La Tunisie a décidé d’interdire la conclusion de nouveaux contrats de sous-traitance dans le secteur public, à partir du vendredi 23 février 2024, date de la publication de cette décision par la présidence du gouvernement.
Par Imed Bahri
Selon la présidence du gouvernement, cette décision a été prise conformément aux instructions du président de la république, Kaïs Saïed, «et en application des dispositions du chapitre quarante-six de la Constitution [de 2022, Ndlr], qui stipule explicitement que ‘‘le travail est un droit pour tout citoyen, homme et femme, et l’État prend les mesures nécessaires pour le garantir sur la base de l’efficacité et de l’équité’’ et que ‘‘chaque citoyen, homme et femme, a le droit de travailler dans des conditions décentes et avec un salaire équitable’’.»
«Dans un effort pour fournir des conditions de travail décentes aux travailleurs du secteur public et éliminer diverses formes d’emploi précaire tout en assurant la continuité et la pérennité des institutions et équipements publics, il a été décidé d’interdire à partir d’aujourd’hui la conclusion de nouveaux contrats de sous-traitance dans le secteur public, et d’annuler toutes les mesures qui violent ce principe, notamment la circulaire N° 35 du 30 juillet 1999 relative à la sous-traitance dans l’administration et les établissements publics», lit-on encore dans le communiqué de la présidence du gouvernement.
Rappelons qu’en recevant, jeudi 22 février, au palais de Carthage, Malek Ezzahi, ministre des Affaires sociales, et Lotfi Dhiab, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, le président Saïed avait affirmé que la sous-traitance est «une forme de trafic d’êtres humains et d’exploitation de la misère des pauvres et de leur sueur». Il s’est demandé : «Pourquoi le travailleur ne perçoit-il pas un salaire intégral et équitable, alors que son employeur gagne plusieurs fois plus?», estimant que la sous-traitance «n’est ni constitutionnelle ni acceptable sous aucun rapport», appelant à mettre fin aux contrats à durée limitée, car le travailleur a droit à la sécurité, à la stabilité et à un salaire équitable, à l’instar de son employeur, a-t-il insisté.
Mais si le gouvernement a réagi au quart de tour, annonçant l’interdiction à partir de ce jour des contrats de sous-traitance dans le secteur public, il n’a pas précisé si cette décision a un caractère rétroactif ni ce qui va advenir des employés du secteur public liés par des contrats à durée déterminée et s’ils vont tous être intégrés dans le fonction publique, ce qui va alourdir encore plus les effectifs déjà en surnombre de l’administration et la masse salariale des employés de l’Etat.
La présidence du gouvernement n’a pas précisé non plus si cette interdiction va être généralisée au secteur privé et comment le sera-t-elle, sachant que des pans entiers de l’économie nationale recourent à cette pratique de la sous-traitance qui permet aux entrepreneurs de réduire leurs coûts et d’être compétitifs, notamment à l’exportation.
La décision est sans doute louable. Elle émane d’une bonne volonté et vise à instaurer davantage d’équité entre les travailleurs et les catégories sociales. Mais, eu égard ses retombées négatives prévisibles sur une économie déjà en crise et presque à l’arrêt, on pourrait sérieusement penser que son timing a été très mal choisi, car le risque est grand de voir l’investissement, déjà faible, se tarir encore davantage.
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