L’économiste Abdelmalek Saadaoui, ingénieur statistique et économie appliquée, et ancien directeur général des équilibres du budget au ministère des Finances, a déclaré à l’agence italienne Nova que l’année 2024 présentera d’importants défis financiers pour la Tunisie.
Parmi ces défis, une croissance limitée à 2,1%, des prix du pétrole supérieurs à 80 dollars le baril et une fragile stabilité du taux de change du dinar, la monnaie locale.
Ces défis sont amplifiés par une situation mondiale marquée par des crises successives, notamment la pandémie de Covid-19, la guerre russo-ukrainienne, le conflit au Moyen-Orient et les impacts persistants du changement climatique. «Cette situation complexe nécessite une évaluation détaillée du budget de l’Etat», a déclaré l’ancien directeur général des ressources et du budget de l’Etat, soulignant la nécessité de réformes courageuses pour assurer la stabilité économique.
Saadaoui a déclaré que «les difficultés économiques se manifestent à travers des hypothèses macroéconomiques sous pression en 2024 et que les autorités tunisiennes devront désormais ajuster leurs stratégies».
Des choix budgétaires inquiétants
Commentant la loi de finances 2024, l’expert affirme que «l’examen des dépenses de l’Etat en 2024 révèle des choix budgétaires inquiétants. Plus de 77% des crédits sont alloués à trois composantes principales : le service de la dette publique (31,8%), la masse salariale (30,5%) et les compensations (14,6%). Ces priorités laissent peu de place aux investissements, qui ne représentent que 6,8% des dépenses, ce qui soulève des questions sur la vision à moyen terme du développement économique du pays».
«Les ressources de l’Etat, estimées à 77,9 milliards de dinars (équivalent à environ 23 milliards d’euros, ndlr), sont constituées à 63,1% des recettes budgétaires – fiscales, non fiscales et dons – et à 36,2% des prêts. L’augmentation significative des ressources de prêt, de 30,8% en 2023 à 36,2% en 2024, suscite des inquiétudes quant à la soutenabilité de la dette publique et nécessite une gestion prudente des finances», a ajouté Saadaoui.
L’expert conclut ensuite par un avertissement : «Face aux risques potentiels de basculement des équilibres macroéconomiques et surtout des finances publiques, ceux-ci méritent un examen approfondi et des réformes à mettre en œuvre à court terme avec une vision claire et une volonté forte et volonté politique courageuse».
L’agence de notation Fitch a décidé de maintenir la note de la Tunisie à « CCC- » dans son dernier rapport sur le pays, prévoyant un déficit plus élevé en raison de l’augmentation des subventions et des transferts aux entreprises publiques, ainsi que d’une augmentation du coût de la dette.
En d’autres termes, la Tunisie connaît un problème croissant de financement budgétaire, que Fitch estime égal ou supérieur à 16% du PIB (plus de 8 milliards d’euros) par an entre 2023 et 2025, contre 14% (environ 6 milliards d’euros) en 2022 et bien au-dessus de la moyenne de 9% en 2015-2019. Cela découle de la persistance d’importants déficits budgétaires et de l’augmentation des échéances de la dette intérieure et extérieure, égales à environ 10% du PIB par an au cours de la période de deux ans 2024-2025.
Des difficultés de financement extérieur
À cela s’ajoute qu’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour trouver des ressources supplémentaires en échange de réformes radicales est fortement improbable, malgré le fait que le pays a de plus en plus besoin de trouver des financements extérieurs, également en raison des échéances à venir telles que les prochains remboursements des euro-obligations (850 millions d’euros en février 2024 et plus d’un milliard d’euros en janvier 2025).
Fin septembre 2023, la Tunisie avait bénéficié d’un financement extérieur de 1,3 milliard d’euros (2,6 % du PIB). Fitch s’attend à ce que le financement extérieur atteigne environ 2 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, indiquant que si la Tunisie n’accède pas à un programme du FMI en 2024, les perspectives de financement extérieur seront limitées.
L’agence de notation estime que le gouvernement tunisien pourrait mobiliser environ 2,5 milliards de dollars (5 % du PIB) en 2024, dont un prêt supplémentaire de 500 millions de dollars de l’Arabie saoudite (après les 400 millions de dollars reçus cette année), 500 millions d’euros d’AfreximBank, prévus dans le projet de loi de finances 2024. Bien qu’il n’y ait pas de signaux clairs sur l’avancée de ces négociations, Fitch estime que le soutien de l’Arabie Saoudite, qui semblait auparavant insister sur un programme du FMI comme condition préalable, pourrait signaler des perspectives légèrement meilleures de financement par les pays du Golfe.
Traduit de l’anglais.
Source : Agenzia Nova.
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