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La radicalisation, dérive funeste mais non illogique de l’islam

Qui aurait pensé qu’un jour, on voilerait les petites filles en Tunisie ?

La radicalisation n’est pas une «maladie de l’islam» pour emprunter le titre d’un livre d’Abdelwahab Meddeb; elle en est une dérive logique.

Par Faïk Henablia *

Depuis la disparition de l’école mu’taziliste, et sous l’influence du courant hanbalite, l’islam a progressivement dérivé vers une interprétation littérale des textes religieux, allant dans le sens de la dilution de la pensée rationnelle et du libre arbitre.

Interprétation rétrograde des textes

La conséquence en a été un véritable appauvrissement intellectuel, doublé d’un bouclage en règle de la pensée musulmane, la mettant dans l’incapacité de relever les défis auxquels elle a dû faire face.

Or l’embrigadement et l’emprisonnement de la libre pensée, recèlent forcément, en eux, les germes de la radicalisation, leur corollaire logique.

Radicalisation ne signifie, d’ailleurs, pas forcément violence. Il s’agit plutôt de cette invasion progressive de l’interprétation ultra conservatrice et rétrograde des textes, de leur lecture et application littérale, sinon par la force, du moins par la pression sociale, sournoise et constante.

La violence n’est que l’aboutissement ultime, la forme la plus extrême de ce cheminement.

Le Coran stipule bien : «Pas de contrainte dans la religion», (verset 2 :256).

Ce texte, primordial dans la doctrine mu’taziliste, a vu son interprétation se réduire , sous l’effet de la pensée radicale, au traitement des juifs et des chrétiens, seuls autorisés à conserver leur religion, en étant tout de même prévenus que, ce faisant, ils encourent inéluctablement le châtiment divin. En revanche, un musulman peut-il se convertir à une autre religion? De même, le fidèle d’une religion non révélée, ou l’athée, sont-ils concernés? Assurément non.

Les signes d’une radicalisation rampante

Je me suis amusé à répertorier quelques signes de cette radicalisation dans la société tunisienne, signes de la vie de tous les jours, auxquels nous ne faisons même plus attention, en prenant soin de laisser de côté les signes politiques, tant ils sont manifestes; liste non exhaustive, bien entendu.

– Le voile en constitue un signe évident, bien que souvent inconscient, et la burqa, la forme la plus poussée; radicalisation frisant la maltraitance d’enfants lorsque des jeunes filles la subissent.
Celles, qui, de plus en plus nombreuses, décident de se voiler ne se considéraient-elles donc pas musulmanes auparavant? Ceci n’exclut d’ailleurs pas la question de savoir si cet accoutrement ne répond pas au désir de se protéger face à une gent masculine de moins en moins tolérante. Quoi qu’il en soit, que la responsabilité soit celle des hommes ou celle des femmes ne change rien à la donne de la radicalisation.

– La finance dite islamique qui se répand a vitesse V en est un autre exemple. Elle procède d’une interprétation radicale du texte religieux, selon laquelle l’intérêt est banni, alors que seule l’usure est visée en réalité.
Assimiler l’intérêt, qui est une rémunération légitime du capital, à ce taux abusif qu’est l’usure, procède d’une interprétation radicale des textes et la multiplication des institutions financières islamiques de sa réceptivité de plus en plus croissante dans la société.

La situation est d’ailleurs d’autant plus cocasse que l’intérêt n’est pas tant absent des produits financiers islamiques, que plus ou moins savamment dissimulé, donnant ainsi lieu à des surenchères d’ingéniosité dans la mystification. Mais ceci est une autre histoire.

– La chasse aux non-jeûneurs, autre exemple s’il en fût, est plus récente. Qu’un illuminé décide d’y aller de ses sermons dans des restaurants demeurés ouverts durant ramadan est une chose. Mais que des juges, n’hésitant pas à détourner la loi, en arrivent à prononcer des condamnations pour non observance du jeûne, en est une autre bien plus grave. Ces sentences seront sans doute infirmées en appel , mais le fond du problème n’en sera pas résolu pour autant, à savoir qu’elles eurent été impossibles en dehors d’un contexte de radicalisation.

– J’ai relevé un autre signe, presqu’anodin, mais qui en dit long. Les gens ne l’ont peut-être pas remarqué, mais dans la quasi-totalité des médias, la rubrique «prières» énumère, désormais, 6 prières quotidiennes, alors que dans ma grade ignorance, je pensais qu’il n’y en avait que 5 en islam!

Qu’il s’agisse d’une évolution de la religion sous nos yeux ou d’un concours général de piété, le fait est que ceci est révélateur d’un état d’esprit.

– Je citerai finalement les prières collectives des rogations pour la pluie qui ont toujours été pratiquées en Tunisie, et ailleurs. La nouveauté réside cependant dans le fait que des responsables gouvernementaux y appellent publiquement, en la personne du ministre des Affaires religieuses.

La religion est ce que les hommes en font

De tels appels auraient-ils été possibles en dehors du contexte actuel bien particulier ? Il est permis d’en douter.

Pour en revenir à la doctrine mu’taziliste, le pêcheur n’y était plus considéré musulman, à moins de se repentir.

Quel contraste avec les propos de tel dirigeant islamiste d’aujourd’hui, assimilant les terroristes à ses enfants et reconnaissant la qualité de musulman, non pas au repentir, mais à la seule profession de la chahada; un terroriste peut-il, d’ailleurs, se repentir ?

Deux directions, diamétralement opposées, à partir d’un même texte. Ce qui montre bien que la religion est ce que les hommes en font.

* Gérant de portefeuille associé.

 

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