Kaïs Saïed et le drame de Zarzis : trop peu, trop tard !  

Nous n’allons pas interférer dans les affaires de la présidence de la république, même si elles concernent tous les citoyens, mais il nous semble que le soudain intérêt accordé par le président Kaïs Saïed au drame de Zarzis, qui provoque des remous dans cette ville du sud-est de la Tunisie depuis plus de deux mois, est bien tardif. Trop peu, et peut-être aussi trop tard…

Par Imed Bahri

Lors d’une rencontre jeudi 24 novembre 2022 avec le ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine et le directeur général de la Sûreté nationale Mourad Saidane, le chef de l’Etat a évoqué avec eux le drame du naufrage d’un bateau de migrants au large de Zarzis le 21 septembre dernier, en soulignant la nécessité d’accélérer les enquêtes et de renforcer les unités qui se sont rendues à Médenine pour permettre aux familles des victimes et à tous les Tunisiens de connaître toute la vérité.

Les graves manquements de l’Etat

Le président, qui dit suivre cette affaire au quotidien, a aussi souligné qu’il n’y aura pas d’impunité pour quiconque déféré devant la justice quel que soit son statut ou l’administration à laquelle il appartient, précise un communiqué de la présidence de la république, sans que l’on sache qu’elle est la partie concernée par ce qu’il convient de qualifier de menace : les responsables locaux qui ont failli à leur mission et provoqué la colère des habitants (ce qui nous semble le plus probable) ou ceux et celles qui ont protesté contre les graves manquements de ces derniers. Et comme les fréquentes menaces du président visent souvent des chimères, on est en droit d’imaginer tout et son contraire, confusion qu’une communication présidentielle plus claire et plus franche aurait pu éviter.

Il reste cependant une question que se posent beaucoup de Tunisiens : le drame de Zarzis est survenu il y a plus de deux mois, mais aucun membre du gouvernement n’a daigné se rendre sur place pour essayer de calmer la colère des habitants. MM. Saïed et Charfeddine, entre autres hauts responsables de l’Etat, s’étaient rendus à Djerba, soit à quelques dizaines de kilomètres de Zarzis, à l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu dans cette île les 19 et 20 novembre courant, qu’est-ce qui les a empêchés de faire un crochet pour aller à la rencontre des familles ignorant encore le sort de leurs proches ? Est-ce la crainte de se voir hués et conspués par la foule ou le fait de n’avoir rien à lui dire pour apaiser sa colère contre l’Etat ?

Des enquêtes qui se perdent en chemin

Ce sont là, pour ainsi dire, les risques du métier et la rançon de la gloire. Car, quand on accède aux hauts postes de responsabilité, on a droit à des privilèges, mais pas seulement, on doit aussi rendre des comptes pour nos manquements.

Autre question que se pose à ce sujet les citoyens et pas seulement à Zarzis : qui a empêché, jusque-là, l’avancement de l’enquête sur les circonstances du drame et les manquements enregistrés dans sa gestion par les pouvoirs publics ?

Quand on sait le sort de toutes les enquêtes ordonnées par la présidence de la république sur des affaires similaires, et qui se sont toutes perdues en chemin, on peut nourrir quelque doute sur le sérieux de ces enquêtes, surtout celles pouvant mettre à nue les manquements des agents de l’Etat.

A cet égard, un bilan officiel du sort de ces enquêtes serait le bienvenu, en ce qu’il prouvera (ou pas) le sérieux de toute cette démarche où l’Etat s’arrête souvent à l’effet d’annonce, surtout dans les affaires qui mettent en question les manquements de ses agents.

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