Bientôt quatre ans après l’entrée en fonction du président Kaïs Saïed en 2019, mais la Tunisie ne fait que reculer, plutôt que d’avancer. Le tout sur le rythme d’une fiction voulant faire croire que l’Etat fait ce que le peuple veut, ni plus ni moins! Quel bilan…
Par Moktar Lamari *
Le peuple veut, c’est le seul et unique slogan de la campagne de Kaïs Saïed pour conquérir le pouvoir avec une écrasante majorité, en 2019. Un slogan qui a fini par tourner court et ultimement pour trahir tous les espoirs de la transition démocratique en Tunisie !
Durant ces trois dernières années, le taux de pauvreté est passé de 15% à 20%, le pouvoir d’achat a été amputé de 30%, le dinar a fondu de 15%, la dette à augmenté de presque 6 milliards de $US. Alors que la croissance a été en moyenne négative, avec des déficits sur tous les fronts (budgétaire, commercial, monétaire, etc.), poussant les jeunes à se jeter en mer pour fuir le pays, sauve qui peut!
Une politique de la terre brûlée
Depuis, le président fait de la casse systématique des institutions et mène une politique de la terre brûlée sur le terrain économique, par incompétence, ignorance et souvent par arrogance!
Le dinar s’effiloche, le trésor public est à sec! Le président ne change rien; ne prend par les mesures nécessaires; ne fait que dire «ce n’est pas ma faute, c’est la faute des autres, ceux qui ont gouverné avant moi!» Pointant du doigt les alliances constituées par les islamistes qui ont gouverné depuis 2011.
Le chef de l’Etat monopolise tous les pouvoirs entre ses mains. Il fait que ce qui l’arrange pour rester au pouvoir, mais ne réforme rien et maintient le statu quo, pour ne pas toucher aux groupes d’intérêt dominants et les lobbys des rentiers qui ont pignon sur rue dans les principaux secteurs d’activités, agissant en conglomérats omniprésents dans les secteurs rentables et orientés sur l’international.
La pensée économique du président se résume en trois mots: complotisme, endettement et statu quo!
Dans ce cadre, on peut mettre en relief son bilan en quatre points clefs.
Bizarrerie de la nouvelle constitution : personne ne peut demander des comptes au gouvernement, personne ne peut accéder aux chiffres exacts de la dette, promesse et compromission aux prêteurs et bailleurs de fonds! Le parlement élu récemment ne sera qu’une caisse de résonnance, au mieux une coquille vide… Les élus ont été élus avec 11% de participation et sans ancrage partisan ayant un programme économique et une vision sur les réformes à mener. Ces réformes qui attendent depuis des années : le président ne veut rien faire qui puisse bousculer la machine économique ou encore toucher aux intérêts dominants sur les fronts monétaire, financier ou budgétaire.
Pour financer le gaspillage, on tape sur les contribuables en augmentant leurs taxes et impôts sans améliorer les services publics qu’ils méritent, partout en Tunisie, et dans tous les domaines du service public. Les médicaments se raréfient; les médecins quittent le pays en courant; les écoles manquent de tout et les infrastructures tombent en lambeaux. Personne ne répond de ces méfaits, c’est toujours les autres! Des ruines qui s’ajoutent aux ruines existantes.
Le dinar se casse la figure, le pouvoir d’achat est divisé par deux depuis 2019 (date d’élection du président Saïed) et la croissance est brisée comme jamais. En cause, le système bancaire et la politique monétaire qui détournent l’épargne pour payer les fonctionnaires, démobiliser l’investissement et faire fuir les capitaux et les investisseurs. Les taux d’intérêts explosent et cela ne fait pas partie des paradigmes prioritaires de son excellence le président de la république tunisienne.
Depuis qu’il a pris le pouvoir, pas un seul jour, on a entendu le président Saïed s’inquiéter, manifester son empathie et encore moins engager des mesures et des investissements pour créer de l’emploi des 40% de jeunes en chômage de longue durée, en dépit de leur formation universitaire poussée et compétences liées. Ces chômeurs sont transparents, invisibles et inexistants dans la rhétorique de son excellence.
Mais il est difficile de ne pas s’inquiéter. C’est dangereux quand un président est prêt à creuser la dette et à s’entêter dans ses wishfull thinkings et la pensée magique. Tout donne l’impression qu’on évite les réformes de l’économie, et on tolère la paupérisation de la génération présente, tout en endettant celles à venir.
* Economiste universitaire.
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