Selon l’enquête 2019 de la Northwestern University qatarie sur l’utilisation des médias dans la région Mena, les publics arabes seraient culturellement moins conservateurs, feraient moins confiance à leurs médias nationaux et auraient plus tendance de s’informer auprès des réseaux sociaux et des «faiseurs d’opinion sociaux» plutôt que de recourir aux journaux traditionnels… Les Tunisiens et les les Libanais étant plus rebelles que les autres peuples arabes.
Par Marwan Chahla
La Northwestern University du Qatar (NU-Q) vient de publier les résultats de sa 7e étude annuelle sur ‘‘L’utilisation des médias dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du nord (MENA)’’. L’enquête révèle notamment que le public des consommateurs de l’information dans les pays arabes est culturellement moins conservateur –donc, plus libéral, plus progressiste et plus ouvert–; il fait moins confiance à ses médias nationaux; pour s’informer, il compte plus sur les réseaux sociaux et les «faiseurs d’opinion sociaux» que sur les médias traditionnels, à savoir les radios, télévisions et journaux établis.
«Un environnement médiatique dynamique»
Au moins la moitié de l’opinion publique dans les pays de la région Mena parcourt les posts publiés par ces «faiseurs d’opinion sociaux.»
Everette E. Dennis, doyen et Pdg de la NU-Q, estime que «l’enquête 2019 montre que l’environnement médiatique des pays Mena est dynamique, que les résultats de l’étude traduisent le développement technologique rapide qu’a enregistré ce secteur et l’impact considérable de la géopolitique sur les modes de consommation et les préférences de l’information.»
«Nous avons découvert des changements d’attitudes significatifs –et, dans certains cas, tout à fait surprenants– vis-à-vis de l’idée de la liberté d’expression sur le Net, la confiance dans les sources d’information, la culture et les habitudes médiatiques. Ces résultats devraient être d’un grand intérêt pour les chercheurs, le monde des affaires, les gouvernements et autres leaders d’opinion que la région Mena concerne», ajoute l’universitaire américain.
Cette 7e étude annuelle sur l’utilisation des médias dans la région Mena a été une enquête face-à-face menée auprès de 7303 personnes sondées dans sept pays –la Tunisie, le Qatar, l’Egypte, la Jordanie, le Liban, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. La collecte des réponses, qui s’est déroulée du 20 juin au 6 octobre 2019, a été confiée au très célèbre institut de sondages américain Harris Poll.
L’étude a couvert les thèmes de la partialité et impartialité des médias, leur crédibilité, l’intimité numérique, la liberté d’expression, l’utilisation d’Internet, l’utilisation des autres médias, l’information, les médias sociaux et autres influenceurs sociaux.
L’attitude rebelle du public tunisien
D’une manière générale, la Tunisie, suivie de près par le Liban, se distingue par l’attitude rebelle de ses consommateurs de l’information. Comparés aux autres peuples de la région, les Tunisiens estiment qu’ils sont culturellement moins conservateurs en 2019 que ce qu’ils n’étaient en 2015 (50% contre 56%, respectivement) et que leur pays n’est pas sur la bonne voie –en 2016, 57% des Tunisiens déclaraient que la Tunisie allait dans la bonne direction, contre 15%, en 2018, et 24%, en 2019.
Au contraire, les Emiratis, à 94%, les Saoudiens, à 89%, et les Qataris, à 76%, estiment que, chez eux, les choses vont dans le bon sens…
Cette morosité des Tunisiens –à tort ou à raison, directement ou indirectement– trouve son expression dans la baisse de la confiance qu’ils accordent à leurs médias nationaux traditionnels. En 2019, alors qu’elle culmine à 92% aux EAU, par exemple, et que sa moyenne, pour tous les pays de la Mena, se situe à 61%, en Tunisie, cette confiance des Tunisiens dans leurs médias nationaux est de 44%.
Les Libanais et les Tunisiens, plus que les autres peuples arabes, soutiennent l’idée selon laquelle l’Etat ne devrait pas interdire la critique du gouvernement: 68% pour le Liban et 65% pour la Tunisie, en 2019. A titre d’exemples, pour la même année, cette proportion est de 48% pour l’Arabie saoudite, de 36% pour le Qatar et de 21% pour les EAU.
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