Améliorer l’attractivité de la Tunisie pour juguler la tentation migratoire

Pour sortir de la crise et relancer son économie en berne, la Tunisie serait bien inspirée de créer des locomotives de développement sous forme de zones de développement économique spéciales avec un statut de zones franches de production et de services gérées par des entités étrangères ou mixtes dans le cadre d’un partenariat public-privé.

Elyes Kasri *

L’Europe et la Tunisie font face à un paradoxe qui hypothèque leur développement économique et même leur avenir.

La Tunisie est riche en compétences humaines dont la majorité est soit sous-exploitée et au chômage ou a été forcée à un exil plus ou moins précaire et se trouve en même temps accablée par une bureaucratie lourde, étouffante avec des manifestations sporadiques d’abus de pouvoir, de favoritisme et même de corruption, bloquant ainsi toute velléité de réforme et de relance. En plus du ralentissement de l’investissement, des indices commencent à révéler un mouvement d’exode des investissements locaux et étrangers.

Un double paradoxe

L’Europe, de son côté, souffre du double handicap de sa lourdeur bureaucratique et fiscale en plus d’une décroissance démographique qui perturbe le marché de l’emploi et force au recours à une main d’œuvre  étrangère, accentuant ainsi les griefs et la popularité d’une extrême droite qui fait désormais de l’immigration et du spectre du grand remplacement son cheval de bataille avec un succès pour le moment incontestable.

Pour sortir de ce double paradoxe qui compromet nos relations économiques, politiques et sécuritaires avec l’Europe, notre principal partenaire historique, culturel et économique, et pour éviter que l’exode des compétences ne vide notre pays de son principal ressort de développement, il urge d’engager des actions rapides visant à juguler la tentation migratoire et améliorer l’attractivité de la Tunisie en tant que site d’investissement et plateforme de services et de production pour l’Europe.

Dans l’attente des réformes qui prendront leur temps et pour faire face à la crise économique et à la grogne qui monte chez les diplômés au chômage ainsi que le spectre croissant de la faillite des entreprises, réduisant ainsi les recettes fiscales et des caisses de sécurité sociale, il urge de créer des locomotives de développement sous forme de zones de développement économique spéciales avec un statut de zones franches de production et de services gérées par des entités étrangères ou mixtes dans le cadre d’un partenariat public-privé.

Compte tenu de sa position géographique et de la qualité de ses compétences, la Tunisie pourrait cibler avec succès de nombreux secteurs notamment:

– l’informatique, l’intelligence artificielle, les services informatiques et la technologie financière ou fintech;

– la médecine, la recherche et la production pharmaceutiques;

– l’industrie automobile avec ses composantes électronique et électrique;

– l’industrie aéronautique ainsi que la construction et la maintenance navales;

– l’électronique et la mécatronique de pointe;

– les studios de production télévisuelle et cinématographique;

– les salons, séminaires et expositions internationaux.

Créer une dynamique

En gardant la souveraineté sur ces zones franches réparties à proximité des ports et aéroports pour faciliter la fluidité et les mouvements, la Tunisie en concèderait la gestion sur une période de 40 à 60 ans à des entités étrangères ou mixtes pour assurer une plus grande marge de manœuvre et d’adaptation à une conjoncture qui s’annonce fluide et même volatile.

En bénéficiant d’une certaine extraterritorialité, ces zones franches pourraient être soumises à certaines conditions entrant dans le cadre de la souveraineté nationale et se verraient soumises à une imposition fiscale forfaitaire à concurrence de 15% en devises étrangères.

Si la Tunisie réussit à réaliser, dans ce cadre et objectif, cinq zones franches internationales, chacune pourrait créer 10 000 emplois directs qui en produiraient chacune 50 000 emplois indirects. Au bout du compte, nous parviendrons ainsi à créer pas moins de 300 000 emplois rémunérés en devises étrangères et rapportant des recettes fiscales en devises étrangères, alimentant ainsi les réserves nationales en précieuses devises.

Il suffit de le vouloir pour créer cette dynamique en moins de deux ans.

* Médecin de libre pratique.

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