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Quel gouvernement pour quelle union nationale ?

Caid-Essebsi-Coalition

On a beau parler d’union nationale, il y a des partis irréductibles qui refusent catégoriquement de s’associer à d’autres. Le mieux ne serait-il pas de s’accorder sur des objectifs nationaux?

Par Farhat Othman

On n’arrête pas de nous parler, ces jours-ci, de gouvernement d’union nationale en croyant avoir tout dit. Et voilà les appétits des uns et des autres qui s’expriment, bien plus attirés par le pouvoir que l’intérêt de la patrie !

Or, cette expression d’union nationale est creuse, ne recouvrant aucun sens eu égard à nos réalités. Certes, elle peut avoir une signification en un pays où le système partisan est performant, mais ce n’est pas le cas chez nous.

Ensuite, la formule ne traduit pas nécessairement l’intérêt du pays en ce moment précis de sa destinée ni forcément mieux que ne le fait gouvernement qui le dirige. Car le problème de la Tunisie ici et maintenant et un problème de gouvernance, non de compétences ou de personnages au pouvoir (Lire : Ce n’est pas la démission de M. Essid qui servira la patrie).

L’union à la Tunisienne

Qui n’a pas remarqué, d’ailleurs, que dans le même temps qu’on affiche le désir d’union nationale selon la conception classique, soit la réunion des partis au-delà de leurs spécificités et sensibilités opposées, on s’empresse d’insister sur la nécessité de dépasser la couleur partisane, privilégier la compétence.

Or, c’est ce qui a déjà prévalu lors de la composition de l’actuel gouvernement, au-delà de ses composantes partisanes (Nidaa Tounes, Ennahdha, UPL, Afek Tounes) réduites à quatre par défaut et non par choix, d’autres partis ayant refusé de siéger avec certains des membres dudit gouvernement. D’une certaine façon, un tel gouvernement n’est-il pas déjà d’union nationale ?

Au demeurant, on le voit bien, on a beau parler d’union nationale, il y a des partis irréductibles qui refusent catégoriquement de s’associer à d’autres. Alors, pourquoi continuer de se tromper ou à tromper tout en perdant du temps et en faisant perdre au pays ?

Ne vaut-il pas mieux laisser l’actuel gouvernement travailler, quitte à devoir changer quelques ministres, si nécessaire? N’est-il pas surtout salutaire qu’on cesse de se bercer d’illusions en reproduisant en Tunisie ce qui ne s’y applique pas, son union nationale ne devant pas se faire avec des partis, mais autour de valeurs et de principes qui demeurant antagonistes?

Au vrai, les problèmes de la Tunisie ne seront pas résolus par la forme ou la nature du gouvernement, mais selon les moyens dont ce dernier disposera et par le sérieux et l’éthique de ses membres.

Or, si la plupart sinon tous les ministres de l’actuel gouvernement répondent aux deux dernières conditions, ou à tout le moins à l’une d’elles, et notamment son chef — ce qui est unanimement reconnu —, la première condition fait cruellement défaut. Ce qui change tout, le gouvernement — et n’importe quel gouvernement — étant alors réduit à faire la politique de ses moyens.

Une union autour d’objectifs

Ne nous leurrons pas ! De tels moyens, s’ils font défaut, c’est qu’ils ne sont pas qu’internes; et quand ils le sont, ils ne font pas consensus et ne sont donc pas actionnés.

Aussi, d’une part, seule une articulation de la Tunisie à un système démocratique ayant fait ses preuves est de nature à la sauver. D’autre part, elle a besoin d’une volonté sérieuse, sans arrière-pensées, pour activer l’État de droit dans le pays.

S’agissant de la première question, certains experts non des moindres, occidentaux y compris et pas de simples illuminés, ont proposé la solution inévitable que nos politiques ne veulent envisager bien qu’elle tombe sous le sens.

Il s’agit de la demande d’adhésion à l’Union européenne (UE) dont la Tunisie fait déjà partie structurellement, mais informellement; donc à ses détriments.

Pareillement, comme la Tunisie croule sous la dette dont le service plombe ses efforts, aucune relance n’est possible sans un effacement de cette dette et sinon, pour le moins, un moratoire. Là aussi, on n’ose le faire pour des raisons sans fondements.

Voilà — sur le plan international — si l’actuel gouvernement osait en faire l’axe de sa politique extérieure, ce qui serait de nature à favoriser une union réellement nationale autour d’objectifs concrets. Cela devrait s’ajouter aussi au lien à établir nécessairement entre le libre-échange et la libre circulation humaine sous visa biométrique de circulation.

Car il s’agit là d’un outil fiable parfaitement compatible avec les réquisits sécuritaires et qui aurait l’avantage de créer un choc salutaire dans les têtes, contribuant surtout à détourner les jeunes des chemins de traverse.

Sur le plan interne, l’union nationale serait à réaliser en se concentrant enfin sur les acquis de la Constitution demeurés lettre morte, car leur mise en oeuvre permettrait le saut qualitatif obligatoire, débarrassant la législation nationale de ses obsolescences, tout en agissant aussi sur les mentalités.

Or, on continue d’exciper, pour ne pas déférer à une telle action inévitable, d’un argument fallacieux qui est ce mythique conservatisme social. Pourtant les masses tunisiennes sont bien moins conservatrices que leurs élites ainsi que nombre d’études les plus sérieuses l’ont montré et le démontrent.

Alors, union nationale ? Oui, mais pas en simple slogan ! Qu’elle le soit sur des sujets concrets comme ceux évoqués ci-dessus, les seuls de nature à faire bouger les choses et à réunir le peuple autour de ses dirigeants.

Que ces derniers osent aussi faire leur union autour de tels objectifs! Ils ne paraissent utopiques que parce qu’on refuse de les envisager alors qu’ils sont dans le sens d’une histoire qui invitant même à aller au-delà de l’utopie, l’utopique aujourd’hui étant canonique demain.

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