Tunisie – Union européenne : le plus dur reste encore à faire  

Le mémorandum d’entente signé dimanche 16 juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) ne marque pas la fin des négociations; au contraire, ce document n’est que le début d’un processus complexe et passionnant vers une coopération plus approfondie entre les deux parties.

Par Hssan Briki

Le mémorandum signé implique la nécessité de négocier des accords spécifiques et techniques, ainsi que de relever des défis pour transformer cette entente en une réalité concrète, sous forme de conventions engageant Tunis et les autres capitales européennes. 

La distinction entre «mémorandum d’entente» et «traité ou convention internationale» est significative d’un point de vue juridique et politique. Une convention internationale, également appelée traité international, est un instrument formel qui engage légalement les États signataires à respecter leurs obligations mutuelles, avec des conséquences juridiques graves en cas de non-respect.

Un document non encore contraignant

En revanche, un mémorandum d’entente est un document non contraignant qui exprime simplement l’intention de coopérer entre les parties, offrant une flexibilité plus grande mais sans force juridique contraignante. 

Le mémorandum d’entente signé entre la Tunisie et l’UE établit un accord moral et un cadre général de coopération, jetant les bases pour des conventions et des traités futurs dans divers domaines. Cependant, pour que ces accords spécifiques soient pleinement mis en œuvre, ils devront suivre un processus d’approbation rigoureux. L’UE devra soumettre les accords au parlement européen et obtenir l’accord de tous les États membres, tandis que la Tunisie devra obtenir l’approbation du parlement ou des ministères concernés, ce qui dans le système politique autocratique en place actuellement à Tunis ne devrait poser aucune difficulté.

Ce mémorandum d’entente représente donc une étape préliminaire importante vers une coopération plus approfondie, nécessitant des approbations internes supplémentaires avant d’être officiellement conclus et mis en pratique. Ainsi, les parties établissent une compréhension commune des domaines de coopération, discutent les détails techniques de chaque point et se préparent à créer des accords plus formels et contraignants pour renforcer leurs relations bilatérales. 

Le diable se cache dans les détails

Maintenant, les véritables discussions vont commencer et porter sur la façon de concrétiser ces principes généraux qui ont été discutés précédemment dans le mémorandum. Les détails seront déterminants pour définir le rôle de chaque partie et ses engagements envers l’autre. Et le diable, on sait, se cache dans les détails.

À partir de là, les avantages de chacun seront déterminés. Les détails des procédures techniques concernant des points tels que l’immigration et la mobilité, par exemple, détermineront le rôle que la Tunisie jouera dans ce dossier. Sera-t-elle simplement gardienne de ses frontières, comme il est mentionné dans le mémorandum en tant que principe général, ou jouera-t-elle le rôle du gardien des frontières de l’Europe en intensifiant les efforts de coordination dans les opérations de recherche et de sauvetage en mer, comme mentionné dans un autre passage ? 

De même, la mise en œuvre d’un autre principe énoncé dans le mémorandum, à savoir que toutes les mesures prises pour lutter contre l’immigration illégale, comme le renforcement de la surveillance, la prévention et l’expulsion, seront entièrement respectueuses des principes des droits de l’homme, dépendra également des détails. 

En ce qui concerne le volet économique, les détails seront déterminants pour les engagements réels de la partie européenne envers le soutien à l’économie tunisienne et l’étendue de ce soutien. Cela pourra être établi à travers des discussions techniques et précises concernant les possibilités et les aides financières et logistiques qui seront allouées et fournies. 

Tirer un meilleur parti de la négociation

Ceci s’applique également aux autres points. Ainsi, tout ce qui est mentionné dans le mémorandum, ou plutôt ce qui est permis par le cadre des mémorandums en général, ne représente que des principes généraux et des déclarations d’intention préparant le terrain pour la conclusion d’accords techniques spécifiques et contraignants.

Par conséquent, la détermination des clauses concrètes de l’accord se fera au cours des prochains mois, lors des discussions sur les accords officiels, qui à leur tour ouvriront des discussions internes entre les membres de chaque équipe. 

Cela signifie que les portes de la négociation et de la pression sont encore ouvertes. Un véritable travail attend le président et les responsables qui vont discuter des clauses des conventions, un travail technique et politique censé améliorer les conditions de négociation.

Il sera essentiel d’exploiter l’interdépendance vitale entre la Tunisie et l’UE et de faire du lobbying pour convaincre les influenceurs du point de vue tunisien surtout que, dans le camp européen, des voix s’élèvent pour émettre des doutes sur l’intérêt  de l’accord en question. Il sera également nécessaire d’unifier les rangs nationaux et régionaux au Maghreb pour renforcer notre position face à une UE composée de 27 États, afin de tirer le meilleur parti possible de cette négociation. 

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