Chute du dinar tunisien : Qui perd ? Qui gagne ?

Avec des arguments inspirés par la théorie du complot, son excellence le président tunisien Kaïs Saïed traite de tous les sujets. Mais, jamais de la valeur du dinar. Le dinar ne cesse de s’effondrer, créant paupérisation et désarroi. Le silence du président est total à ce sujet, et on fait comme si c’est une fatalité. Or, la réalité est bien différente : les lobbyistes et les rentiers gagnent à faire fondre le dinar …

Par Moktar Lamari *

Le dinar a perdu 35% de sa valeur face à l’euro, durant les dix dernières années. Il a perdu 5% durant la dernière année, et presque 7% durant les 5 dernières années.

Le dinar a évidement perdu de sa valeur face au dollar, à l’euro, au dirham marocain… et à toutes les monnaies internationales.

Cela a d’énormes conséquences sur le niveau de vie du citoyen. Les médicaments, les technologies, les voitures, les équipements, le blé… tout coûtera plus cher et le pouvoir d’achat ne peut que s’effondrer en conséquence.

Les pénuries s’installent, le secteur informel fleurit et la corruption se répand dans ce contexte. Un contexte ignoré totalement par le président, pour qui les problèmes de pénurie sont purement artificiels et n’ont rien à voir avec l’économique.

Ce faisant, le président sait sciemment qu’il induit l’opinion publique en erreur.

Perte infernale du pouvoir d’achat

Les statistiques officielles confirment la chute du dinar et met en corrélation cette chute avec la baisse du pouvoir d’achat, surtout dans un contexte d’inflation élevée, frôlant une moyenne de 8 a 9% sur presque un an. Les gains de productivité du travail sont négatifs depuis plusieurs années.

On fait diversion, en parlant d’enjeux secondaires et à chaque jour, on fait le buzz par une sortie publique du président pour critiquer ou accuser les autres des malheurs économiques de la Tunisie d’aujourd’hui.

La perte du pouvoir d’achat est énorme. Annuellement, le citoyen moyen perd presque 7 à 8% de son pouvoir d’achat réel. A la longue, cela fait beaucoup.

Rien que pour la dernière année, les salaires moyens ont augmenté en valeur nominale de 2 à 3% pour le secteur syndiqué (UGTT), les prix ont augmenté de presque 9%. Ici, la différence est 6%, c’est une première source de la perte du pouvoir d’achat.

A cela s’ajoute le recul du dinar, dont une partie se répercute sur le taux d’inflation, et une autre partie plus diffuse se répand insidieusement dans plusieurs marchés peu concurrentiels et plutôt rentiers.

Détérioration continue des services publics

Pour ne pas arranger les choses, les services publics (santé, éducation, transport, etc.) ont connu une certaine dégradation qui a ouvert les portes au secteur privé, réduisant de facto le pouvoir d’achat moyen. Le citoyen doit donc couvrir de nouvelles dépenses en éducation, en santé, en transport…

Dans certaines régions reculées, ces impacts diffus sont encore plus insidieux, plus diversifiés et plus difficiles à supporter.

Avec une perte réelle de pouvoir d’achat de 7% par an, on estime que le pouvoir d’achat est divisé par deux en 10 ans seulement.

Au bas mot, depuis 2011, le pouvoir d’achat moyen aurait été divisé par deux en moyenne.

Cette chute du pouvoir d’achat génère de graves conséquences sur l’accès à l’éducation, la santé et aux services sociaux. Le bien-être, la santé, l’espérance de vie… s’en ressentent et cela se traduit par l’accentuation de nombreuses problématiques sociales : violence, vol, tension, injustice, corruption, etc.

Le président Kaïs Saïed doit agir pour réajuster les tendances par des politiques de relance économique, par des politiques fiscales fondées sur la rigueur (pas l’austérité) et surtout par une nouvelle politique monétaire adaptée au retour des investissements et du sens de la productivité au travail.

Faute de quoi, le dinar continuera sa chute tendancielle et la Tunisie ne peut que s’appauvrir davantage et inéluctablement.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T

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