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Il n’y a pas de minorité homosexuelle en Tunisie!

homosexualité

Il est peut-être temps de prendre acte de l’inexistence en Tunisie de minorité homosexuelle et cesser de stigmatiser inutilement les gens.

Par Farhat Othman

C’est une évidence pour qui observe notre société vivre au jour le jour en n’étant pas déconnecté de ses réalités : il n’y a jamais eu autant d’homophobie qu’aujourd’hui.

Le paradoxe est qu’on ose de plus en plus parler de cette tare homophobe alors qu’elle n’a jamais été le propre de notre société. Hédoniste dans l’âme, celle-ci pratiquait et pratique encore ce sexe qualifié à tort de minoritaire. Toutefois, cela se fait en douce, sans ostentation et sans s’identifier en tant que sexe homosexuel. N’a-t-on pas qualifié, à juste titre, la Tunisie de pays sans bruit? (1)

Une stratégie déconnectée des réalités

Surtout, on n’a jamais vu ce honteux et criminel comportement de stigmatisation qui a ciblé récemment une catégorie sexuelle avant l’apparition au grand public de la catégorie des homosexuels et la médiatisation qui en a été faite. La raison en était que cette dernière ne s’est pas accompagnée — à la fois par sécurité et par honnêteté — de l’usage impératif du langage approprié qui s’imposait.

Car les rapports entre mêmes sexes ont toujours existé en Tunisie, mais c’est dans le cadre d’un sexe total, plus bisexuel que juste hétérosexuel. Ce qui veut dire que cela se faisait sans nulle stigmatisation, qu’elle soit positive ou négative.

Force donc est de dire que la stigmatisation criminelle à laquelle on a assisté a été une réaction excessive et minoritaire des milieux homophobes qui se sont sentis agressés par des propos sans fondement réaliste propre à notre société de la part des militants anti-homophobie.

Faut-il donc se focaliser sur ces menées homophobes, qui restent malgré tout isolées, au point d’oublier ce qui en a été la cause : un comportement irraisonné et déraisonnable dans sa forme combien même il demeure, assurément quant au fond, fondé et légitime? Agissant ainsi, cela ne revient-il pas à voir la paille dans l’oeil du voisin et pas la poutre dans le sien?

Pourtant, nos militants continuent de relever d’une mentalité sans prise avec le réel tunisien, et qui est dépassée, ramant à contre-courant en répétant des slogans devenus creux faute d’écho auprès du public et de consistance concrète.

On les voit s’agiter bien plus qu’agir, comme qui s’acquitte d’un devoir pour mériter le label de militance. On l’a vérifié récemment à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie, les associations de la société civile manifestant, comme à l’accoutumée et sans proposition tangible, leur présence en vue de lutter pour plus de droits et de libertés dans la vie privée des gens. (2)

La vérité sur le sexe arabe et musulman

Tous les chercheurs sérieux le diront aujourd’hui : l’homosexualité est un terme né dans le cadre de la modernisation occidentale. Celle-ci a construit sa performativité sur sa tendance, poussée à l’excès, de simplifier et catégoriser tout à l’extrême, quitte à finir par dénaturer la réalité. Auguste Comte appelait cela reductio ad unum (réduction à l’un). C’est cela qui a fait effectivement la modernité occidentale; mais c’est dépassé. On est en postmodernité!

Malgré tout ce qui été dit de pertinent à ce niveau, auquel tout humaniste adhère, les associations ne continuent pas moins à l’ignorer, finissant par desservir leur propre cause.

En effet, elles tiennent à développer une thématique déconnectée des réalités nationales copiée sur ce qui se fait en Occident qui est laïc et où le droit prime dans une société aux relents homophobes.

Or, les vérités ont été accumulées sur le rapport véritable entre la religion musulmane et ce sexe nullement minoritaire dans notre société, mais juste voulu comme tel par le pouvoir politique et moral du moment.

Rappelons donc encore une fois ce qui est un fait historiquement et sociologiquement avéré : le sexe est total chez l’Arabe, le Maghrébin et le Tunisien, bien évidemment.

En terre d’islam, l’homoérotisme avait droit de cité, au moment même où l’Occident pourchassait les gays et les mettait à mort comme le fait l’organisation terroriste Daech aujourd’hui. Combien de savants et de penseurs n’ont-ils pas été mis à mort en Occident au moment même où l’on chantait le sexe différent en terre d’islam et qui y relevait même du raffinement absolu chez les Arabes et les musulmans? Pourquoi ne pas en faire une arme qui serait fatale pour l’homophobie?

Car l’islam, contrairement au judaïsme et au christianisme, n’a jamais été homophobe. Il l’est devenu, au moment du déclin de sa civilisation, sous l’influence de l’effort jurisprudentiel entrepris par des jurisconsultes influencés par la tradition judéo-chrétienne.

La vérité sur l’homosexualité aujourd’hui

Historiquement, le sexe était également total en Occident avant que la pastorale chrétienne ne vienne mettre à l’index ce qu’elle a qualifié de sexe contre nature, et avant l’apparition de la catégorie de l’homosexualité au 17e siècle pour s’imposer définitivement au 19e s.

En rappelant ici la genèse de l’homosexualité, il ne s’agit bien évidemment pas de nier le droit de ceux qui aiment des gens de leur propre sexe. Il s’agit juste de mettre en garde les militants anti-homophobie des risques à singer inutilement l’Occident d’aujourd’hui, devenu par trop matérialiste.

Pour réussir le combat contre l’homophobie, il est nécessaire de considérer le réel tel qu’il est et d’être honnête en le menant selon les valeurs et non les intérêts contingents. Et ces valeurs imposent de ne pas violer la vérité historique.

Or, le réel et la vérité historique et sociologique imposent de dire qu’il n’y a pas, chez nous, en Tunisie et au Maghreb, d’homosexualité, au sens où il n’y a qu’une homosensualité. Cela veut dire, d’abord, que ce n’est pas le sexe qui prime dans le rapport entre les gens, mais bien plus la sensualité. Or, le peuple tunisien est sensuel dans l’âme.

Cela signifie, ensuite, qu’un gay n’est pas forcément et exclusivement homo, en ce sens qu’il ne dédaigne nullement le sexe hétéro. En tout cas, la majorité des Tunisiens sont bisexuels bien plus qu’hétérosexuels.
C’est cela, au demeurant, la réalité du sexe humain et dans la nature avant de tomber dans la caricature occidentale du 17e siècle, confirmée au 19e siècle, nous amenant à l’impasse matérialise actuelle. Même en Occident, à l’image de l’Orient et de l’Afrique précoloniale, le sexe majoritaire était déjà bisexuel tout comme il l’est dans la nature. C’est le matérialisme occidental qui a inventé l’homosexualité comme il invente des marchés, quitte à vendre une merde dans un bas de soie!

Comment réussir le combat anti-homophobie

Il est de plus en plus prouvé que la stratégie anti-homophobie utilisée actuellement en Tunisie est mauvaise, n’étant susceptible de donner aucun résultat, car ne ciblant pas le grand public travaillé intelligemment par les intégristes religieux.

Elle est même néfaste au sens que nos militants se retrouvent, sans s’en rendre compte, servir les intérêts de leurs adversaires qui sont dans le maintien du public dans l’ignorance de la vérité et dans la conservation en l’état des lois scélérates sans oser l’action, impérative pourtant, pour les abolir.

Par exemple, on parle de la nécessité d’abolir l’homophobie en Tunisie, mais personne n’ose aller jusqu’au bout de la logique et proposer le projet de loi utile à cet effet, en usant de l’argument qui est le seul en mesure de permettre cela. Cela suppose de rappeler que l’islam — au respect des valeurs duquel renvoie la Constitution, ne faut-il pas l’oublier — n’a jamais été homophobe.

En effet, par laïcisme, nos militants se refusent d’endosser le projet de loi qui leur est proposé afin de ne pas avoir à parler de religion alors que c’est la Constitution qui l’impose, puisqu’elle fait de l’islam la religion de l’État.

Comment être légaliste autrement?

Par ailleurs, si on dénonce l’obsolescence de la législation, on ne dit mot sur sa nature coloniale imposée par la morale du colonisateur à une société qui n’a jamais été homophobe. Là aussi, on pratique une sorte d’occidentalocentrisme qui fait du tort à la cause au moment où l’Occident est en pleine crise des valeurs.
Pour réussir le combat contre l’homophobie en Tunisie, aujourd’hui, il faut donc cesser impérativement de répéter les stéréotypes d’Occident. Cela impose l’une ou l’autre des deux stratégies suivante ou les deux cumulativement :

– soit rappeler que l’islam n’est pas homophobe, ce qui a été amplement démontré; et c’est la vérité historique, une arme fatale contre l’homophobie. Les laïcistes ne veulent pas l’utiliser pour des raisons qui leur sont propres, mais ils obèrent ainsi la crédibilité de leur militance en suscitant des interrogations légitimes sur sa sincérité;

– soit élargir leur combat en vue de militer pour la liberté sexuelle tout court et pour tous, non seulement pour ce qu’on qualifie de minorités sexuelles. Car, techniquement, il n’y a pas de minorités sexuelles en terre d’islam, tout le peuple, à l’exclusion des privilégiés qui vivent au-dessus de la loi, relevant d’une sorte de minorité sexuelle qui est la majorité de la société. C’est que les gens n’ont pas le droit de vivre leur sexe, quel qu’il soit, ainsi qu’ils l’entendent et que selon leur droit inaliénable.

Ainsi recentrée, se déconnectant d’une logomachie occidentale dépassée, la lutte contre l’homophobie en Tunisie et au Maghreb sera assurément bien plus efficace. Elle sera surtout davantage en congruence avec le réel tunisien où la société — qui est tolérante dans son essence — est menacée par un islam honteux d’interdits alors qu’il a toujours été un islam de libertés et même de jouissances ainsi que le démontre le soufisme, la foi du peuple au Maghreb.

Militer pour la totale liberté sexuelle

Quel serait donc, au vu de ce qui précède, l’impératif catégorique en matière de liberté sexuelle en terre d’islam, et donc en Tunisie?

En voici une esquisse à partir de mes recherches sociologiques et au vu des périls que courent les libertés en Tunisie, l’islam y étant en voie de «daéchisation» sans qu’on se décide à le contrer avec les armes efficaces dont on dispose pourtant.

D’abord, prendre acte de cette vérité incontournable que le sexe en Tunisie est un sexe total qui ne distingue pas entre homosexualité et hétérosexualité. Il importe, par conséquent, de répudier la distinction d’origine occidentale, héritage d’une modernité en crise pour renouer avec la réalité du sexe total.

Ensuite, aller dans le sens de ceux, homophobes ou non, qui prétendent qu’il n’y a pas d’homosexualité arabe; car c’est bien vrai au sens où le sexe ne s’embarrasse pas des fausses distinctions occidentales, étant bisexuel comme on dit. Aussi, en Tunisie, militer pour l’homosexualité ne doit plus relever du donquichottisme en revenant à combattre une fausse réalité. L’homosexualité, sociologiquement, n’existe pas en tant que catégorie à part, les jeunes, déjà privés de sexe, étant plutôt bisexuels et se définissant ainsi dans leur quasi-majorité.

Au demeurant, peut-on militer uniquement pour la création occidentale de l’homosexualité quand toute pratique sexuelle libre, quels que soient les sexes concernés, est quasiment impossible? Ne faut-il pas dénoncer le fait que le sexe en tant que tel soit hors-la-loi en Tunisie? Ne serait-il pas plus efficace de militer pour libéraliser le sexe en général sans se focaliser inutilement sur une catégorie, inexistante qui plus est?

Au final, dans cette éminente question de droit humain, il est impératif de n’avoir nul préjugé et de lutter justement contre tout préjugé et toute stigmatisation. Car, aujourd’hui, on doit tenir compte de la moindre différence et la valoriser; mais cela se fait sans stigmatisation. En effet, nommer dans certaines cultures, c’est tuer, pour paraphraser le poète Rilke. C’est le cas de notre culture où tout est accepté du moment qu’on n’en parle pas.

Être humaniste intégral

Aujourd’hui, on a besoin d’être humaniste intégral au-delà des idéologies réductrices. Sait-on, par exemple, que les homophobes en Tunisie ne se recrutent pas exclusivement parmi les religieux et que nombre parmi ces derniers, en dehors de leurs excités salafistes, ne seraient pas contre l’abolition de l’homophobie?

Or, en face, on a aussi des supposés modernistes, qui sont aussi une sorte de salafistes, en étant laïcistes à outrance? C’est ce que je qualifie de salafistes profanes qui nourrissent le même terrorisme mental que les salafistes religieux.

Il nous faut admettre que l’homosexualité, quelle que soit la société où elle a lieu, c’est d’abord une sensualité; je parle même d’érosensualité (3). Aussi, mettre l’accent sur le sexe, c’est faire du tort à des gens qui ne sont pas seulement motivés par une démarche sexuelle, même ceux qui aiment exclusivement leur propre sexe. Car ils aiment d’abord tout court, et pas nécessairement en termes sexuels. Après tout, y a-t-il plus beau que ce sentiment noble en l’humain qu’est l’amour qu’on dévergonde en le ramenant au simple acte sexuel?

Regardons donc vivre les gens dans notre société, ces gens du peuple, jeu de peu, mais aux qualités de cœur immenses que je fréquente tous les jours! Celui qui n’est pas au fait de leur psychologie réelle dirait que l’homosexualité y est pratiquée au vu et au su de tout le monde, comme pas mal d’étrangers l’ont pensé et dit d’ailleurs, trompés par la sensualité qui marque le comportement de tout Tunisien.

Au final, à voir les militants continuer à parler dans le vide tout en étant déconnectés des réalités, la question légitime qui se pose est donc de savoir si les militants veulent vraiment abolir l’homophobie!

Il est peut-être temps de prendre acte de l’inexistence en Tunisie de minorité homosexuelle et cesser de stigmatiser inutilement les gens. Il serait plus judicieux de militer pour la liberté sexuelle pour tous. Et, s’agissant des gays, parler plutôt d’homosensualité, et encore mieux donc d’érosensualité, pour être véridique, car le sexe n’est pas primordial dans les rapports intimes étant donné qu’il s’agit plutôt de sensualité.

Il est alors de la plus haute nécessité que nos militants arrêtent de demeurer à la surface des apparences; il leur faut aller en leur creux et agir raisonnablement en ayant recours à cette raison sensible nullement cartésiste qui sait tenir compte de la sensibilité d’un peuple dont la sensualité est l’essence même.

Notes :
(1) L’expression est de Jocelyne Dakhlia. À lire sans beau livre : ‘‘Tunisie. Le pays sans bruit’’, Actes Sud, Sciences humaines, 2011.
(2) cf. ‘‘Le combat des minorités sexuelles en Tunisie’’
(3) cf. Farhat Othman, ‘’Érosensualité arabe. Sociologie de la libido maghrébine, Tunisie en exemple’’. À paraître cet été.

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