Rapport Smiar : la sécurité alimentaire en Tunisie à l’épreuve de la sécheresse

Nous reproduisons ci-dessous la traduction française du rapport publié le 29 novembre 2023 par le Système mondial d’information et d’alerte rapide sur l’alimentation et l’agriculture (Smiar), relevant de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).  

Malgré un certain ralentissement, l’inflation globale des prix alimentaires reste élevée en Tunisie. Et pour cause, les mauvaises récoltes dues à la sécheresse ont limité la production céréalière en 2023 et le temps sec a retardé les semis des céréales d’hiver de 2024. Aussi les besoins d’importations de céréales du pays devraient-ils augmenter au cours de la campagne de commercialisation 2023/24.

Les semis du blé d’hiver et des céréales secondaires commencent généralement fin octobre et se poursuivent jusqu’à la fin de l’année, en fonction de l’humidité du sol après l’arrivée des pluies saisonnières en septembre. Fin novembre 2023, les cumuls pluviométriques saisonniers restent bien inférieurs à la moyenne : en septembre 2023, les précipitations dans les zones cultivées correspondent à environ un quart de la moyenne de longue période et, en octobre 2023, à environ un tiers de la moyenne sur une longue période.

Le résultat final des récoltes céréalières de 2024, qui seront récoltées en mai/juin prochain, dépendra des conditions climatiques pendant le reste de la campagne. Les prévisions météorologiques actuelles indiquent une forte probabilité de précipitations proches de la moyenne entre novembre 2023 et avril 2024.

Mauvaises récoltes généralisées en 2023

La culture céréalière est majoritairement pluviale, ce qui entraîne d’importantes variations d’une année sur l’autre. La superficie irriguée en blé représente moins de 15% de la superficie totale ensemencée en blé. Par rapport à l’année précédente, les semis de blé en 2023 ont augmenté de 7%, certains agriculteurs ayant décidé de passer de l’orge au blé en raison de prix du blé plus attractifs. Malgré des pluies favorables au moment des semis, les précipitations ont été irrégulières et insuffisantes pour le reste de la saison dans les zones intérieures.

Associées à des températures supérieures à la moyenne pendant les étapes critiques du développement des cultures, des conditions de sécheresse sévères, jamais connues dans le pays depuis plus de deux décennies, ont limité la croissance des cultures, entraînant de mauvaises récoltes généralisées.

Par conséquent, la production céréalière de 2023 a été estimée à 302 000 tonnes, soit près de 80% de moins que la moyenne.

Malgré les sécheresses récurrentes de ces dernières années, le pays vise toujours à accroître son autosuffisance en matière de production céréalière. Les instruments politiques utilisés par le gouvernement comprennent des prix garantis au départ de l’exploitation, des semences certifiées subventionnées, une subvention pour l’eau d’irrigation ainsi que la fourniture d’une assistance technique aux agriculteurs produisant du blé sur les zones irriguées.

En 2023, les prix garantis au producteur du blé dur ont augmenté à 1 300 dinars/tonne (436 USD), contre 1 000 dinars/tonne (339 USD) en 2022. Les prix garantis à l’exploitation du blé tendre sont passés de 800 dinars/tonne (271 USD) à 1 000 dinars/tonne (336 USD) auparavant et ceux de l’orge de 690 dinars (233 USD) à 800 dinars/tonne (267 USD).

En 2023, le gouvernement a acheté 225 600 tonnes de céréales, contre 700 000 tonnes en 2022.Mais les importations de céréales augmenteront au cours de la campagne de commercialisation 2023/24.

Le pays dépend fortement des importations de céréales, même les années où la production intérieure est bonne. Les besoins d’importations céréalières pour la campagne commerciale 2023/24 (juillet/juin) devraient s’élever à 4,7 millions de tonnes, soit environ 30% de plus que les besoins d’importation moyens de l’année précédente. Plus de la moitié des céréales importées sont du blé.

Entre 2016 et 2020, le pays a importé près de 40% de son blé d’Ukraine, 7% de la Russie et le reste de divers pays de l’Union européenne. Au cours de la campagne de commercialisation 2022/23, après le début de la guerre en Ukraine en février 2022, la part des exportations ukrainiennes dans les importations totales de blé est tombée à un peu plus de 15%. Bien que les pays de la mer Noire continuent de fournir la majeure partie du blé importé, les expéditions du Canada en 2022/23 ont augmenté et représentaient près de 20% des importations totales de blé.

Par rapport à 2022, les prix moyens des importations de céréales en 2023 (jusqu’en septembre 2023) ont diminué de 25% pour le blé dur, de 22% pour le blé tendre (meunerie) et de 22% pour l’orge.

L’inflation globale des prix alimentaires reste élevée

La croissance économique est restée stagnante malgré la reprise du tourisme suite à la pandémie de Covid‑19. En 2023, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait être d’environ 1,2 %, soit environ la moitié du taux de croissance de 2022, freinée par la sécheresse, les problèmes de financement extérieur et l’augmentation des obligations de remboursement de la dette. Comme certaines contraintes devraient s’atténuer, la croissance du PIB en 2024 est prévue à 3%.

Le chômage est passé de 15,3% en 2022 à 15,6% en 2023, principalement en raison des opportunités d’emploi limitées dans le secteur agricole frappé par la sécheresse. Le chômage reste particulièrement élevé, à environ 40% parmi les jeunes (âgés de 15 à 24 ans).

Malgré le taux élevé de dépendance du pays aux importations, les variations des prix internationaux des produits à base de blé et de l’huile végétale ne se répercutent pas entièrement sur les prix intérieurs, car le programme universel de subventions alimentaires du gouvernement les maintient stables.

Des discussions ont eu lieu sur la réforme du système de subventions, qui pèse lourdement sur le budget national, mais la mise en œuvre a été reportée jusqu’à présent. Les conditions strictes de financement extérieur ont limité la disponibilité de devises étrangères pour financer les importations, ce qui a entraîné des pénuries de produits de base malgré la baisse des prix internationaux des matières premières alimentaires.

En octobre 2023, l’indice général des prix à la consommation a augmenté de 8,6% sur un an, en baisse pour le 8e mois consécutif par rapport au niveau record de 10,4% enregistré en février 2023. L’inflation des prix alimentaires d’une année sur l’autre a baissé par rapport au pic de 15,9% atteint en mai 2023 à 13,1% en octobre 2023. Les principales augmentations de prix en octobre 2023 concernaient le café (+35%), la viande ovine (+30%), les huiles alimentaires (+28%) et les œufs. (+20%).

Les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un plan de sauvetage sont en cours, dans un contexte de problèmes de balance des paiements.

Traduit de l’anglais.

Lire le rapport en anglais.

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