ajouté que ce taux de participation augmente avec : 1- la présence de programmes électoraux bien définis chez les candidats aux élections et partis en compétition, de projets de changement et de transformations porteuses de progrès ; et 2- la nécessité de compétitionner sur la base de nouvelles idées et nouveaux engagements pour transformer la société, trouver des solutions aux problématiques en présence et sur pour arbitrer les divergences et les enjeux en compétition. C’est pour bousculer le statu quo et s’ouvrir des perspectives!

Un camouflet pour le capital de confiance

La théorie économique de la démocratie moderne intègre ces enjeux institutionnels et transformationnels dans ses paradigmes. Pour notamment nous apprendre que le recours aux urnes aide au moins à solutionner trois problèmes d’imperfection des marchés et du dysfonctionnement social.

– Un, les électeurs, en participant, font leurs choix et assument leur responsabilité pour vivre avec, au moins le temps d’une législature. Et considérant les enjeux, ils vont participer en nombre et sérieusement.

– Deux, ces élections, quand elles sont fondées sur une compétition démocratique, sur des programmes clairs, créent le consensus pour appuyer le fonctionnement du marché et la performance économique, de manière générale. Les réformes douloureuses sont ainsi conçues, acceptées et menées à terme, notamment ce jeu de pouvoir et contrepouvoir.

– Trois, les élections démocratiques et mobilisatrices créent du capital social, réduisent les coûts économiques de l’incertitude et renforcent la paix sociale. Elles cimentent la collectivité pour faire mieux en matière de progrès social et de prospérité économique.

Rien de tout cela dans les élections législatives prônées ex-nihilo par les diktats de son excellence, l’honorable Kaïs Saïed.

Ces élections législatives ne feront qu’aggraver la situation et ne pourront que dégrader la confiance collective, même si celles qui les ont précédées n’ont pas fait mieux!

Qui va payer la facture de tous les feux et étincelles d’incertitudes allumés par cet échec patent des élections législatives en Tunisie ?

L’échec politique s’ajoute aux échecs économiques et budgétaires, qui paralysent le pays et appauvrissent son peuple… Ce peuple n’a jamais voulu cette dangereuse dérive… Où va-t-on avec cette accumulation d’erreurs et de bêtises à répétition des politiciens au somment de l’Etat?

* Economiste universitaire.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T.

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