Tunisie : Ahmed Chaftar, Kaïs Saïed et le syndrome de Zarzis

En ne votant pas pour Ahmed Chaftar aux dernières législatives, les habitants de Zarzis ont-ils voulu exprimer leur manque de confiance en Kaïs Saïed ? (Illustration: la poignée de main chaleureuse avec le gouverneur de Médenine en novembre dernier à Djerba a laissé des traces dans le cœur des habitants de Zarzis).

Par Imed Bahri

Ahmed Chaftar, l’exégète attitré de la pensée de Kaïs Saïed, si tant est que ce dernier ait vraiment une «pensée», ayant très peu écrit durant sa longue carrière de professeur de droit, n’a finalement pas été élu à Zarzis, et son mentor a visiblement été secoué par cette défaite qui est aussi, beaucoup, la sienne.

Beaucoup n’analystes ont vu dans la défaite de Chaftar, le candidat le plus médiatisé des législatives, dont le second tour s’est déroulé dimanche 29 janvier 2023, un désaveu de la politique de Saïed, qui plus est, pacifiquement exprimé par la population de cette ville du sud-est qui n’a pas fini de pleurer ses 18 disparus lors du naufrage d’une barque de migration clandestine, le 18 septembre dernier.  

Hier, mardi 31 janvier, lors de son entretien avec les responsables de la garde nationale à la caserne d’El-Aouina, corps sécuritaire chargé d’enquêter sur cette affaire, le président Kaïs Saïed a tenté de se justifier aux yeux des familles des victimes, en rappelant à ses interlocuteurs «la nécessité d’appliquer la loi à tous sans discrimination aucune et de traduire en justice les personnes impliquées dans la tragédie du naufrage au large des côtes de Zarzis.»

Le président de la république n’a pas apporté d’éléments nouveaux sur cette affaire ni réussi à calmer la colère des habitants de Zarzis qui ont longtemps manifesté contre les autorités nationales et régionales qui les ont abandonnés à leur détresse et n’ont pas apporté des réponses à leurs interrogations. Qui a provoqué le naufrage et qui a cherché, par la suite, à étouffer le drame ?, se demandent-ils encore, en soupçonnant une certaine complicité, à un niveau ou un autre, entre une partie de l’administration et les passeurs. Et les propos très généraux et donc vagues et imprécis du chef de l’Etat n’ont fait qu’ajouter à leurs doutes et suspicions.

Finalement, l’exercice a lamentablement échoué et si Ahmed Chaftar a payé cette fois les frais de cette affaire qui a mal tourné, le président Saïed, qui briguera sans doute un second mandat en 2024 (c’est presque demain !), n’a pas réussi lui non plus à redorer son image auprès des habitants de Zarzis.

En attendant, et pour consoler Ahmed Chaftar de sa défaite, rien n’empêche Kaïs Saïed de nommer ce grand baratineur devant l’Eternel délégué, gouverneur ou ministre… de la parlote.

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