Pour ou contre le vaccin contre les HPV ?

Je ne suis pas gynécologue et je ne suis en rien, sur le plan personnel, concerné par le vaccin contre les infections à papillomavirus humain (HPV), mais les nouveautés scientifiques m’ont toujours intéressé. J’ai vu comme beaucoup d’entre nous quelques publications et quelques argumentations pour ou contre ce vaccin.

Dr Monem El Achkham *

Certaines de ces publications ont été partagées sur de très valables groupes de la profession médicale. Nous avons été quelques-uns à vouloir se faire une idée de ce vaccin, ayant la chance d’avoir des spécialistes parmi nous, surtout qu’étant médecin et de n’importe quelle spécialité, nous sommes toujours sollicités par nos patients afin de les aider à prendre une décision.

Je me disais naïvement que ça allait être argument contre argument, étude contre étude et statistique contre statistique et quel était ma surprise de voir que le premier argument qui nous a été servi : vous n’êtes même pas de la spécialité de quoi vous mêlez-vous?

Inutile de dire que c’était tout sauf un débat scientifique, surtout de la part d’une nouvelle caste de médecins en émergence qui monopolise les médias et qui, vraisemblablement, à défaut de maîtriser le débat scientifique avec ses codes, lui préfèrent la réponse du berger à la bergère.

Vous me diriez que c’est dans notre nature, nous Tunisiens, et je crois malheureusement que c’est vrai. On n’est pas dans l’échange réfléchi, dans le raisonnement structuré, nourri par les connaissances académiques avisées et éclairées.

On est dans l’émotion, dans le passionnel et le passionné et si on ne se ressaisisse pas, cela m’étonnerai menu qu’on ne se donne en spectacle, étant réellement bien parti pour rivaliser avec les débats parlementaires de 2019.

De stupides joutes verbales

Fait étrange et inhabituel et je ne sais pas si on devrait se réjouir ou s’inquiéter, le Conseil national de l’ordre des médecins a réagi en un temps record! Ça pourrait être une excellente initiative si l’Ordre décide de se saisir de ce genre de dossier avec une aussi remarquable vivacité, à condition que ce soit valable pour tout ce qui s’écarte de la «based médecine évidence», sauf que là, il va falloir se dévouer et vaquer à cette tâche et uniquement à cette tâche.

Etant donné que notre objectif central et primordial ne pouvait être que l’importance du préjudice de ce genre d’écart sur la santé du citoyen, ainsi que les conséquences budgétaires qui en découlent,

Je peux vous affirmer que notre confrère qui passe à la télévision à une heure de grande écoute, qui disserte sur la longueur d’onde de la graine de nigelle qui lui permet de traiter hypertension artérielle, diabète et qui aurait pu sauver feu Ben Rekhissa d’un infarctus massif s’il avait été là-bas ou même en transmettant les dites longueurs d’ondes par téléphone, ceux qui prétendent traiter les maladies les plus fréquentes et qui constituent un vrai enjeu de la santé publique par la «hijama, la réflexologie et pourquoi pas le shiatsu»,  ces publicités continues qui conseillent aux diabétiques et sans impunité aucune de troquer leurs insuline contre un remède miracle prouvé et saboté par les médecins qui ont peur pour leurs gagne-pain, disaient-ils, sont de loin plus ravageurs et rationnellement plus prioritaires.

Mon seul souhait serait que cette réactivité louable ne soit pas juste l’influence des gynécologues qu’ils soient dans le Conseil de l’ordre ou à l’extérieur, par connivence et que ce ne soit pas ça, qui était à l’origine de ce précédent. 

Maintenant, revenons au vaccin : sincèrement, je dois avouer que je suis reconnaissant à ce brouhaha de m’avoir poussé à me faire une idée en me fiant au gens qui travaillent et qui publient et non pas aux gens qui animent de stupides joutes verbales.

Une évaluation pourrait s’avérer nécessaire  

Ce vaccin est apparemment protégé par un brevet et donc sa composition exacte reste inconnue, cependant il a été validé par toutes les hautes instances de santé. Son efficacité est logiquement évidente même si l’argument statistique de celle-ci et de son innocuité ne pourra être formellement prouvé que la prochaine décennie.

Si ce vaccin nous vient sous forme d’une aide à la Tunisie, il faut absolument en profiter et je le conseille naturellement à ceux qui veulent m’entendre. Si, en revanche, ce vaccin a été acheté par le ministère de la Santé pour que la Tunisie figure parmi les dix premiers pays vaccinés afin de mériter le qualificatif de pays émancipé, et que ça se fasse sur le dos des maladies chroniques en manque de traitement et des cancéreux qui voient leurs tumeurs s’aggraver par manque de chimiothérapie faute de budget, je dirai qu’on sera en droit de demander une évaluation de ce que ça nous aura coûté en vies humaines ce maigre présent et si on en a vraiment sauvé plus qu’on en a sacrifié. 

Quoi qu’il en soit, de grâce, reprenez-vous, affûtez vos arguments, revoyez vos basiques et j’espère que ce n’est pas comme ça que vous espérez convaincre le Tunisien moyen de faire vacciner sa fille. En vous voyant faire, il n’est point besoin d’être le descendant direct de Lacan, pour comprendre que c’est votre ego qui l’emporte sur l’intérêt public et si notre seul but avait été de tout foirer, on ne s’y prendrait pas autrement.

* Chirurgien à Gafsa.

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