Réforme du régime FCR : une mesure contraire à la politique économique de l’Etat   

Le renouvellement tous les dix ans du privilège fiscal permettant aux Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) d’importer des véhicules automobiles, anciennement accordé une seule fois lors de leur retour définitif en Tunisie, est une mesure populiste contraire aux orientations de la politique économique nationale et de l’impératif de la lutte contre les abus et les détournements fiscaux.

Par Elyes Kasri *

La loi de finance 2024 adoptée dimanche par l’Assemblée et ratifiée lundi par le président de la république a institué le renouvellement tous les dix ans du privilège fiscal pour l’importation de véhicules automobiles, anciennement accordé une seule fois aux Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) lors de leur retour définitif en Tunisie sous l’appellation FCR.

Le régime FCR, rappelons-le, est un privilège qu’accord l’Etat aux Tunisiens de l’étranger sous certaines conditions et qui leur permette d’importer leurs véhicules personnels à l’occasion du retour définitif au pays, sans payer des taxes douanières.

Le renouvellement de ce privilège consacre les dépassements auxquels a donné lieu ce privilège fiscal pour en faire un commerce parallèle avec des soupçons de blanchiment d’argent et d’infractions à la loi de change.

Réseaux occultes et pratiques douteuses

Il semblerait que de nombreux cas de vente de privilèges seraient conclus plus ou moins discrètement pour une somme modique oscillant entre 2000 et 3000 dinars. Des bénéfices indus seraient ainsi soutirés par des réseaux occultes et des personnes aisées qui trouvent prohibitifs les prix offerts par les concessionnaires officiels établis légalement en Tunisie.

De nombreuses rumeurs ont circulé depuis plusieurs années au sujet de voitures de luxe volées à l’étranger et écoulées en Tunisie sous le régime FCR.

Alors que le gouvernement affirme sa détermination à lutter contre le marché parallèle, le blanchiment d’argent et toute sorte de trafics et de détournements fiscaux, il aurait été probablement plus judicieux de baisser les taxes exorbitantes à l’importation de véhicules automobiles neufs à travers des concessionnaires agréés pour en assurer la conformité aux normes de sécurité, de garantie du constructeur et de service après-vente.

Il est quand même étrange, pour ne pas dire aberrant, que l’Etat tunisien en arrive à engranger pour certains véhicules automobiles plus que le coût et parfois le double du prix demandé par le constructeur automobile étranger.

Une mesure populiste contraire à l’intérêt public  

D’autre part, il y a lieu de rappeler que plusieurs constructeurs automobiles font des investissements en Tunisie en proportion avec le nombre et la valeur des véhicules commercialisés en Tunisie à travers leurs concessionnaires autorisés.

La ministre des Finances, Sihem Nemsia, a certes fait état de la réticence de son département à cette mesure proposée par des députés lors de l’adoption du budget de son ministère pour l’année 2024. Mais le président Kaïs Saïed a fini par avaliser cette mesure populiste qui a tout l’air d’aller à l’encontre des orientations générales de la politique économique nationale et de l’impératif de la lutte contre les abus et les détournements fiscaux qui, outre le préjudice qu’ils portent au trésor public, découragent l’investissement étranger dans l’industrie des composants automobiles et tendent à faire de la Tunisie la poubelle et le dépôt de ferraille de l’Europe.

* Ancien ambassadeur.

Donnez votre avis

Votre adresse email ne sera pas publique.

error: Contenu protégé !!