Combattre la haine raciale et le rejet de l’autre en Tunisie 

Les lois ne règlent pas automatiquement tous les problèmes ni n’annulent, par leur seule existence, les comportements déviants, comme la haine raciale et le rejet de l’autre, qui sont des réalités en Tunisie. On ne peut également généraliser en accusant «tous» les Tunisiens de ces tares, comme le font certains avec une excessive légèreté.

Par Imed Bahri  

Le président de la république, Kaïs Saïed, a encore pointé du doigt des parties qu’il n’a pas nommées qui chercherait, selon lui, à porter atteinte à la stabilité de la Tunisie.

Lors d’une réunion au palais de Carthage, vendredi 12 mai 2023, avec la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, la ministre de la Justice, Leïla Jaffel, le ministre de la Défense, Imed Memmiche, le ministre de l’Intérieur, Kamel Feki et le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar, consacrée à l’examen de la situation générale dans le pays et pour suivre les mesures prises par le Conseil de sécurité nationale tenu le lendemain de «l’opération criminelle» qui a eu lieu à Djerba, qualification officielle de l’attaque terroriste contre la synagogue de la Ghriba, ayant fait 5 morts, mardi 9 mai, le chef de l’Etat a assuré, une nouvelle fois, que la Tunisie restera sûre, malgré les «tentatives désespérées de porter atteinte à sa stabilité», selon un communiqué de la présidence de la république.

Ceux par qui tout le mal arrive

Tout en saluant, à cette occasion, les efforts fournis par les forces armées militaires et sécuritaires qui ont déjoué tous les plans qui visent les institutions de l’Etat et la paix civile, Saïed a indiqué que ceux qui planifient des assassinats sont les mêmes qui tentent de provoquer des crises, par tous les moyens, pour compliquer la situation économique et sociale et pour abuser du peuple, faisant ici allusion, sans les désigner nommément, les opposants politiques incarcérés depuis la mi-février dernier et poursuivis en justice pour complot contre la sûreté de l’Etat.

La réunion a, également, été l’occasion pour examiner les positions de certaines capitales quant à cette attaque criminelle, indique aussi le communiqué. Le président de la république a ainsi présenté ses remerciements aux pays qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple tunisien, réaffirmant toutefois le rejet de toute ingérence étrangère, car «la souveraineté de la Tunisie et celle de son peuple sont des lignes rouges à ne pas franchir», a-t-il dit.

Saïed a, par là-même, dénoncé les positions exprimées par certains pays, qu’il n’a non plus pas nommés, mais il parlait clairement de la France et de l’Allemagne, qui ont accusé la Tunisie d’antisémitisme, s’étonnant que cela soit évoqué au 21e siècle. «Certains veulent semer la division pour tirer eux-mêmes profit d’un tel discours», a-t-il estimé.  

Le chef de l’Etat est ainsi revenu sur nombre de textes liés à la liberté de croyances et de culte en Tunisie. «En plus des dispositions de la Constitution de 2022, il y a d’autres textes dont ceux relatifs aux juifs tunisiens… Le grand rabbin de Tunis est désigné, à la suite de consultations. Il est le chef spirituel des juifs tunisiens. Il contrôle les synagogues et les instituts religieux en plus d’autres missions», a-t-il rappelé. Il a aussi évoqué d’autres textes comme le Code des obligations et des contrats et celui des Actes de procédure civile et commerciale, qui interdit d’exécuter des décisions judiciaires contre les juifs les samedis et durant les fêtes religieuses.

Les lois ne règlent pas tout

Juriste de son état, Kaïs Saïed a tendance à croire que les lois règlent automatiquement tous les problèmes et que, de par leur seule existence, elles annulent les comportements déviants, comme la haine raciale et le rejet de l’autre, qui sont des réalités en Tunisie, même si on ne peut généraliser en en accusant «tous» les Tunisiens, comme le font certains, également sur les réseaux sociaux. Mais si tout ce qui est excessif est insignifiant, on ne doit en aucun cas passer sous silence ou minimiser les tares et les déviances dont aucune société humaine n’est exempte, la Tunisienne pas plus qu’une autre.

En effet, l’agent de la garde maritime auteur de l’attaque terroriste contre la synagogue de la Ghriba a commis un acte abject et que l’écrasante majorité des Tunisiens a fermement condamné. Il n’en demeure pas moins Tunisien, et tous les Tunisiens sont tenus, en tant que citoyens responsables, de comprendre ses motivations et les mécanismes psychosociologiques qui ont présidé à son passage à l’acte, surtout qu’il s’agit d’un agent de sécurité, appartenant à un corps d’Etat censé être bien encadré.

Cela pour dire qu’on peut avoir les meilleures lois du monde, cela ne nous exempte pas de nos responsabilités, qui consistent ici à faire toute la lumière sur ce qui s’est passé à Djerba, mais aussi auparavant, à Sousse, à Tunis, à Kasserine, à Jendouba et dans d’autres villes et régions du pays, où des Tunisiens ont brandi des armes contre leurs semblables, Tunisiens et étrangers, pour essayer de comprendre les causes de ces comportements déviants et de les combattre à la racine, c’est-à-dire dans la société, l’éducation, la culture et de l’idéologie, où la haine de l’autre semble encore bien enracinée.

Ne nous voilons donc pas la face et n’essayons pas de cacher le soleil sous un tamis, comme dit le proverbe bien tunisien.

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