Malchance, scoumoune, il faut croire que ce Tabarka Jazz Festival est damné. Depuis des années, les responsables locaux s’entre-déchirent pour se mettre sur le devant de la scène et… détruire lentement une manifestation qui a tous les atouts pour réussir: mer, beaux paysages, vie nocturne…
Par Hamma Hanachi
«Ne bronzez pas idiot» : ce slogan, qui a fait le tour de l’Europe et au-delà, est resté dans la mémoire comme le meilleur slogan inventé pour les vacanciers et touristes de tous bords, et ne sera pas détrôné de sitôt.
C’était les années post soixante-huit, un festival, un air du temps que les jeunes ne connaissent pas. C’était Tabarka, la Côte du corail, les paillotes, les grandes vedettes du jazz, du blues, de la contestation, du «Peace and love» et du «Faites l’amour et pas la guerre» Une époque !
Une triste et désolante nouvelle
Trois décennies plus tard, les responsables politiques, culturels, touristiques, prenaient le bon chemin et le département du tourisme, fort de ses millions d’entrées, s’est appuyé sur le fameux slogan. Tout ce beau monde a continué dans le même sens avec des résultats éloquents, un aéroport a été construit pour développer la région; des charters européens desservaient directement Tabarka; les voisins algériens ont pris leur part dans le camembert des nationalités; un Festival du Raï a été même programmé à leur intention…
Hier, mardi 17 juillet 2018, au siège du ministère du Tourisme, Mohsen Rezaïguia, président de la 13e session de Tabarka Jazz Festival a invité les médias pour annoncer les détails du programme. Il n’a pas dérogé à la règle et évoqué les années fastes, reprenant le refrain du «Ne bronzez pas idiot».
Appuyé par Hichem Mahouachi, commissaire régional du tourisme de Tabarka, M. Rezaïguia est venu, non pas pour présenter quelques nouveautés à propos du programme, mais pour annoncer aux nombreux journalistes consternés le report des dates du festival. Pas moins !
Mohsen Rezaïguia et Hichem Mahouachi.
Devant une forêt de caméras, des appareils photos et des journalistes sidérés, le malheureux, apparemment moins loquace que ses prédécesseurs, est allé au charbon. Il annonce avec beaucoup de regret la triste et désolante nouvelle: «Le festival aura lieu à la fin août ou au début du mois de septembre», déclare-t il. Sachant qu’à cette période, les Tunisiens se préparent à la rentrée scolaire, que les visiteurs algériens (6% des touristes restent à Tabarka) auront regagné le pays pour cause de fin de vacances, d’Aïd Al-Idha, rentrée scolaire, etc., ne vaut-il pas mieux, dans ce cas, annuler simplement cette session?
Les dessous du Théâtre de la Mer
Après une présentation longue, M. Rezaïguia nous apprend que le nouveau Théâtre de la Mer dont la région est fière n’est pas encore fonctionnel. Un sérieux différend, précise-t il, entre le ministère de l’Equipement, un promoteur véreux et les autorités locales a retardé les travaux. Conséquence : la protection civile n’a pas fourni les autorisations nécessaires pour l’ouverture du théâtre.
On aimerait bien le croire, mais ce rouage kafkaïen nous semble maigre comme argument, un peu trop, d’autant que Tabarka Jazz Festival est censé commencer dans trois jours (le 20 juillet), que l’affiche est fin prête, que des réunions ont été tenues pour fignoler le programme, que le ministre des Affaires culturelles a annoncé, en avril dernier, l’ouverture du théâtre : «un acquis considérable de la région est prêt pour accueillir 6500 spectateurs…», lisait-on dans les médias.
Anguille sous roche, nous cache-t-on des fragments du puzzle? On ne voudrait jeter la pierre à personne, ni faire de procès oiseux, encore moins susciter une polémique, d’autant que M. Rezaïguia invite qui veut l’entendre à Tabarka pour vérifier ses dires et constater l’état du théâtre. Une question demeure : «Pourquoi pas à la Basilique?»
Heureusement le programme «off» du festival est maintenu et aura lieu aux mêmes dates. «Faute de grives, on mange des merles», dirait l’autre.
Il faut noter que cette scoumoune n’est pas la première du genre. Depuis des années, à chaque fois, on entend parler de querelles, d’accords, de désaccords ou de brouilles entre les membres du comité d’organisation. Conséquence : l’incertitude, le brouillard, les responsables des comités d’organisation annoncent haut et fort que cette session est exceptionnelle, elle va renouer avec le succès, etc. Le décollage n’est pas pour cette année.
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