La Tunisie interdit formellement le travail précaire

Le très controversé projet de loi n°16 de l’année 2025 relatif à l’organisation des contrats de travail et à l’interdiction de la sous-traitance est passé comme une lettre à la poste puisqu’il a été adopté mercredi 21 mai 2025 à l’aube avec 121 voix pour, 4 abstentions et aucune voix contre.

Présenté par le ministre des Affaires sociales, Issam Lahmar, lors de la séance plénière qui a démarré mardi matin et s’est terminée mercredi à l’aube, le projet s’inscrit dans le cadre d’une réforme législative voulue par le président de la république Kaïs Saïed et qui vise à mieux encadrer les relations professionnelles entre employeurs et salariés et à mettre fin à toutes les formes d’emploi précaire.

Recevant lundi, au Palais de Carthage, le ministre des Affaires sociales, Saïed avait souligné la nécessité d’investir dans «un système juste qui garantit les droits des travailleurs, les valorise et leur procure un sentiment de sécurité», une garantie, selon lui, de justice sociale, de développement et de stabilité. «Le peuple aspire à un Etat social qui préserve la dignité de ses citoyens et il l’aura», a-t-il promis. Le projet de loi voté aujourd’hui à l’aube participe de cette démarche.

La séance parlementaire a été marquée par de vives discussions, forçant le président du Parlement, Ibrahim Bouderbala, à suspendre les travaux à deux reprises. Un seul amendement, portant sur l’article 8, a été adopté, tandis que les autres propositions de modification ont été rejetées, maintenant la version initiale du gouvernement. Cela n’a pas empêché le projet de loi de passer sans coup férir, les députés qui s’opposaient à son adoption tel quel étant presque tous rentrés dans les rangs pour qu’on aboutisse, au final, une quasi-unanimité. C’est à se demander si les houleux débats ayant précédé le vote n’était que du théâtre pour sauver les apparences !    

La nouvelle loi fait du contrat à durée indéterminée (CDI) la règle, limitant strictement le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) à des cas exceptionnels et amplement justifiés. Elle fixe également la période d’essai à six mois, renouvelable une seule fois (et non quatre fois, comme c’était auparavant).

Par ailleurs, le texte interdit le recours à la sous-traitance dans les missions essentielles et permanentes des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. Seules les interventions ponctuelles ou techniques sont autorisées, sous réserve qu’elles ne constituent pas un détournement des droits des travailleurs. Cette disposition représente une première législative en Tunisie, après des années de controverse sur ce sujet.

Des mesures strictes sont prévues en cas de non-respect de la loi, notamment des amendes, la reconnaissance d’un lien de travail direct entre le salarié et l’entreprise bénéficiaire, ainsi que la possibilité d’exclure les contrevenants des avantages accordés par l’État.

Des dispositions transitoires sont prévues pour permettre aux entreprises de régulariser leur situation, sans perturber le fonctionnement économique ou les relations contractuelles existantes.

Dans la note explicative du texte de loi, le gouvernement souligne que la réforme vise à mettre fin à la précarité et aux conditions de travail indécentes, tout en préservant la compétitivité et la stabilité des entreprises.

Lors des débats, la majorité des députés ont salué un pas important vers une meilleure protection sociale des travailleurs appelant à une application stricte de la loi et au renforcement des mécanismes de contrôle.

Cette loi ne va pas faciliter la tâche des entreprises spécialisées dans le travail par intérim, et même certaines entreprises qui recourent massivement aux CDD pour maîtriser leurs coûts. Certains experts et observateurs pensent que l’adoption de cette loi risque de porter un coup au marché de l’emploi et même à l’investissement, qui, déjà, marque le pas depuis 2011.

I. B. (avec Tap).

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