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Les enseignements de la législative partielle d’Allemagne

La démocratie ne réside pas dans la tenue d’élections boycottées par les citoyens, mais dans le respect réel des libertés et des droits de ces derniers.

Par Farhat Othman *

La législative partielle d’Allemagne impose un sursaut démocratique qui ne consiste pas à accélérer la tenue des élections municipales, mais une réforme législative urgente pour mettre en œuvre les droits et libertés de la Constitution. Elle suppose aussi une politique internationale moins manichéenne et roublarde qu’éthique, tenant compte des réalités.

Enseignements pour la démocratie

Le scrutin législatif partiel en Allemagne est gros d’enseignements pour la démocratie. Il serait non seulement illogique, mais complètement fou, de ne pas en tenir compte, non seulement par les décideurs politiques, mais aussi par les élites qui comptent, dont celles qui viennent de lancer cet appel du 17 décembre qui, s’il fait un bon diagnostic de la situation politique, ne propose rien qui soit approprié à la situation.

Le premier enseignement est que ce ne sont pas les élections qui sauveront la démocratie en Tunisie. Le peuple est déçu et le manifeste par le boycott. Et il sera vain de penser rendre le vote obligatoire, car c’est violer encore plus l’esprit de la démocratie.

Ce qu’il faut faire, c’est ramener les masses à la politique; or, cela suppose de reconnaître leurs droits et leurs libertés. Pourtant, ce n’est pas ce qu’on fait, puisque la société est encore sous la botte des lois liberticides de la dictature.

Ce qu’il faut donc, bien avant la moindre élection à venir, est d’abord la réforme d’envergure des codes en vigueur, notamment pénal, en plus d’un moratoire sans plus tarder aux lois les plus scélérates. C’est ce qui sera cause certaine d’un sursaut salutaire dans les mentalités.

Le second enseignement à tirer est qu’il ne faut plus croire les partis, même s’ils sont sincères dans leurs engagements, car on est dans l’ère des foules; ce sont donc elles qui imposent leurs choix.

Ainsi, le parti Ennahdha, à supposer qu’il fût sincère dans son soutien au candidat du parti Nidaa, savait parfaitement bien que cela ne serait pas suivi d’effet auprès de ses sympathisants. Car, jusqu’à preuve du contraire, les électeurs d’Ennahdha seront toujours obscurantistes et ce tant qu’on ne leur aura pas imposé, par la force de la loi, le comportement éthique et légaliste qu’impose une démocratie.

Par conséquent, il ne sert absolument à rien de bâtir une démocratie en se limitant à organiser des élections. Il importe d’abord que cela se fasse dans le cadre d’un État de droit où les lois sont justes et civiques. On en est loin sept ans après la supposée révolution tunisienne.

Enseignements pour le salut de la Tunisie

Il est deux autres enseignements, toujours en rapport avec une saine compréhension de la démocratie, mais qu’impose aussi et surtout le salut du pays. Cela est donné par le troisième enseignement attestant que l’argent public doit être employé à meilleur escient plutôt que dilapidé ainsi dans des élections massivement boycottées, au résultat convenu et/ou connu d’avance au vu du scrutin de liste retenu qui privilégie les combines des partis.

Il faut oser geler tous ces budgets inutiles aujourd’hui dans l’édification de l’État de droit (celui de l’Isie déjà, mais aussi de l’IVD, par exemple) qui ne se fera qu’avec un ordre législatif juste, donc l’engament préalable de la réforme d’envergure ci-dessus évoquée.

Or, comment y procéder quand même les élites éclairées, telles celles qui viennent de lancer l’Appel du 17-Décembre, continuent à parler d’élections, oubliant que c’est mettre le bœuf devant la charrue?

Ainsi, dans ledit appel, il n’est nulle question de textes législatifs scélérats à abolir ou dont l’application est à geler incontinent. Pourtant, il serait plus judicieux en termes de retombées certaines sur les mentalités d’exiger, par exemple, la réalisation immédiate de l’égalité successorale ou l’abolition de l’homophobie, sujets ô combien sensibles de nature à faire tomber le masque de ceux qui jouent aux démocrates.

Le quatrième enseignement consiste à se rendre compte que le salut de la Tunisie n’est pas qu’entre ses mains, car il dépend pour beaucoup de son environnement. De cela non plus l’Appel du 17-Novembre ne fait nul état. Or, l’actualité sur Jérusalem et le fait qu’un sympathisant daéchien soit le nouvel élu du parlement démontrent bien la gravité de pareil désintérêt aux réalités.

Il est temps d’oser dire le vrai et sortir de la confusion axiologique actuelle sur nos rapports avec l’Occident et avec Israël. Le salut de la Tunisie est dans son intégration à son environnement méditerranéen naturel et dans la parole de vérité sur la Palestine.

Ce qui suppose d’oser, d’un côté, réclamer de transformer la dépendance informelle actuelle de l’Europe en dépendance formelle, impliquant une demande en bonne et due forme d’adhésion. Et de l’autre, de renouer avec la vision de Bourguiba en osant établir des relations diplomatiques avec Israël dans le cadre d’un retour à la seule légalité internationale qui compte, celle de 1947 qui stipule, déjà, un statut international pour Jérusalem.

C’est ainsi et ainsi seulement qu’on défendra utilement la ville sainte et la cause palestinienne tout en agissant pour la paix en Méditerranée. Ainsi aussi érigera-t-on véritablement une démocratie en Tunisie qui ne relève pas que du simili droit, une démocratie au rabais, mais un véritable État de droit, garantie du salut du pays au peuple, dans sa majorité, bien plus mûr qu’on ne veut le croire, étant sûr d’être une exception dans le monde arabe.

* Ancien diplomate, écrivain.

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