Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha et président de l’Assemblée, estime que son entretien téléphonique avec Fayez Sarraj, président du gouvernement d’entente nationale (GEN) en Libye «servira l’intérêt de la Tunisie», en affirmant que les réactions suscitées par cet entretien étaient démesurées.
C’est ce qu’il a indiqué lors d’une interview diffusée sur Nessma Tv, ce soir, lundi 8 juin 2020, en précisant que la séance plénière du 3 juin n’était pas consacrée à son audition à propos de cet appel, qui a suscité un tollé général, même parmi les alliés d’Ennahdha au gouvernement, mais plutôt un débat sur la diplomatie parlementaire, a-t-il tenu à relativiser, en lançant : «C’était une belle expression de la démocratie et cela a permis de donner une image exceptionnelle de l’expérience tunisienne. C’est un honneur pour la Tunisie car c’est l’essence même de la démocratie, où le débat est politique et non violent», minimisant ainsi la portée de la curée dont il fut alors l’objet, encaissant les critiques les plus dures pour son alignement sur la position des Frères musulmans en Libye, incarnés par Sarraj, contre les autres factions en conflit dans ce pays.
Le chef islamiste, qui avait promis de se remettre en cause, à l’issue de cette plénière qui a duré plus de 20 heures, n’a pas retenu les critiques des députés, qui pour la plupart lui ont reproché d’avoir dépassé ses prérogatives en sa qualité de président du parlement et empiété sur celles du président de la république, en prenant langue, qui plus est de manière secrète, avec ses dirigeants étrangers.
M. Ghannouchi, dont l’entêtement dans l’erreur n’est pas le moindre des défauts, a même affirmé, lundi soir, que son entretien téléphonique avec Sarraj sera «un visa», pour les Tunisiens, notamment les hommes d’affaires, les commerçants, les agriculteurs et les travailleurs. «On se rappellera qu’on a supporté la Libye», a encore lancé le chef islamiste, réduisant encore une fois la Libye à sa faction islamiste conduite par Sarraj.
Pour se défendre, Rached Ghannouchi ira encore plus loin en indiquant que la Tunisie doit avoir une position de neutralité positive et en citant comme exemple de ladite neutralité, Feu Béji Caïd Essebsi, ancien président de la république : «En 2011, M. Caïd Essebsi, avait adopté cette position en introduisant des armes en Libye. Ce n’était pas un simple coup de fil mais le transfert d’armes et cela a servi la révolution libyenne. C’est cela la neutralité positive», a déclaré M. Ghannouchi, en faisant une comparaison pour le moins démagogique car la situation de 2020 n’a plus rien à voir avec celle de 2011, les protagonistes et les enjeux étant totalement différents.
Cherchant des excuses, le chef islamiste a poursuivi : «En plus, c’est Sarraj qui m’a appelé et c’était un appel ordinaire qui ne nécessitait pas tant de bruit. Cela servira les intérêts de la Tunisie». Ce qui est un mensonge, car la partie libyenne, qui a ébruité cette affaire, a été claire : c’est Ghannouchi qui a appelé Sarraj pour le féliciter d’avoir remporté une victoire sur son adversaire Khalifa Haftar.
Quant à sa rencontre, en janvier 2020, avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à Istanbul, qui avait été aussi passée sous silence par Rached Ghannouchi et son parti et annoncée par l’agence de presse turque, on n’a pas un mot, ce soir, sur Nessma TV. Et pour cause. L’entretien était arrangé par deux copains : Rached Ghannouchi et Nabil Karoui, patron de Nessma, le premier ayant promis au second d’imposer son parti, Qalb Tounes, dans une nouvelle composition du gouvernement Fakhfakh.
Ainsi va la démocratie tunisienne, d’arrangement en arrangement, alors que le pays croule sous les problèmes et approche dangereusement de la banqueroute.
Y. N.
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