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Assassinat de Chokri Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (6e partie)


L’assassinat de dirigeant de gauche Chokri Belaid, le 6 février 2013, s’inscrit dans la stratégie des partis islamistes de recourir à la violence pour imposer l’instauration du califat islamique.

Par Abdellatif Ben Salem

Le bras-de-fer qui a opposé, dès le 6 février 2013, à la suite de l’assassinat de Chokri Belaid, le chef du gouvernement islamiste Hamadi Jebali à son parti, Ennahdha, qui conduisait la coalition gouvernementale, s’est soldé, le 19 février, par sa démission et la nomination de son «frère» et néanmoins rival Ali Larayedh, ministre de l’Intérieur, connu pour être l’un des faucons du mouvement islamiste tunisien.

Hamadi Jebali contre Ennahdha

La mise à l’écart de Jebali a préfiguré sa sortie définitive de la section tunisienne des Frères musulmans dont il était l’un de meneurs et membre fondateur dans les années 1970-1980. Sa détermination à imposer sa solution de sortie de la crise et du blocage politique dans lequel se trouvait le pays en ce début de l’année 2013, en choisissant une option s’inscrivant nettement en faux contre la stratégie de son mouvement, montré du doigt immédiatement après l’assassinat par des millions de Tunisiens comme étant l’instigateur, n’était pas du goût du Majlis Al-Choura, la plus haute instance consultative d’Ennahdha, qui décréta sa mise en quarantaine.

Le bruit a couru en effet que la proposition avancée par le chef du gouvernement islamiste dans son discours à la télévision d’Etat, le soir même du meurtre, vers 21 heures, de dissoudre le gouvernement et de lui substituer une équipe de compétences indépendantes, n’était pas le fruit de son imagination débordante, mais une idée soufflée trois jours plus tôt – suprême trahison – par Rachid Amar, chef d’état-major interarmées, et Abdelkrim Zbidi, ministre de la Défense nationale, tous les deux en délicatesse tant avec les islamistes qu’avec le président provisoire Moncef Marzouki. Tout le monde savait que, depuis quelque temps, ce dernier ne dormait que d’un seul œil par crainte d’être arraché brutalement à son sommeil en plein milieu de la nuit par un putsch militaire.

La crise politique qui a secoué l’édifice d’Ennahdha après le meurtre du leader du Watad a pris des proportions inédites avec l’apparition des premiers signes de dissensions internes nées de la décision, incongrue aux yeux de Rached Ghannouchi, du chef du gouvernement d’acter l’échec de l’islam politique au pouvoir(1).

La démarche de Jebali a suscité une peur panique dans les rangs d’Ennahdha, face à la perspective tangible d’être éjecté du pouvoir et sommé de rendre des comptes sur sa gestion du gouvernement et sur la vague de violence qui a déferlé sur le pays.

En tant que mouvement politique exerçant le pouvoir, Ennahdha se voyait paradoxalement balloté entre l’Etat et ses centres de décisions, qui semblaient lui filer entre les mains, et le mouvement – puissante machine ayant servi à conquérir le pouvoir – qui n’est plus en mesure de relever les défis posés par l’exercice de ce même pouvoir.

Le parti islamiste commençait à donner effectivement des signes d’essoufflement en raison, primo du processus archiconnu de gentrification, inhérent à toute transition, d’une force politique de l’étape de la lutte pour le pouvoir à celle de sa conquête; secundo en raison de l’apathie qui commença à gagner ses rangs par le recrutement massif dans la fonction publique, par les indemnisations mirobolantes accordées aux «victimes» qui ont mis à genoux les finances publiques, par les opportunités nouvelles d’enrichissement grâce au partage du butin, la corruption, le trafic et le pillage des biens confisqués par l’Etat et enfin par le chantage systématique juteux exercé sur les hommes d’affaires proches de l’ancienne dictature(2).

La tentative de Jebali de s’affranchir de la tutelle politique de son mouvement, en s’abstenant de consulter ses instances dirigeantes, quand il a annonça sa décision de dissoudre son gouvernement, a fait indirectement prendre conscience à Ghannouchi de la fragilité de sa posture.

Attaqué de toutes parts comme étant l’instigateur du meurtre de Belaid, les bureaux régionaux de son parti incendiés, son autorité mise à mal par la transgression de Jebali, il riposta par battre le rappel des franges les plus radicales(3), de ses alliés, le Congrès pour la république (CpR) et Ettakattol, mais aussi de son armée de réserve, Hizb Ettahrir, Ansâr Charia et les milices violentes et les masses islamistes fanatisées par la propagande religieuse, pour prouver qu’il est toujours le maître à bord. Sonner toutefois l’heure du rassemblement ne suffisait pas, encore faut-il que ses ennemis et adversaires le sachent et en mesurent surtout l’ampleur.

La condamnation par Manuel Valls, ministre français de l’Intérieur, de l’assassinat de Belaid en termes peu amènes pour les islamistes tunisiens, tombait à pic pour lui fournir un prétexte pour compter ses troupes et faire une démonstration de force.

Au moment même où les yeux du monde entier restaient braqués sur l’évolution dangereuse de la situation politique dans notre pays après l’assassinat de Belaid, Ghannouchi décide d’envahir, le 9 février, avec ses partisans épaulés par le magma salafiste, l’avenue Bourguiba, pour pourfendre Valls et la France(4) et prétendument rejeter «toute ingérence étrangère».

C’était un subterfuge – coup classique du machiavélisme islamiste –, il lui importait que les gens pensent qu’il était en total décalage par rapport à la dynamique du moment. L’essentiel pour lui était de faire oublier le million et demi des tunisien-ne-s démocrates rassemblés la veille pour faire leurs adieux au martyr Chokri Belaid.

A la fin, il n’a rassemblé que quelques milliers, un bide total, malgré la manipulation des chiffres par Ali Larayedh, alors ministre de l’Intérieur. Les manifestants, pour la plupart des barbus surexcités, venus dénoncer les propos accusateurs de Valls, ont lancé des menaces contre Jebali et appelé à l’application de la charia et à la défense de la «légitimité»

Hamadi Jebali confiera, trois ans plus tard, qu’avant même l’assassinat de Belaid, face aux tergiversations d’Ennahdha et ses alliés faisant traîner en longueur les négociations sur la sortie de la crise gouvernementale, il dût sommer la Troïka (coalition tripartite dominée par les islamistes) de lui répondre par oui ou par non à sa proposition de dissoudre le gouvernement et de nommer à sa place une équipe de compétences indépendante.

La réponse lui est parvenue le 6 février… et c’était un non sanglant.

C’était le soir du meurtre qu’il prononça pour la première fois au milieu de son intervention télévisée, cette phrase énigmatique qui n’a cessé, depuis, de susciter des interrogations: «Nous avons bien reçu le message et notre réponse est claire.» (5) A qui Jebali s’adressait-il en particulier? Quand bien même nous connaissons à l’avance sa réponse – la formation d’un gouvernement de compétences indépendant ou la démission – la question – ou la réponse c’est selon – sur le contenu véritable du message auquel il faisait allusion, reste toute entière?

Quatre années sont passées depuis cette journée tragique et on n’a pas avancé d’un pouce dans la découverte de la vérité.

Ennahdha entre crise interne et violence externe

Evoqué plus haut, ce paradoxe inédit – vécu par Ennahdha comme une rébellion/trahison de l’un de ses membres – créé par la tentative de Jebali, à la fois chef de gouvernement islamiste et secrétaire général du mouvement Ennahdha, de la «débrancher» du gouvernement a eu l’effet d’une véritable secousse tellurique, menaçant de faire imploser de l’intérieur un parti islamiste, bâti sur l’obéissance aveugle de ses membres au credo théologique et sur une architecture organisationnelle verticale, calquée sur le modèle des partis totalitaires(6), théoriquement en mesure de l’immuniser contre tout éventualité de dispersion ou de clivage(7).

L’assassinat du secrétaire général du Watad, à propos duquel on ignore s’il existe un lien causal avec la crise interne provoquée par la guerre entre les factions rivales du mouvement islamiste, a confirmé a posteriori les visions prémonitoires sur les liens inextricables entre la gestion des islamistes de leurs crises et déboires internes, et le recours à la violence en externe(8).

Belaid a plus d’une fois démontré, au cours de ses interventions publiques, ce lien étroit entre l’usage indistinct de la violence contre les mouvements sociaux et les guerres silencieuses à laquelle se livraient les chefferies islamistes.

Camoufler les conflits internes ne constitue pas l’unique objectif derrière l’exercice de la violence, il vise également à déstabiliser le pays et à pousser la société à la division en deux camps pour ensuite les dresser l’un contre l’autre.

Le but derrière l’assassinat de Belaid était d’attiser la polarisation du pays jusqu’à l’extrême limite et l’incitation du camp démocrate/progressiste à tomber dans le piège classique : répondre aux armes par les armes. Il ne s’agit guère d’un bricolage de quelques extrémistes illuminés de chez-nous mais bel et bien d’une théorie conspirative basée sur ce que les fascistes italiens appelaient «la stratégie de la tension».

Cette théorie fut mise en application par les ultras franquistes(9) justement au cours de la période de transition politique en Espagne (1975-1981). Elle consiste à provoquer différents groupes sociaux par des attentats sanglants ou par des meurtres : ouvriers, jeunes, étudiants, avocats, journalistes, députés, forces de l’ordre, armée, afin que l’un des ces groupes réponde par la violence, fournissant un prétexte à l’embrasement général du pays, à la guerre civile ou à l’appel à l’armée pour sauver le pays ! Dans le cas qui nous occupe, ce sera plutôt «al-tamkîn», dérivé islamiste du putschisme fasciste.

Au lendemain de l’assassinat, la polarisation politique était telle que dans les heures qui l’ont suivi, le pays semblait tanguer comme un bateau ivre. La jeune nation surgie des torpeurs des siècles passées et du colonialisme s’acheminait à la vitesse grand V vers une rupture historique en deux camps irréductibles. Le 6 février au matin personne ne savait de quoi demain sera-t-il fait?

Les alliés des islamistes au sein de la Troïka, Ettakattol de Mustapha Ben Jaafar et le CpR de Moncef Marzouki, voyaient leur marge de manœuvre réduite soudain à néant par la gestion unilatérale d’Ennahdha des suites de l’assassinat. Simples comparses servant de décor, ils se retrouvent contraints et forcés de partager avec les islamistes, solidarité gouvernementale oblige, la responsabilité intellectuelle de l’homicide, et l’unique choix qui leur restait était de se coucher s’ils tenaient à garder leurs strapontins au sein du gouvernement. Les rares voix qui se sont timidement élevées ça et là dans leurs rangs, ou les gesticulations chaplinesques du faux prophète Marzouki (10), jouant en permanence la partition de «l’Etat profond» («al-dawla al-‘amîqa») et le refus névrotique de la démission, ont été soit inaudibles soit franchement ringardes pour qu’on en puisse tenir compte.

Sûr de lui, Jebali ne se doutait pas – blindé qu’il était par son statut de secrétaire général du mouvement islamiste et de chef du gouvernement –, que Rached Ghannouchi ne lui pardonnera jamais son écart de comportement. La riposte du président Ennahdha sera effectivement sans merci et il n’abandonnera la partie qu’une fois il l’aura littéralement broyé sous son rouleau compresseur, comme il l’avait fait déjà dans le passé d’autres «récalcitrants»(11).

Agitant le spectre du retour à la case prison, le président du bureau politique d’Ennahdha mobilisa l’ensemble du mouvement pour contraindre Jebali à la démission. Il réussit à unir autour de lui tous les chefs de file de la frange jihadiste : Sadok Chourou, Habib Ellouze, les frères Larayedh (Ali et Ameur), Noureddine B’hiri, Fathi Ayadi, Abdellatif Mekki, Moncef Ben Salem, et le provocateur ministre de l’Agriculture Mohamed Ben Salem, qui a menacé d’étriper Belaid en direct à la télévision, Abdelkrim Harouni publiquement responsable du bureau de la jeunesse islamiste, mais qui, dans une autre vie, occupait la fonction de commandant en chef d’une armée de communicants nahdhaouis sur les réseaux sociaux avant d’être nommé en 2011 ministre de Transport, et Sahbi Atig, Riadh Bettaieb, Houcine Jaziri, Abderraouf Najjar, Ridha Idriss. Tous montent au créneau pour dénoncer la mollesse du secrétaire général, et son refus de solliciter l’avis de son parti.

Pour bien prouver leur intention de se maintenir au pouvoir, une manifestation baptisée «milyûniyya», qui n’a drainé en fin de compte que quelques 10.000 manifestants, fut convoquée à la hâte, le 16 février 2016, Ghannouchi marchait en tête du cortège, mot d’ordre central : «abattre» Jebali.

Malgré les flops répétitifs de ces marches, Ghannouchi parviendra par l’intimidation et le chantage à la terreur à atteindre son but: éviter l’éclatement d’Ennahdha et retarder de quelques mois le projet mort-né de dissolution du gouvernement, de nomination d’un nouveau au mandat limité à la gestion des affaires courantes, et de convocation d’élections. A la place, il proposera d’amorcer avec l’opposition un dialogue sur un remaniement ministériel partiel.

La violence au service du projet islamiste

Chokri Belaid s’intéressait de près aux querelles intestines, opposant, dans le huis-clos de la secte islamiste, ses factions rivales(12). Il savait que rien ne les différenciait, sinon la question du timing et le mode opératoire de la concrétisation du projet islamiste intégral et, par voie de conséquence, l’outil, autrement dit le bras armé qu’il fallait mettre sur pied sous le faux prétexte de défense du processus révolutionnaire.

En tant que section locale de la Confrérie internationale des Frères musulmans, Ennahdha n’eut aucun mal à se doter tout au long de son histoire d’une branche militaire conformément aux enseignements du fondateur Hassan Al-Banna pour qui «la force est le chemin le plus sûr pour réaliser la justice, celui qui ne cède pas par la persuasion, cédera par la force».

La question militaire, autrement dit l’usage de la violence armée, en tant qu’élément essentiel mais occulté, du mécanisme de «gestion du projet islamiste» est indissociable du binôme prédication/action politique, il constitue l’angle mort de leur vision idéologique et morale. Une espèce de doctrine absolue, qu’on pourrait appeler le «dogme profond» ou «al-aqîda al-amîqa», tant elle est dissimulée dans les plis et replis de l’idéologie mortifère de l’islam politique.

Même lorsque les islamistes n’ont pas la possibilité de l’exercer eux-mêmes parce que la dynamique propre à leur pays ne le permettait pas, ils le revendiquent, l’appuient et en légitiment l’usage chez les autres. Quelques jours avant de recevoir à Calcutta, en 2016, l’un des innombrables prix célébrant le pacifisme du Mahatma Gandhi, Rached Ghannouchi n’a-t-il pas qualifié, sans états d’âme, la barbarie de l’organisation terroriste de l’Etat islamique autoproclamé, de manifestation d’un «islam furieux»?

Dès sa création, en effet, le Mouvement de la tendance islamique (MTI), ancêtre d’Ennahdha, enjoignait à ses membres de s’abstenir de fumer et de pratiquer les arts martiaux. La première formation paramilitaire Front islamique tunisien voit le jour en 1986, le terroriste Seifallah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, actuel chef de l’organisation terroriste Ansar Charia, comptait alors parmi ses dirigeants les plus en vue, avant de prendre ses distances.

Vint ensuite le Groupe islamique armé suivi par Groupe sécuritaire (1986-1987) qui a tenté de renverser le régime d’Habib Bourguiba.

Ce très bref rappel historique prend une résonnance particulière, aujourd’hui, après les déclarations surprenantes de Sadok Ghodhbane, chef de «l’unité technique et planification» du commando cantonné à la base de la garde nationale de Laouina, qui a été chargée par Ben Ali d’investir, dans la nuit du 7 novembre 1987, le palais de Carthage, première étape du coup d’Etat.

Ce que Ben Ali ignorait, ce soir-là, nous l’apprîmes 29 ans plus tard, en 2016, par la bouche même de ce Ghodhbane, qui a révélé, au cours d’une intervention sur une chaîne privée, son affiliation secrète au Groupe sécuritaire d’Ennahdha, tout en précisant que la garde rapprochée de Ben Ali, présente ce soir-là dans la salle de commandement du ministère de l’Intérieur, était presque exclusivement composée d’agents infiltrés appartenant au dit Groupe sécuritaire, qui s’apprêtait lui aussi à renverser le régime, dès le lendemain, le 8 novembre 1987.(13)

Les chefs responsables de ce groupe étaient alors Mohamed Chammam, Moncef Ben Salem, Salah Karkar, Hamadi Jebali, Mohamed Ben Salem, qui avait pour mission, comme on le saura plus tard, de supprimer physiquement les dirigeants politiques de l’époque(14).

Les nombreuses cellules appelées «groupes de combat», qui ont tenté de renverser en 1991 le régime de Ben Ali à travers un putsch militaire, combiné à un «soulèvement armé» destiné, dans l’hypothèse d’un soulèvement d’une partie de la population contre un éventuel coup de force islamiste, à réprimer les citoyens récalcitrants qui refuseraient d’accepter le fait accompli.

On notera que le recours à la violence armée a été réaffirmé dans les motions défendues au cours du congrès du mouvement en 1988, malgré l’échec cuisant du coup d’Etat du 8 novembre.

Des années plus tard, Rached Ghannouchi joua un rôle politique clef dans la conversion du FIS à la lutte armée sous l’appellation de Groupe islamique armé (GIA), suite à la suspension du processus électoral en 1992.

Parmi les documents de la CIA déclassifiés récemment, on trouve un rapport évoquant la présence d’au moins deux dirigeants d’Ennahdha présents à une réunion à Khartoum d’islamistes radicaux du monde entier présidée par Oussama Ben Laden, futur chef d’Al-Qaïda. L’assistance, précisait la note, a affirmé sa volonté de combattre l’occident par tous les moyens.(15)

Les liens entre Ennahdha et la salafiyya-jihadiyya

Nous arrivons finalement à la période postrévolutionnaire marquée par la récupération des «comités de protection de la révolution» pluriels au départ, ceux-ci ne tardèrent pas à être happés par Ennahdha et ses alliés extrémistes pour les transformer en milices violentes à sa solde sous le nom des Ligues de protection de la révolution (LPR).

Entre 2011 et 2013, un pacte secret aurait été conclu entre l’organisation terroriste Ansar Charia et Ennahda. Le président du parti islamiste ne s’est jamais expliqué sur l’échange amical qu’il eut avec des salafistes jihadistes(16) où il estimait «que ni l’armée ni la police ni l’administration, bien qu’elles soient entre nos mains, ne sont sûres»(17) – Je n’insisterai pas sur les menaces proférées par Noureddine Bhiri, alors ministre de la Justice, de lâcher sur les Tunisien-ne-s ses 50.000 jihadistes. Je ne reviendrai pas non plus sur la constitution d’un escadron de combattantes féminines niqabées à l’Iranienne formées au Zamaqtel à Korba(18) ou sur le noyautage méthodique des institutions de l’Etat(19).

Ennahdha à toujours mené une action militaire combinée : constitution d’une force paramilitaire, et parallèlement infiltration pour hacker l’armée nationale de l’intérieur, pour construire une ceinture de protection autour de son pouvoir et parer à toute éventualité de coup d’Etat ou de levée en masse contre les islamistes.

Jusqu’à 2012, les liens entre la salafiyya-jihadiyya, dont Ansar Charia est l’expression armée, et Ennahdha étaient très étroits. Manifestations communes ou les slogans fêtant l’unité «nahdhawiyya-salafiyya» étaient scandés avec ferveur par le méprisable Recoba, la racaille des LPR et le peuple d’Ennahdha.

La coexistence entre les deux organisations était régie par une sorte de pacte d’entente non écrit : Ennahdha s’engage à recruter un grand nombre de salafistes dans la fonction publique, dans les services de sécurité et dans le système d’enseignement, en échange, Ansar Charia lui apporterait son appui le cas échéant militaire(20) et populaire de la nébuleuse jihadiste contre ses ennemis démocrates.

Les deux entités avaient collaboré fructueusement sur le dossier syrien, par exemple. Des agents de l’appareil para-policier au sein des différents services de l’Intérieur, de la douane, de la gendarmerie, de l’administration pénitentiaire, de la justice facilitaient les démarches de départ des terroristes pour les fronts syrien, irakien et libyen.

Sayyid Ferjani, ancien putschiste, membre de Majliss Al-Choura, conseiller au cabinet de Noureddine Bhiri, ministre islamiste de la Justice, a été à l’origine de la signature – en connivence avec B’hiri ? – d’un protocole avec le ministre des Affaires religieuses Noureddine Khadmi, ancien serviteur de la dictature converti au jihad global, permettant à des associations de prédication telles que Barîq, Al-Insân, Hurrîya wa Insâf et Al-‘adâla wa rad al-‘itibâr, de développer en toute liberté, sous prétexte de diffusion de la bonne parole en milieu carcéral, une intense propagande en faveur du jihâd : 3500 détenus rejoindront, entre 2011 et 2012, les zones des conflits en Syrie, en Irak et en Libye, des nombreux autres rejoindront progressivement les «foyers» terroristes du massif montagneux du Châmbi, à Kasserine, faisant de la Tunisie le pays le plus touché par le phénomène du jihad global tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières.

Sayyid Ferjani et ses hommes écumaient alors les centres pénitenciers et les maisons d’arrêt du pays (21), offrant la liberté à ceux qui accepteraient de partir pour le jihad.

En résumé, l’activité publique et occulte d’Ennahdha interagit avec celle d’Ansar Charia, un peu à l’image des rapports qu’entretenait, mutatis mutandus, le parti abertzale (nationaliste basque) Herri Batasuna et l’organisation séparatiste ETA, avant que cette dernière renonce à la lutte armée il y a cinq ans environ. Quant l’ETA commet un attentat à la bombe, le parti nationaliste se tait : il n’applaudit ni ne condamne.

En Tunisie, c’est un peu différent, toutes les actions terroristes commises dans notre pays, s’ils ne sont pas des mensonges montés de toute pièce par les Services, ne peuvent être, d’après le public d’Ennahdha et du CpR devenu Al-Irada, que l’œuvre d’une vaste conspiration internationale visant à nuire à l’islam et aux musulmans !

Ansar Charia et la nébuleuse jihadiste tunisienne

L’organisation terroriste Ansar Charia a été créée en 2011 par le «guide» du courant jihadiste, Al-Khatib Al-Boukhari Al-Idrissi (de Sidi Ali Ben Aoun) alias Abû Oussama.

Wahhabite converti au salafisme jihadiste takfiri pur et dur, dont il est devenu en Tunisie une référence incontournable et chef spirituel autoproclamé(22). Non-voyant, très discret, Al-Boukhâri Al-Idrissi se montre rarement en public. Le seul portrait qui circule de lui dans les médias est un faux, semble-t-il. Il n’intervient exclusivement que dans les mosquées salafistes sur les questions doctrinales pour énoncer des avis, apaiser les tensions qui surgissent de temps à autres au sein des courants salafistes jihadistes, ou pour fournir des réponses à des interpellations théologiques.

Elève du mufti wahhabite de l’Arabie saoudite Abdelaziz Ibn Abdullâh Ibn Al-Bâz (1993-1999), il étudia 9 ans durant dans ce pays, avant de rentrer en Tunisie où il fut arrêté par Ben Ali. La mosquée Al-Oumma, jouxtant son domicile, qu’il a fait construire à Sidi Ali Ben Aoun sur un terrain lui appartenant, bénéficie, en infraction à la loi, d’un statut de quasi extraterritorialité, et constitue depuis 2012 un vrai casse-tête pour les autorités.

La mosquée personnelle d’Al-Idrîssi est devenue un mazâr sanctuarisé du salafisme national et régional où toute présence médiatique est bannie. Quatre ans après sa construction, elle demeure en dehors de tout contrôle et totalement inaccessible, excepté pour ses disciples et partisans(23). Ce que l’opinion ignore ce que cette mosquée privée est très fréquentée au jour d’aujourd’hui.

Al-Idrissi est connu comme le divulgateur du concept de «pilier absent» الفريضة الغائبة, autrement dit de l’obligation légale du jihad. Il semblerait aussi que la devise de l’organisation terroriste de l’Etat islamique «باقية و تتمدد» serait inspirée d’un poème composé par lui : الاسلام اذا حاربوه اشتد و اذا تركوه إمتد. (24)

Le cofondateur d’Ansar Charia est Seifallah Ben Hassine alias Abû Iyadh (Al-Kalàa Al-Kobra), ancien militant du Mouvement de la tendance islamique (MTI) présentement Ennahdha. En 1986, il est parmi les responsables les plus en vue de sa branche armée, le Front islamique tunisien (FIT). Ancien combattant d’Al-Qaïda en Afghanistan, il fut arrêté en Turquie et extradé en 2003 vers la Tunisie. Où il écopera de 43 ans de prison pour terrorisme. Il collabora épisodiquement avec les services des renseignements tunisiens (Al-Isti’lâmât Al-Âmma). Bénéficiant de la loi d’amnistie, il quittera la prison en 2011.

Instigateur de l’attaque le 14 septembre 2012 contre l’ambassade des Etats-Unis et l’école américaine à Tunis, il quitte clandestinement le pays grâce à la complicité d’un membre de la police parallèle. C’est au moment de sa fuite que les relations entre le mouvement islamiste et la nébuleuse d’Ansar Charia se sont temporairement distendues sous la pression nationale et internationale.

Echappant à son contrôle, Ennahdha ne pouvait plus couvrir plus longtemps les activités terroristes d’Ansâr Chariâ : l’émirat islamique avorté de Sejnane, l’introduction massive des armes, l’affaire de l’Université de la Manouba, la persécution des intellectuels, des artistes, des hommes et des femmes des médias.

Surfant sur la montée de la vague jihadiste, Ansâr Charia s’est senti pousser des ailes, elle se posera désormais en concurrent direct d’Ennahdha, lui disputant même la revendication du projet d’instauration de l’Etat islamique.

D’un côté, le parti islamiste savait que le programme d’Ansâr Charia est relayé à l’intérieur du mouvement par nombre des dirigeants disposant d’une large assise au sein de la jeunesse nahdhaouie, pressés d’en finir avec ce qu’ils appellent les «laïques», d’un autre côté, sa proximité devenue trop voyante avec l’organisation terroriste comportait un risque énorme, celui de ne plus bénéficier – du moins en apparence – de l’adoubement de l’administration américaine et des pays européens.

En effet, archiconnues par les services d’intelligence de plusieurs pays, ces liaisons risquaient de lui sauter à la figure un de ces matins, ruinant définitivement la netteté du séquençage des éléments de langage, comme on dit en matière de communication, que les islamistes envoyaient systématiquement aux médias mainstream avec la connivence intéressée des pseudo spécialistes et journalistes, allemands et français en particulier, dans le but de se construire l’image d’un pôle de «modération» dans un paysage politique postrévolutionnaire indéchiffrable et turbulent.

Chokri Belaid plus que tout autre responsable politique du camp progressiste gardait un œil toujours sur les manœuvres des instances dirigeantes que Ghannouchi désignait – et il ne croyait pas si bien désigner – par l’expression «matbakh al-haraka», ou la cuisine du mouvement et ses plats invariablement concoctés avec les mêmes ingrédients de base, la mythomanie pseudo révolutionnaire et le double langage.

Belaid était à l’écoute et intégrait régulièrement dans ses analyses les résonances des conflits internes sur les sphères du pouvoir, et leurs retentissements sur les rapports entre la société tunisienne et le parti islamiste.

Belaid était parmi les premiers des dirigeants révolutionnaires – nous ne le dirons jamais assez – à déceler un lien de cause à effet de l’antagonisme entre les diverses cliques au sein de l’organisation des Frères musulmans et la montée subite des tensions politiques et sociales dans les pays.

Pour trouver des échappatoires à ses crises internes, Ennahdha a toujours cherché, d’après lui, à les exporter à l’extérieur pour provoquer artificiellement des troubles et des mouvements de protestation n’épargnant pas parfois son propre camps, mais aussi, à déclencher par procuration des actions armées de type terroriste, qu’on aura l’occasion de démontrer prochainement, exemple à l’appui.

En 2011, alors que la pulsation révolutionnaire était à son zénith et les possibilités de réformes en profondeur de la société et de l’Etat étaient immenses, Ennahdha se livrait méthodiquement aux mystifications et aux travestissements des sens de l’exercice de la liberté et du droit, en les ramenant sans cesse à un contenu religieux et traditionnel et obsolète.

Tout en impulsant de par son positionnement religieux une involution incroyable, Ennahdha diffusait à grand renfort de propagande indécente l’amalgame consistant à assimiler le pouvoir islamiste à un pouvoir révolutionnaire et l’opposition démocratique à une force contre-révolutionnaire, voire «complice de l’ancienne dictature». D’où l’invention nécessaire, pour clarifier les postures des uns et des autres au sein du processus révolutionnaire, d’un nouveau concept «al-iltifâf», autrement dit la confiscation ou, comme l’a très bien rendu Jean-Luc Mélenchon en langue française, «la captation insupportable de l’autorité révolutionnaire»(25) et de ses objectifs.

Les dirigeants nahdaouis se font accueillir, un peu partout, par les officines des lobbies sionistes américains, par les réseaux des anciens amis de Ben Ali dont la fidélité est à géométrie variable.

Elisabeth Guigou et Claude Bartolone ont effectué un nombre incalculable de visites au bureau du gourou de Montplaisir. Angela Merkel à déroulé le tapis rouge pour Hamadi Jebali pou s’entendre dire sur le sol allemand même que «les salafistes ne sont pas des martiens», ou par les cercles dirigeants européens qui se bousculaient pour s’entretenir avec Ghannouchi (26). Ce dernier, reçu avec les honneurs dus aux artisans d’une révolution dont il n’était ni l’auteur, ni l’inspirateur, ni à plus forte raison le guide, mais bien le fossoyeur, raflait avec Marzouki, qui leur servait à ces moments-là la soupe en abondance, des médailles et des distinctions qui ne leur revenaient pas.

En matière de théologie, notamment quand celle-ci obéit à la raison politique, il existe une règle fondamentale non écrite, selon laquelle, quand deux personnes ne pensent pas de la même façon, l’une d’elle doit être brûlée sur la place publique. Cela a été vrai pour Hamadi Jebali dans le conflit qui l’a opposé à son mouvement, on ignore si sa mort publique – autrement dit son expulsion brutale du champs politique – en est la conclusion logique (du conflit) ou une énième représentation (au sens de spectacle) d’un jeu de rôle soigneusement conçu pour leurrer l’opinion et brouiller les pistes, mais dont l’objectif final était de sauver Ennahdha du péril en tentant de circonscrire les conséquences désastreuses provoquées par l’assassinat d’un dirigeant d’envergure.

Des telles supputations ne sont pas superfétatoires quand on a affaire à un groupe politique qui manipule à merveille la dissimulation et le mensonge. Nous gardons malgré tout espoir qu’un jour, la justice sinon l’histoire mettront au clair la responsabilité du parti islamiste dans la tentative de destruction du mode de vie des Tunisiens et des malheurs qui se sont abattus sur eux pendant les trois années crépusculaires du règne de la Troïka.

Les générations futures seront alors en droit d’obtenir des réponses claires à leurs interrogations, comme nous tentons nous-mêmes de le faire aujourd’hui pour la période écoulée.

Précédents articles de la série :

Assassinat de Chokri Belaïd: Les dessous d’un crime islamiste

Assassinat de Chokri Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (2e partie)

Assassinat de Chokri Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (3e partie)

Assassinat de Chokri Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (4e partie)

Assassinat de Chokri Belaid : Les dessous d’un crime islamiste (5e partie)

Notes :
1)- Ces quelques notes sur le conflit qui opposa Hamadi Jebali à son mouvement n’ont pas la prétention d’être exhaustives ni ne tendent à le laver de quoi que ce soit. Le chef du gouvernement de la Troïka reste pour nous tout aussi responsable qu’Ali Larayedh et d’autres dirigeants islamistes, du CpR ou de pseudos «sociaux-démocrates» d’Ettakattol de Ben Jâafar qu’on a un peu tendance à oublier parfois, des années noires qu’a connues notre pays de 2011 à 2014: l’assaut contrez l’UGTT, la répression féroce des mouvements sociaux à Siliana, la campagne de répression sans nom menée contre les forces vives du pays le 9 avril 2012 qu’Ettakattol a justifiée avec vigueur par la voie du ministre des Affaires sociales Khalil Ezzaouia quand il a déclaré, le jour même, à une radio périphérique que «les Tunisiens doivent s’estimer heureux qu’on ne leur a pas tiré dessus à balles réelles», et bien évidemment la corruption qui a battu des records jamais inégalées, la montée du terrorisme, les assassinats politiques, les massacres des soldats de l’armée nationale et des agents des forces de sécurité.

2). Une source m’a raconté comment Lotfi Zitoun, chef du cabinet et spin doctor de Rached Ghannouchi, a tenté de racketter sans succès un homme d’affaire tunisien à Paris en 2012. Voyant que ce dernier renâclait à payer la note qu’il assimila à un nouveau 26/26, Zitoun lui dira que cette fois-ci, il lui demandait poliment, mais la prochaine fois ce sera obligatoire et finit par le mettre engarde : «N’oublies pas que nous sommes là au moins pour quarante ans».
Si cette information est authentique, je lance un appel pressant à cet homme d’affaire afin qu’il témoigne de sa mésaventure. Ni le CpR ni Ettakattol ne sont en reste, tout le monde avait entendu parler des visites peu courtoises qu’effectuait Ilyes Fakhfakh, ministre de Finances – autrement dit de deux leviers principaux pour une opération de chantage parfaite, les impôts et des banques ! – aux domiciles de certains hommes d’affaires pour leur demander de faire «un petit effort pour le parti».

3)- Etaient présents devant le théâtre municipal Habib Ellouze, Maherzia Labidi, Rached Ghannouchi et Sihem Badi (CpR), ancienne membre d’Ennahdha juqu’au mois de septembre 2011.

4)- «Un fascisme islamique qui monte un peu partout en Tunisie et en Egypte», réaction de Manuel Valls alors ministre français de l’Intérieur.

5)- Nessma TV. 

6) Dixit Rached Ghannouchi qui a finalement reconnu fin janvier 2016 «qu’Ennahda est effectivement un parti totalitaire» («hizb shumûlî»).

7) Après avoir remis sa démission, fin février 2013, Hamadi Jebali a attendu plus de deux ans pour couper définitivement le cordon ombilical avec Ennahdha. L’exemple de Abdelfattah Mourou est édifiant à plus d’un titre, depuis sa condamnation de la dérive terroriste d’Ennahdha au début des années quatre-vingt dix, il a passé environ 20 ans, ni vraiment dehors, ni vraiment dedans. Son retour au bercail en 2012 lui a valu son poste actuel de numéro deux de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Après avoir été éloigné de la direction du Mouvement, Salah Karkar (décédé en 2012) fut accueilli en grande pompe 20 ans plus tard par Ghannouchi en personne comme chef historique d’Ennahdha .

8) C’est sous cet angle qu’il faut revoir les circonstances réelles qui entouraient l’attaque des milices islamistes contre l’UGTT. A l’occasion des préparatifs du dernier congrès de la Centrale syndicale, Kacem Afia, secrétaire général adjoint, a révélé que des syndicalistes liés à certaines parties – euphémisme désignant Ennahdha – toujours en exercice, étaient impliqués dans l’attaque du 4 décembre 2012 contre le siège de l’UGTT, Cette attaque qui rappelle la campagne de destruction menée, dans les années trente, par les Sections d’Assaut du parti nazi contre les syndicats et les partis démocratiques allemands, visait en réalité le sabotage des conventions collectives tout à l’avantage des salariés signées le matin même au palais du gouvernement, et bien évidemment contre Hamadi Jebali et son gouvernement, coupable aux yeux d’Ennahdha d’avoir cédé aux pressions du syndicat. Ces accords, faut-il le rappeler, n’étaient pas du goût des secteurs radicaux.

9) J’évoque ici le massacre d’Atocha le 24 janvier 1977. En plein centre de Madrid, 5 avocats en droit de travail proches des Comisiones Obreras, syndicat communiste non encore reconnu à cette époque, abattus à bout pourtant dans leur bureau par trois malfrats appartenant à l’extrême droite franquiste, qui agissaient – dans le cadre d’une conspiration visant à faire dérailler le processus de transition – en connivence avec des cercles du pouvoir qui les ont aidés et protégés leur fuite. Il est frappant de constater la similitude entre les funérailles dignes et pacifiques de Belaid et des cinq avocats. L’assassinat de Belaid comme celle des avocats de la rue Atocha ont été deux moments clé dans le processus de transition de la dictature à la démocratie en Tunisie et en Espagne, les démocrates des deux pays n’ont pas répondu aux armes par les armes.

10) «[…] La Tunisie est un pays fin. Un pays qui n’a pas de tradition de violence et qui a eu un moment des hommes comme moi […]». Devait déclarer Marzouki au cours d’un entretien conduit par Benoît Delmas (Afrique.lepoint.fr, 04/10/2016).

11) On se souviendra longtemps de l’incident au cours duquel Abdelfattah Mourou fut copieusement corrigé par un salafiste en pleine réunion publique à Kairouan. Ghannouchi – qui n’a jamais prôné l’usage la violence, oh que non ! mais ne faisait que servir «innocemment» de caution politique aux violents – n’a pas bougé le petit doigt pour défendre son numéro deux.

12) Lire à ce sujet la traduction française d’une sélection de trois interventions médiatiques de Chokri Belaid : ‘‘Hommage à Chokri Belaid : Les derbières paroles d’un juste’’ .

13) Voir la vidéo de Sadok Godhbane toujours réfugié à Londres, six ans après la Révolution, sur Al-Hiwar Attounsi, le 7 décembre 2016.

14) Après la Révolution ,78 membres du groupe sécuritaire ont été recrutés en 2012 sans enquête sécuritaire préalable par l’islamiste Ali Larayedh, ministre de l’Intérieur.

15) Parmi les militants d’Ennahdha qui vivaient alors à Khartoum, dont certains venaient d’Algérie, on citera Rached Ghannouchi, Amer Larayedh, Mohamed Ben Salem, Hachmi Hamdi et Mohamed Zouari, abattu récemment par le Mossad devant son domicile à Sfax.

16) Voici le témoignage du blogueur et hacker tunisien réfugié en France à l’hebdomadaire ‘‘Le Point’’ au sujet des liens entre Ennahdha et Ansar Charia : «Tout commence à la réception du message d’un inconnu: «Je suis en contact proche avec des islamistes.» L’homme dit avoir découvert Amine à travers ses prises de position publiées sur le site du Parti pirate. Il a des documents, il souhaiterait les confier à l’activiste. Amine, intrigué, ne réfléchit pas bien longtemps avant d’accepter. «De Paris, il demande à un ami du Parti pirate de récupérer les documents à Tunis. Un intermédiaire les achemine ensuite en France. Dans l’enveloppe, Amine trouve deux pages tapées à la machine. Elles sont rédigées en arabe. Les formulations sont brèves et concises. C’est un compte-rendu et il est à peine croyable. À lire le document, un déjeuner à huis clos aurait été organisé dans le plus grand secret, le 4 juillet 2012, dans un restaurant du quartier maritime de la Goulette, à Tunis. Ce déjeuner aurait réuni deux acteurs clés de la scène tunisienne: Rached Ghannouchi, le responsable du parti islamiste Ennahdha, et Abou Iyadh, un ancien combattant d’Al-Qaïda en Afghanistan devenu le chef de l’organisation jihadiste tunisienne, Ansar Charia. Officiellement, les deux hommes n’ont aucune relation. Le jihadiste a toujours reproché aux responsables du parti islamiste de se comporter comme des tièdes, les deux factions affirment n’entretenir aucun lien. Abou Iyadh est un homme en guerre ouverte. Deux mois après le déjeuner dévoilé par le document, il dirige un assaut meurtrier, cinq morts, contre l’ambassade américaine de Tunis; en 2013, il est recherché pour l’assassinat du dirigeant de gauche, Chokri Belaïd et du député de la Constituante Mohamed Brahmi. Que le « modéré » et le « dur » aient pu ainsi se rencontrer pour dialoguer est stupéfiant. Amine est fascinée. Il découvre que, pendant ce déjeuner, Abou Iyadh aurait dévoilé à Rached Ghannouchi son intention d’étendre le djihad en Tunisie afin d’imposer la charia. Une vague d’attentats et d’assassinats ciblés, explique le jihadiste, permettrait de terroriser la population et d’orienter la révolution vers l’accomplissement du rêve islamique. Au nombre des personnalités à abattre: le communiste Hamma Hammami; l’avocat Chokri Belaïd, assassiné huit mois après le déjeuner.

17) Vidéo intégrale de la rencontre

18) Lire à ce propos le témoignage édifiant intitulé «Reportage dans un camp d’entrainement des femmes en niqab à Korba», Businessnews – 08/08/2012.

19) Issam Dardouri – actuellement en prison – a révélé l’existence d’une véritable brigade de police salafiste (shurtat al-hisba) qui avait pris ses quartiers à l’aéroport de Tunis Carthage entre 2012-2013 et dont la mission était d’accueillir entre autres les téléprédicateurs salafistes takfiri

20) A la même période en Egypte, l’islamiste Mohamed Morsi Al-‘Ayâat avait déjà conclu un pacte secret avec Al-Zawâhiri portant sur le transfert et la réinstallation des colonnes combattantes d’Al-Qaida dans certaines régions d’Egypte et dans le Désert du Sinaï. Les enregistrements des échanges téléphoniques entre le président islamiste et le chef d’Al-Qaïda à ce propos ont constitués les pièces à conviction lors du procès de Morsi.

21) Consulter sur la toile les témoignages d’Olfa Ayari déléguée du syndicat «Prison et réforme» et de Walid Zarrouk autre syndicaliste condamné et jeté en prison dans une affaire d’opinion.

22) La seule action qu’on lui connaît est l’appel lancée en 2012 à un rassemblement devant le ministère des Affaires étrangères pour exiger de la diplomatie tunisienne qu’elle prenne en charge la «cause» des détenus tunisiens d’Al-Qaïda emprisonnés en Irak.

23) Le gouverneur de Sidi Bouzid, Mourad Mahjoubi a annoncé triomphalement, il y a trois mois, la fermeture de 7 mosquées non-conformes à la loi, dont deux à Sidi Ali Ben Aoun. Du pur enfumage destiné à cacher l’impuissance de l’Etat à prendre ses responsabilités vis-à-vis de la mosquée privée d’Al-Idrissi

24) Lire Article de Monia Arfaoui in Assabah News, 24 mars 2016.

25) Autorité vaut ici paternité. «La semaine du choc», blog de Jean-Luc Mélenchon, 13 février 2013.

26) Il a fallu attendre les attentats de ‘‘Charly Hebdo’’ et du Bataclan et les massacres au camion bélier à Nice et à Berlin pour que les élites européennes prennent enfin conscience du danger des compromissions avec l’islam politique et ses différents embranchements terroristes.

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