Tunisie : les privés appelés à épauler les efforts de l’Etat (Vidéo)

Le président Saïed appelle les groupes ou entreprises privés à mettre la main à la poche pour financer des projets à caractère public dans les secteurs prioritaires où les besoins se font durement et urgemment ressentir. Une «nouvelle politique économique» qui ne dit pas encore son nom. Vidéo.

Imed Bahri

En rencontrant, vendredi 21 juin 2024, au Palais de Carthage, Mohamed Agrebi, membre du conseil d’administration de la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat), chargé des relations avec les institutions publiques, le président Kaïs Saïed a évoqué avec son interlocuteur le soutien de l’établissement financier aux efforts de l’État dans divers secteurs.

Les secteurs évoqués par le chef de l’Etat et où la contribution de la Biat, première banque privée tunisienne, est sollicitée sont la santé, l’éducation et les transports, «où les besoins les plus élémentaires font défaut», selon un communiqué de la présidence.

Ce sont là, on l’a compris, les secteurs où les moyens financiers limités de l’Etat ne suffisent plus pour satisfaire les besoins grandissants et qui sont restés insatisfaits, et dans certains cas depuis des décennies.    

Dans ce contexte, le chef de l’Etat a été informé des préparatifs en cours pour démarrer l’entretien et la rénovation d’un certain nombre d’établissements scolaires avant la rentrée prochaine à Mellassine, Raoued, Kasserine et d’autres régions de l’intérieur, indique le communiqué de la présidence de la république publié à l’issue de la rencontre.  

Outre les établissements d’enseignement, le chef de l’Etat a été informé du projet de rénovation de la Maison de la Culture Ibn Khaldoun que la banque s’est engagée à financer, d’autant que cette institution est située à une centaine de mètres de son siège, au centre-ville de Tunis.

Les privés appelés à épauler les efforts de l’Etat

Au cours de l’entretien, le président de la république a souligné que la Tunisie est capable de relever n’importe quel défi avec ses propres moyens et les efforts concertés de tous, portés par un sens profond de responsabilité nationale, appelant ainsi, clairement, le secteur privé à épauler les efforts de l’Etat en finançant des projets à caractère public qui étaient, jusque-là, de la seule responsabilité et du seul apanage de l’Etat.

La question aujourd’hui est de savoir si dans le sillage de la Biat – qui fait partie d’un important groupe privé dont la famille Mabrouk détient la majorité du capital –, d’autres groupes ou entreprises privés vont être appelés à mettre la main à la poche pour financer des projets à caractère public dans les secteurs prioritaires où les besoins se font durement et urgemment ressentir. Ce qui nous semble plus logique, afin que le fardeau national, car c’en est un, soit partagé par tous et que ce genre de «partenariat public privé» d’un genre assez particulier ne soit pas perçu par les opérateurs privés – déjà sollicités ou qui le seront à l’avenir – comme une punition. D’autant que pour le cas de la Biat, l’un de ses plus importants actionnaires, Marouane Mabrouk en l’occurrence, est incarcéré depuis plusieurs mois, accusé dans des affaires de corruption, et fait l’objet d’une procédure de réconciliation pénale qui tarde à aboutir à un accord acceptable par les deux parties.  

Une nouvelle politique économique qui ne dit pas son nom

La démarche consistant à solliciter la contribution financière des groupes privés au financement de projets publics de première nécessité, notamment dans les secteurs les plus sinistrés, comme le transport, la santé et l’éducation, n’est pas saugrenue en soi. Elle peut même s’inscrire dans le cadre d’un plan de redressement national où les opérateurs privés joueront un rôle central, ne serait-ce que pour rendre à la communauté nationale une partie des gains qu’ils ont engrangés au cours des dernières décennies grâce aux largesses et aux générosités d’un Etat providence, qui les a toujours servis sans modération et parfois même très servilement. C’est d’ailleurs de cela que Saïed parle quand il fustige les lobbys qui, au sein de l’appareil de l’Etat, servent les intérêts de certains groupes privés.

Il reste cependant à mieux articuler cette «nouvelle politique économique» et à la doter d’une base légale qui préserverait les intérêts de toutes les parties prenantes. La contribution des privés ne doit pas être ressentie par ces derniers comme une injustice voire comme une punition : elle doit émaner d’une volonté librement exprimée et adossée à un dispositif législatif offrant des garanties à toutes les parties. Le but étant d’instaurer un climat de confiance sans lequel il n’y aurait ni business ni croissance ni prospérité pour aucune des parties.