La protection économique mutuelle comme celle prétendue dans le projet de loi qui devait être examiné aujourd’hui, mercredi 29 avril 2020, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et qui a été reporté, suite à une forte opposition de l’opinion publique, est un leurre.
Par Adnane Belhajamor *
Non que cette protection économique mutuelle soit inconcevable et irréalisable dans l’absolu, mais elle ne peut être mise en place entre deux pays comme la Tunisie et la Turquie.
Dans un cas pareil, il ne pourrait s’agir que d’un accord à sens unique, sans équité et sans aspect mutuel comme trompeusement mentionné dans le titre de la convention.
Pour la Tunisie, qui pratique un échange extrêmement inégal avec la Turquie qui nous vend 10 fois plus qu’elle nous achète, sans considérer le tourisme (les dizaines de milliers de Tunisiens et de Tunisiennes se rendant chaque année en Turquie) qui ramènerait cette inégalité à un rapport de 1 sur 20, ce serait instituer une dépendance accrue de Tunis vis-à-vis d’Ankara.
Ce serait surtout bloquer toute possibilité de coopération plus équitable avec d’autres partenaires, notamment avec des marchés potentiellement plus intéressants et plus larges comme par exemple les marchés des pays africains subsahariens.
Par ailleurs, déconnecter ce projet d’accord de la politique, alors que nous observons tous une tendance de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan à l’hégémonie et à l’ingérence, serait d’un simplisme et d’une naïveté exagérés, pour ne pas y voir un calcul stratégique de la part du parti islamiste tunisien Ennahdha, membre avec l’AKP turc de l’organisation internationale des Frères musulmans.
Lorsqu’en plus, on vous présente au même instant un projet de convention avec un fonds qatari, auquel on veut attribuer des privilèges et faire des largesses, il serait carrément infantile de ne pas considérer cela comme une tentative de mettre le pays dans la zone d’influence de l’axe turco-qatari. Et on imagine que cela ne va plaire, c’est un euphémisme, à nos autres partenaires régionaux qui sont opposés à cet axe, comme l’Egypte, l’Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis.
Cet axe, très engagé dans le soutien des groupes islamistes, y compris armés, notamment en Libye et en Syrie, n’est pas une illusion, mais une implacable réalité dans la politique internationale.
* Gestionnaire et activiste indépendant.
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