Prix Comar d’Or 2024 : Azza Filali, Wafa Ghorbel, Atef Gadhoumi et les autres (vidéo)

Les lauréats de la 28e édition des Prix Comar d’Or du roman tunisien en langues arabe et française ont été distingués hier soir, samedi 4 mai 2024, lors d’une soirée au théâtre municipal de Tunis.  (vidéo).

La soirée était rehaussée par la présence du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et ministre des Affaires culturelles par intérim, Moncef Boukthir, ainsi que des dirigeants des Assurances Comar, qui décerne annuellement ces prix depuis 1997, dont Slaheddine Ladjimi, président du conseil d’administration, et Lotfi Belhaj Kacem, directeur général et président du comité du prix. Elle a été marquée par la présence d’un grand public venu découvrir les lauréats de cette édition, les écouter et leur parler, mais aussi, pour beaucoup d’entre eux, assister aux concerts de chants donnés par la même occasion par deux jeune voix montante de la scène musicale tunisienne : Aya Daghnouj et Mehdi Ayadi.

Lotfi Belhaj Kacem / Hakim Ben Yedder.

Le choix de mêler littérature et musique, écriture et chant, fait partie des spécificités des Prix Comar qui cherchent à promouvoir le livre et la lecture en les sortant du cercle restreint des professionnels et des spécialistes et en les rapprochant du grand public. Et jusque-là, ce choix a porté ses fruits, puisqu’en 28 ans d’existence, les Prix Comar ont beaucoup contribué à l’épanouissement de l’art romanesque en Tunisie, ce dont témoigne le nombre grandissant de livres qui parviennent chaque année au comité des prix. Pour cette édition, les jurys ont eu à examiner 37 romans en langue arabe et 21 en langue française. Ce dont témoigne aussi l’intérêt grandissant des éditeurs pour un genre littéraire qui gagne en popularité. Autre signe de ce renouveau : chaque année apporte son lot de nouveaux auteurs.

Cette année, un hommage a été rendu à un grand romancier tunisien de langue française, Ali Bécheur, décédé il y a quelques semaines à l’âge de 85 ans. Avocat de son état, venu à l’écriture romanesque à cinquante ans, le défunt a vu son nom fortement associé aux Prix Comar d’Or, qui l’a révélé au grand public. Ali Bécheur avait, en effet, remporté le Comar d’Or pour son roman ‘‘Jour d’adieu’’, lors de la première édition du prix en 1979. Il le  remportera à deux autres reprises pour ses romans ‘‘La porte ouverte’’ (en 2006) et ‘‘Le paradis des femmes’’ (en 2018).

Nous reproduisons ci-dessous, pour l’histoire, le palmarès des Prix Comar d’Or pour le roman tunisien de langue française tel que présenté par le président du jury de cette 28e édition, Ridha Kéfi.

«Je voudrais vous faire part du plaisir que nous avons éprouvé à lire certains romans qui sont de haute facture sur les plans aussi bien du contenu que de la forme. Nous y avons retrouvé certaines thématiques récurrentes, comme la révolution tunisienne, ses ratés, ses échecs et les frustrations qu’elle inspire aujourd’hui à beaucoup d’entre nous.

«Nous retrouvons aussi les thématiques sociales actuelles comme les violences faites aux femmes, les inégalités sociales et régionales qui alimentent les violences que nous subissons au quotidien, la migration clandestine et autres drames sociaux marquant notre quotidien. Certains romans sont autobiographiques. Ils brossent le portrait de notre époque à travers la narration de parcours personnels non dénués d’intérêt. D’autres romans plongent dans le passé de la Tunisie, comme pour tenter de rattraper le temps perdu, avec une douce nostalgie. Mais la nouveauté cette année, surtout chez les plus jeunes auteurs, c’est l’interrogation sur l’avenir de l’humanité et les menaces que représentent le changement climatique, la sécheresse ou la pollution sur la vie sur terre. Cet intérêt pour l’avenir de la planète exprime l’angoisse des plus jeunes parmi nous face à un avenir incertain. Et cette tendance est vraiment salutaire et annonce l’avènement d’une nouvelle génération d’écrivains tunisiens soucieux d’inscrire leurs œuvres dans le contexte des préoccupations universelles.    

«Au terme des délibérations, huit romans ont été présélectionnés, qui présentaient des qualités indéniables les habilitant à figurer dans le palmarès, mais il a fallu trancher et en choisir les trois qui présentent les meilleurs atouts d’innovation et de rigueur sur les plans du contenu et de la forme. Et notre décision finale a abouti au palmarès suivant:

Sahbi Karaani, Comar d’or du roman en langue arabe.

* Le Prix Découverte est décerné au roman «Pour qu’il fasse plus beau» de Atef Gadhoumi, qui s’inscrit dans un genre assez nouveau en Tunisie : le roman policier, ou polar ou thriller, qui utilise le suspense ou la tension narrative pour tenir le lecteur en haleine jusqu’au dénouement de l’intrigue.

A travers la narration du parcours meurtrier d’un être maléfique, lui-même victime d’une société sans cœur, le romancier nous propose une réflexion sociologique sur les contradictions qui traversent notre pays, entre la Tunisie rurale et la Tunisie urbaine, la Tunisie de la montagne et la Tunisie de la côté, la Tunisie pauvre et la Tunisie prospère.

* Le Prix spécial du Jury est décerné au roman «Fleurir» de Wafa Ghorbel, qui se distingue par la qualité de sa construction et son écriture poétique de bonne facture.

A travers un récit à deux voix, narrant les destins contrariés de trois êtres qui s’aiment désespérément mais qui sont ballotés par la vie, l’auteure traite de thèmes poignants qui ont un ancrage dans la réalité actuelle, comme les violences infligées aux femmes, la migration clandestine, l’incommunicabilité au sein de la famille ou l’hypocrisie sociale d’une façon générale.

Au fil des pages, on lit  de très beaux passages sur l’écriture, la poésie, l’art, la musique et la danse qui deviennent pour les personnages des moyens d’évasion et de libération des souffrances du corps et des blessures de l’âme.   

Azza Filali, Comar d’or du roman en langue française.

* Le Prix Comar d’Or est décerné au roman «Malentendues» de Azza Filali, qui se distingue par sa maîtrise des techniques de la narration romanesque.

Le récit puise sa force dans une galerie de portraits féminins aussi complexes qu’attachants de sincérité et de vérité.

En situant l’action de son roman dans le cadre idyllique de l’île de Djerba, l’auteure fait ressortir le contraste entre la carte postale et les blessures des femmes qu’elle croise et dont elle nous décrit les velléités de rébellion contre un ordre établi, étouffant et injuste.

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