Le dilemme tunisien  

En l’absence d’alternative crédible, qui puisse redonner espoir à ses citoyens et rassurer ses partenaires internationaux, la Tunisie continue de nager à contre-courant et de s’enfoncer davantage dans la crise. Sans perspective de véritable salut…  (Ph. Hamideddine Bouali).

Par Imed Bahri

Cette absence d’alternative ne cesse de nous être rappelée par la présence continue du président de la république Kaïs Saïed en tête des sondages sur les intentions de vote pour les présidentielles, très loin devant tous ses adversaires et concurrents, alors que le bilan des trois premières années de son mandat est qualifié de  catastrophique, et pas seulement par ses opposants.

Absence d’alternative sérieuse

Ces derniers ont beau se plaindre de la dérive autoritaire de Kaïs Saïed, que confirment toutes ses décisions depuis la proclamation de l’état d’exception le 25 juillet 2021, ils n’ont à s’en prendre qu’à eux-mêmes, puisqu’ils se sont montrés incapables d’unir leurs forces, de conjuguer leurs efforts, de proposer une vision et un projet communs et de donner ainsi le change, face à des citoyens désenchantés, qui les tiennent en grande suspicion et boycottent massivement les consultations électorales, dont ils ont de bonnes raisons de n’en rien attendre, puisque les promesses ne sont jamais tenues et leur situation ne cesse de se détériorer d’une année à l’autre depuis 2011.

Commentant cette séquence pleine d’incertitude qui caractérise la situation actuelle de la Tunisie, où la crise politique aggrave le sentiment partagé par douze millions de Tunisiens qu’il n’y a point de perspective de relance économique, l’ancien ambassadeur Elyes Kasri à souligné dans un post Facebook publié aujourd’hui, samedi 18 février 2023, ce qu’il a qualifié de «véritable dilemme auquel est confrontée la Tunisie à l’intérieur et à l’étranger». «Aucun de ses partis, institutions ou associations ne semble se détacher suffisamment de ses vices et péchés originels pour incarner un avenir différent répondant aux aspirations d’un segment largement suffisant des Tunisiens et de leurs partenaires étrangers qui considèrent avoir beaucoup investi politiquement et matériellement dans le succès de l’expérience démocratique tunisienne», écrit le diplomate, qui ajoute : «C’est pour cela que beaucoup de Tunisiens et de partenaires étrangers semblent se résoudre, tout du moins provisoirement, au moindre mal et à l’absence d’alternatives suffisamment rassurantes et crédibles.»

Maintien du statu quo

Ce moindre mal serait, on l’a compris, le maintien d’un statu quo qui, à défaut de relance économique et de réussite de la transition démocratique, préserve la stabilité dont le pays a besoin dans une région où les tensions ne manquent pas.

En attendant d’y voir plus clair et de voir émerger, le cas échéant, de nouveaux leaderships politiques susceptibles de mobiliser les populations autour d’un projet national sérieux, crédible et mobilisateur, c’est le président Saïed qui continue de profiter du vide et d’imposer un régime trop personnel pour être un tant soit peu démocratique.

«Si ce dilemme a jusqu’à présent limité les dérapages, il ne semble pas pour autant mener la Tunisie au consensus national et au soutien international nécessaires à toute mise en œuvre durable des réformes devenues de plus en plus urgentes et douloureuses pourvu qu’il y ait une véritable volonté de sauver le pays de l’implosion et de la désintégration», conclut Elyes Kasri qui, en diplomate chevronné, sait qu’un pays en crise ne peut compter sur un soutien international conséquent à ses douloureuses réformes s’il ne dispose pas d’un projet national crédible, réalisable et porté par un front intérieur moins profondément fracturé qu’il l’est dans notre pays.  

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