Une énième campagne haineuse et diffamatoire ainsi qu’un nouveau lynchage médiatique ciblent aujourd’hui Habib Kazdaghli, dont le soutien à la cause palestinienne a été constant. La raison invoquée est la sempiternelle accusation fallacieuse de normalisation académique avec les universités israéliennes. Cerise sur le gâteau, les détracteurs n’hésitent pas à porter cette fois-ci la même accusation contre le laboratoire «Régions et ressources patrimoniales en Tunisie» à laquelle s’ajoute une nouvelle accusation de normalisation avec l’Etat d’Israël contre l’ancien doyen de la Faculté des lettres, des arts et des humanités (FLAHM) de Manouba. (Ph. De droite à gauche, Habib Kazdaghli et Habib Mellakh, et à l’extrême gauche, l’ambassaddeur de Palestine à la Flahm en 2002).
Habib Mellakh *

Habib Kazdaghli est loin d’être un normalisateur. Il ne cesse depuis un demi-siècle de participer à toutes les actions de soutien au peuple palestinien. Il a publiquement condamné avec la plus grande vigueur le génocide perpétré par l’entité sioniste à Gaza. Je peux témoigner en ma qualité d’ancien coordinateur général de la FGESRS et de secrétaire général du syndicat de base de la FLAHM pendant une vingtaine d’années qu’il a toujours participé aux nombreuses actions et manifestations de soutien à la cause palestinienne organisées aussi bien à l’échelle nationale que locale comme le montre le reportage photographique réalisé sur la cérémonie organisée à la FLAHM, le 13 avril 2002, à la suite de l’agression israélienne contre la Cisjordanie, pour remettre à l’ambassadeur de Palestine les médicaments et les équipement hospitaliers achetés par le biais des dons faits par toutes les composantes de la faculté grâce la forte mobilisation de l’administration de l’institution, du syndicat de base des enseignants, du syndicat des fonctionnaires et des ouvriers ainsi que du bureau fédéral de l’Uget.
Hichem Skik, Mohamed Jaoua, Raja Ben Slama, Khaled Chahed, Salah Manai, Taoufik Karkar, Gleyia Ksira, Najet Limam Tnani, Ahmed Boukhari Chetoui, moi-même et des dizaines de militants politiques et associatifs, nous le savons pertinemment et avons dénoncé, dans des articles, statuts ou commentaires publiés sur les réseaux sociaux ou dans des journaux électroniques, les campagnes mensongères qui ont visé Habib Kazdaghli. Nous ne l’aurions pas fait et nous ne nous serions pas gênés de le condamner si ces participations à des colloques internationaux avaient éveillé le moindre soupçon de normalisation.
Que cache le grand acharnement des calomniateurs ?
Dans un article que jai publié il y a deux ans à l’occasion d’une autre campagne fallacieuse, menée à la suite de la participation de Habib Kazdaghli et de quelques historiens tunisiens à un colloque organisé à Paris par la Société d’histoire des Juifs de Tunisie et qui lui a valu, le 12 avril 2023, le retrait par le conseil scientifique de la FLAHM de la proposition d’octroi de l’éméritat que le même conseil avait soumise à l’autorité de tutelle, j’ai expliqué les raisons de tant d’acharnement après avoir montré que la présence dans des colloques internationaux auxquels participent aussi des universitaires israéliens ne pouvait nullement être considérée comme une «normalisation académique».
La présence d’un chercheur tunisien à une rencontre scientifique internationale n’est-elle pas comparable à la participation des représentants de la Tunisie aux travaux de l’Onu, de l’Unesco, de la Banque mondiale ou de toute autre organisation internationale où siègent également des représentants israéliens? Les détracteurs du doyen ne devraient-ils pas, suivant leur logique, dénoncer cette présence dans les institutions internationales comme une normalisation avec l’Etat israélien et considérer l’Etat tunisien comme le plus grand normalisateur? Pourquoi s’en prendre au seul Kazdaghli?
Les détracteurs savent pourtant que des scientifiques tunisiens de tous bords (médecins, mathématiciens, juristes, chercheurs en biologie et en pharmacie, etc.) sont constamment présents dans des rencontres scientifiques de haut niveau où ils présentent leurs travaux en présence d’universitaires israéliens. Cet acte révèle à quel point le sujet du colloque parisien et les centres d’intérêt de la Société d’Histoire des juifs de Tunisie sont des questions très sensibles aux yeux des calomniateurs.
Habib Kazdaghli n’est pas en réalité pris à partie parce qu’il côtoie dans un colloque des universitaires israéliens mais parce qu’il a osé choisir dans son parcours de chercheur un sujet tabou : l’histoire de la minorité juive de Tunisie. Sous couvert d’un engagement sans limite en faveur de la cause palestinienne et d’un refus catégorique de la normalisation dans l’espoir de rehausser leur image de marque de partisans irréductibles de cette cause, ces détracteurs cachent leur déni de l’histoire d’une Tunisie plurielle où la communauté juive a joué au fil des siècles un rôle important.
Bien que la minorité hébraïque ait été soustraite au régime juridique de la dhimma grâce au Pacte fondamental, les Juifs ont souvent été considérés par la majorité musulmane comme des citoyens de seconde zone. Cette idée a été intériorisée par les détracteurs. Le conflit israélo-palestinien a accentué ce rejet en favorisant l’amalgame entre juif et sioniste et en enracinant l’idée que le juif est un sioniste en puissance. Pour la faire valoir, ils avancent l’émigration de nombreux Juifs tunisiens en Israël. Ces jusqu’au-boutistes voient, de ce fait, l’intérêt pour la minorité juive comme le signe d’une volonté de normalisation.
Lors d’un hommage à Paul Sebag, pourtant antisioniste notoire, rendu à la FLAHM en mars 2006, un groupe d’étudiants, composé d’extrémistes de tous bords, a tenté d’empêcher le déroulement de la cérémonie en scandant des slogans de soutien à la cause palestinienne ainsi que des slogans antisionistes, judéophobes et d’autres hostiles à la normalisation. L’un des meneurs, à qui l’on a fait valoir que Paul Sebag était communiste et que la tentative de saboter la cérémonie n’était pas, par conséquent fondée, a rétorqué «communiste, certes, mais juif».
Ces calomniateurs, qui s’arrogent le droit de définir à leur gré la normalisation académique, mesurent-ils à leur juste valeur les graves conséquences pour le développement de la recherche scientifique d’un boycott de ces rencontres scientifiques internationales d’envergure auxquelles participent continuellement des universitaires israéliens et au boycottage desquelles le comité tunisien de BDS considère n’appelle pas.
Est-il raisonnable de boycotter ces rencontres où nos scientifiques et nos jeunes chercheurs ont l’opportunité de présenter leurs travaux et de les faire valoir auprès de la communauté scientifique internationale?
Pourquoi harceler le seul Kazdaghli alors que 8 tunisiens, 4 enseignants-chercheurs et 4 doctorants, qui font, à l’occasion de ce colloque de grande envergure, leur baptême de feu dans le domaine de la recherche, y participent? Ses détracteurs lui en veulent parce que les valeurs qu’il incarne les dérangent. Homme de gauche et démocrate, ouvert aux autres cultures et civilisations, soucieux de revisiter l’histoire de la Tunisie en mettant en valeur l’apport des minorités, il est aux antipodes de ce qu’ils représentent; le monolithisme politique et une vision passéiste, figée et sclérosée de l’identité tunisienne excluant les minorités.
L’accusation mensongère de normalisation a été instrumentalisée à de nombreuses reprises à des fins électorales. Les campagnes mensongères recommencent de plus belle à chaque enjeu électoral dans l’espoir faire perdre à l’ancien doyen les élections auxquelles il participe.
Les calomniateurs persistent et signent
Cette nouvelle chasse aux sorcières intervient à la suite du soutien de Habib Kazdaghli à 15 historiens tunisiens accusés de normalisation académique avec l’ennemi sioniste parce qu’ils ont accepté de participer, à Doha, à un colloque international sur l’écriture de l’histoire en Tunisie : de leur point de vue, l’Etat du Qatar ainsi que la revue qui organise le colloque ont normalisé avec l’ennemi sioniste. Elle se produit également à un moment où de nombreux historiens de la FLAHM ont proposé à la faculté de rendre hommage à l’ancien Doyen pour l’ensemble de sa carrière et pour les services rendus à l’institution. Ripostant à ces deux événements, les étudiants de l’Uget n’ont pas hésité à envahir la salle Hassen Hosni Abdelwaheb et à commettre un acte de vandalisme en déchirant son portrait accroché au mur de la salle à côté des portraits de tous les anciens doyens.
Le communiqué du conseil scientifique publié à la suite de «la séance urgente et extraordinaire» tenue le 15 avril dernier, sous la pression des étudiants en grève, entérine l’accusation de normalisation, nie en conséquence toute intention de rendre hommage à un doyen normalisateur et exprime «son appui inconditionnel aux luttes légitimes des étudiants contre la normalisation».
Fossoyeur des libertés académiques lors de la réunion du 12 avril 2023 au cours de laquelle il a renoncé à la proposition d’éméritat soumise à l’autorité de tutelle pour couronner le parcours académique de l’ancien doyen, ledit conseil scientifique récidive, presque jour pour jour, deux années plus tard.
* Universitaire.
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