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Yassine Brahim – Banque Lazard : Une affaire de conflit d’intérêt?

Yassine-Brahim

Le projet de contrat avec la Banque Lazard, concocté par Yassine Brahim, suscite des interrogations et fait penser à un cas évident de conflit d’intérêt.

Par Ezzeddine Ben Hamida *

Depuis une dizaine de jours, le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, se trouve, par sa énième maladresse, dans une nouvelle tourmente médiatique à cause d’un projet de contrat controversé avec la banque française privée Lazard. Le silence du Premier ministre Habib Essid à propos de cette déplorable affaire n’a fait qu’attiser davantage les hantises et ranimer le feu autour de son gouvernement.

Il s’agit d’un contrat de 500.000 euros dont la mission pour 5 ans est «d’assister le gouvernement tunisien actuel mais aussi éventuellement futur, en qualité de conseiller stratégique et financier dans l’élaboration du document du plan de développement, ainsi que dans la sélection et la structuration des programmes phares et leur promotion auprès des investisseurs.»

La Tunisie, de la bouche même de plusieurs anciens ministres, n’a jamais fait appel depuis son indépendance à des étrangers pour élaborer ses plans de développement. Nous disposons de suffisamment de compétences et de cadres pour s’auto-satisfaire en ce domaine. Béji Caïd Essebsi n’a-t-il pas affirmé avant son élection à la présidence de la république que son parti «regorge de compétences de quoi pouvoir former 10 gouvernements.»

Naïveté ou complaisance?

Yassine Brahim est loin d’être naïf ! Ancien centralien de Paris, très lucide, limpide et froid. Il a su tisser un réseau d’affaires particulièrement actif et influent. Il s’agit d’un carriériste dans l’âme; un ambitieux sans état d’âme. Sa formation politique, Afek Tounes, est le parti des hommes d’affaires, un mouvement au service du capital et des soldats voués corps et âme aux principes du libéralisme. Ses liens avec les banques d’affaires sont tout bonnement logiques et, par conséquent, s’inscrivent tout naturellement en droite ligne de son histoire personnelle.

Jusque-là rien n’est choquant ! Là où le bât blesse c’est lorsque notre souveraineté nationale est heurtée et lorsque l’intérêt personnel ne coïncide pas, ou plus, avec l’intérêt général ou national.

Dans les grandes démocraties anglo-saxonnes, ce type de conflit d’intérêt serait traduit par la démission immédiate de l’auteur des faits.

Le secret de la maison Lazard

C’est une banque française privée, spécialisée dans le conseil financier et la gestion des actifs : conseils stratégiques, fusion-acquisitions, restructuration, structure du bilan, levée de fonds, marché de capitaux…

Depuis plusieurs décennies, de son bureau à Paris, Lazard conseille grands fortunés et Etats sur tout un éventail de sujets financiers: placements, privatisations, restructurations de dettes… Elle a accompagné récemment la Grèce dans la restructuration de sa dette au prix de 20 millions d’euros !

Créée par un juif lorrain parti faire fortune en 1848 aux Etats-Unis, la banque Lazard, tout comme celle des Rothschild (créée en 1917) et les autres groupes financiers, a toujours cherché à tisser des liens privilégiés avec les hauts fonctionnaires et les dirigeants des multinationales.

La journaliste Martine Orange avait publié, en 2006, un ouvrage aux éditions Albin Michel dont le titre ironique renvoie aux méthodes controversées de cette banque : ‘‘Ces messieurs de Lazard’’.

D’emblée, elle ne va pas avec le dos de la cuillère et ses propos tirent la sonnette d’alarme: «Le secret de la maison, c’est le secret!», écrit-elle. Elle ajoute plus loin : «La qualité principale des messieurs Lazard est l’avidité.» Puis: «Des associés sont introduits dans tous les réseaux de décision de l’Etat, du cabinet de Dominique Strauss-Kahn à Jacques Chirac, ce qui permet d’obtenir beaucoup de choses. Bref, comme souvent dans l’histoire du capitalisme, des fortunes privées se bâtissent grâce à l’Etat.» Elle conclut: «La banque Lazard est le ministère bis de l’industrie.»

Yassine Brahim serait-il l’homme de paille en Tunisie du groupe Lazard? On serait tenté de le croire, tant l’affaire soulevée du projet de contrat avec cette banque suscite des interrogations et fait penser à un cas évident de conflit d’intérêt.

* Economiste universitaire.

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