‘‘La Reine Intouchable’’ est un roman écrit avec le tremblement du vrai. On sent, dès les premières lignes, qu’il ne s’agit pas d’inventer un destin mais de veiller sur une âme. Clarisse n’est pas seulement un personnage : elle est une présence, un souffle, une femme que l’autrice accompagne avec une tendresse presque sacrée. Sylviane Lolo Ngango écrit comme on prie : dans la sincérité, dans l’écoute, dans le respect profond de celles qui ne crient pas, mais qui tiennent debout.
Djamal Guettala
Publié aux Éditions La Réforme du Burkina Faso et disponible également sur Amazon, le roman circule déjà à travers plusieurs continents, comme une parole précieuse qui cherche ceux qui ont besoin d’elle.
La couverture dit déjà l’équilibre fragile du livre : une femme en uniforme, couronne sur la tête, regard droit tourné vers l’avant. C’est une image de force, mais une force traversée de fissures.
Clarisse est une reine en plein tumulte, une femme qui serre son cœur comme on serre une plaie, une combattante qui se cache pour pleurer avant de repartir au front — front de l’armée, front du foyer, front d’elle-même.
La magie de l’écriture
Sa stérilité, dans une société où la maternité est encore un passeport, devient son ombre la plus lourde. Une ombre qu’elle porte sans la montrer, sans la dire, comme si la dignité était une seconde peau. Elle avance, polie par les silences et les injonctions du monde, mais jamais brisée. C’est là que réside la magie de l’écriture de Sylviane : elle ne montre pas la souffrance pour la souffrance, elle dévoile la lumière qui persiste, même quand tout vacille.
La quatrième de couverture évoque Sandra, celle qui a donné deux enfants à son mari. Mais ‘‘La Reine Intouchable’’ n’est pas un roman de rivalité. C’est un roman de questions sans réponses, d’injustices muettes, de fidélité à soi quand tout le reste chancelle. Clarisse ne se débat pas pour vaincre quelqu’un : elle se débat pour ne pas disparaître. Elle se débat pour garder son nom, son rang, sa dignité, sa couronne — cette couronne intérieure qu’aucune trahison ne peut ôter.
Les pages 18 et 19 sont comme une respiration, un éclat d’aube avant l’orage. L’autrice y raconte la naissance d’un amour d’adolescence avec une grâce qui émeut jusque dans les détails.
«Une lettre parfumée valait toutes les déclarations», écrit-elle, et soudain on sent l’odeur du papier, on entend le tremblement des mots.
Clarisse apparaît alors «fine et élégante comme une gazelle», sa «peau ébène brillant sous le soleil de midi», tandis que «son sourire éclatant faisait rougir les lucioles».
David, lui, est ce garçon calme et admiré, dont le regard ne cherche qu’elle.
Il y a dans ces scènes quelque chose de pur, de vibrant, presque d’immaculé. Charlotte, l’amie volubile, devient l’entremetteuse du destin : «Vous allez arrêter ce cinéma-là, hein ! Clarisse, David… venez ici. Voilà, faites connaissance !»
Ce moment simple, drôle, lumineux, scelle un pacte d’avenir.
Les fissures du présent
Puis vient l’armée, les entraînements séparés, la discipline qui forge ou éloigne. Mais rien ne semble pouvoir éteindre ce lien né entre deux couloirs de lycée. Leur petit studio de Yaoundé devient un nid modeste, mais plein de chaleur, de draps choisis avec soin, de coussins brodés comme des promesses. Le début d’une royauté intime, fragile, mais sincère.
Et c’est là que le roman atteint son point le plus déchirant : la lumière des débuts rend les fissures du présent encore plus profondes. Clarisse n’affronte pas que l’infidélité. Elle affronte la chute d’un rêve qu’elle pensait inaltérable. La perte d’une alliance née avant même la vie adulte. Elle affronte la trahison non d’un homme seulement, mais du temps, du destin, de ce qu’ils avaient cru possible.
Sylviane Lolo Ngango écrit tout cela avec une bonté désarmante. Elle ne juge jamais. Elle console. Elle éclaire sans blesser. Elle pose des mots comme on pose des mains sur des épaules fatiguées. Elle comprend les femmes qui doutent, celles qui espèrent encore, celles qui se relèvent sans bruit. Sa plume ne condamne pas : elle accompagne.‘
‘La Reine Intouchable’’ n’est pas seulement l’histoire d’une femme trahie. C’est l’histoire d’une femme fidèle à ce qu’elle est, jusque dans la tempête. Une femme qui refuse d’abdiquer son royaume intérieur. Une femme dont la blessure devient une couronne. Et dont la couronne, même vacillante, demeure, elle aussi — intouchable.



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